Service Secret : Quand deux Canadiens francophones menèrent un réseau d’évasion en Europe lors de l’occupation nazie

Fausses cartes d’identité de Raymond LaBrosse (à gauche) et de Lucien Dumais.
Anciens combattants Canada/rcsigs.ca; The Man Who Went Back
Le MI9 était le service de renseignement militaire qui avait pour mission de ramener en Grande-Bretagne les prisonniers alliés évadés et les aviateurs qui s’étaient écrasés en Europe, alors occupée par les nazis. Il s’agissait d’un travail extrêmement dangereux pour les agents du service et pour leur réseau de partisans. Les opérations en France étaient dévolues à des agents qui parlaient français, et parmi les recrues du MI9 les plus accomplies se trouvaient deux braves volontaires canadiens-français.

Le Montréalais Lucien Dumais était un sergent à l’esprit vif de 38 ans. Membre des Fusiliers Mont-Royal et capturé en aout 1942 lors du raid de Dieppe, il s’était échappé du train qui le conduisait à un camp de prisonniers de guerre. Une fois revenu en Angleterre, il s’était porté volontaire pour servir au sein du MI9.

L’Ottavien Raymond LaBrosse, sans-filiste du Corps royal canadien des transmissions, était parti outre-mer en 1940 au jeune âge de 19 ans. Le service de renseignement avait bien noté sa compétence professionnelle convoitée et son bilinguisme, et le jeune homme, aussi calme que hardi, se porta également volontaire pour les opérations en France.

En février 1943, il avait été parachuté avec un compagnon aux abords de Paris. Ils avaient pour tâche d’organiser un groupe d’agents et une route secrète

vers la côte pour les soldats et aviateurs alliés fuyant les Allemands. Mais, la Gestapo avait infiltré la filière au bout de quelques mois à peine. LaBrosse put s’enfuir et retourner en Grande-Bretagne en passant par l’Espagne, puis par Gibraltar.

À la fin du mois de mars 1944, l’opération Bonaparte avait pu faire quitter le continent à 128 aviateurs (dont 94 Américains).

LaBrosse fut promu lieutenant cet été-là, et on lui adjoignit Dumais pour établir une nouvelle filière d’exfiltration. Eux qui avaient déjà échappé aux Allemands allaient risquer à nouveau leur vie pour appuyer d’autres évasions. « Nous avons tout de suite été une équipe soudée », a souligné LaBrosse.

L’organisation du duo, du nom de code Bonaparte, faisait partie du réseau d’exfiltration « Shelburne » du MI9, et c’est celle qui eut le plus de succès en France.

Un train logistique allemand dérailla près d’Abbeville, France, en septembre 1944. Des agents secrets canadiens coopéraient avec les résistants français à de telles missions de sabotage.
Donald I. Grant/MDN/BAC/PA-115860

Les deux Canadiens furent méticuleusement formés aux opérations clandestines, et on leur donna des pseudonymes et de faux papiers d’identité. LaBrosse s’occupait de la radio, camouflée en valise par précaution, et il assurait la communication avec le MI9.

Un avion Lysander les largua au-dessus d’un champ à l’ouest de Paris en novembre 1943. Armés de pistolets, ils disposaient d’une belle somme, de cartes routières et même de tickets du métro de Paris. Leur accent canadien pouvait être pris pour du patois régional. « Ce à quoi il fallait faire très attention, a évoqué LaBrosse des années plus tard, c’était d’employer ni argot ni expressions en français canadien. »

LaBrosse et Dumais prirent contact avec des membres de la résistance française et d’autres courageux citoyens qui offraient des maisons sures, des vivres et des vêtements aux agents et aux aviateurs abattus. Ils servaient aussi de guides jusqu’au village côtier breton de Plouha, sous étroite surveillance allemande. Là-bas, les fugitifs étaient cachés jusqu’à ce qu’une canonnière motorisée britannique passe les chercher.

La première évacuation réussie, qui permit à 16 aviateurs et deux agents britanniques de rentrer chez eux, eut lieu par une nuit sans lune du 29 janvier 1944.

À la fin du mois de mars 1944, l’opération Bonaparte avait pu faire quitter le continent à 128 aviateurs (dont 94 Américains). Le plan Shelburne vint en aide à 307 personnes en tout. « Notre décision concernant les deux hommes s’est révélée judicieuse, et ils ont obtenu de magnifiques résultats », écrivit le capitaine Airey Neave du MI9.

Après les débarquements du jour J, Dumais et LaBrosse combattirent aux côtés de résistants français jusqu’à l’arrivée des troupes alliées. Ils survécurent à la guerre, et tous deux reçurent la Croix militaire ainsi que des décorations françaises et américaines.

Search
Connect
Listen to the Podcast

Comments are closed.