Le gouvernement néglige le sort des interprètes afghans, dit l’ombudsman

Le capitaine Alex Watson s’entretient avec des villageois par l’intermédiaire d’un interprète dont le visage est dissimulé pour le protéger des représailles.

L’ombudsman du MDN/FAC condamne le gouvernement fédéral et l’accuse de négliger le sort des anciens interprètes afghans qui ont risqué leur vie et celle de leurs proches en travaillant aux côtés des Forces armées canadiennes pendant les 13 années de la guerre.

Dans une lettre adressée à Bill Blair, ministre de la Défense, Gregory Lick note que depuis juillet, 15 anciens « conseillers linguistiques et culturels » (CLC) vivant désormais au Canada ont contacté son bureau pour se plaindre que leurs demandes soumises à la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) de l’Ontario n’ont pas été bien réglées.

« À ce jour, leurs efforts pour obtenir un traitement et des soins pour leurs besoins mentaux et physiques subis en soutenant nos troupes se sont heurtés à l’inaction, a-t-il écrit dans la lettre publiée sur le site Web de l’ombudsman. Les traitements médicaux et les compensations financières pour les blessures ont été inadéquats ou inexistants. »

« Beaucoup d’entre eux ont servi plus de cinq ans “sans pause ni relève” ».

De nombreux Afghans et quelques Pakistanais ont servi d’interprètes et de conseillers à plusieurs périodes entre décembre 2001, quand sont arrivés les premiers soldats des forces spéciales du pays dans la zone de guerre, et mars 2014, quand la mission a pris fin et que le dernier cadre instructeur est parti. Le Canada a retiré ses troupes de combat en 2011.

Beaucoup de ces CLC, ainsi que leurs proches, ont subi des menaces pendant leur service. Plusieurs ont été tués ou blessés par les talibans; d’autres ont été confrontés à de multiples problèmes mentaux et physiques.

Ottawa a d’abord offert d’ac-cueillir les CLC qui pouvaient prouver avoir reçu des menaces en raison de leur travail pour le Canada. Environ 800 interprètes et leurs proches sont venus au Canada avant la fin du programme en 2011, rejoints par 7 500 autres après la fin de la guerre et la victoire des talibans en octobre 2021.

Certains interprètes ont passé plus de temps au cœur des opérations de combat que les soldats pour lesquels ils travaillaient. Leur mission était périlleuse, car ils recueillaient des rensei-
gnements, surveillaient les communications, avertissaient des attaques imminentes et aidaient les commandants à comprendre la culture locale. Cependant, ils étaient agents contractuels et n’avaient pas droit aux avantages habituels du gouvernement fédéral pour ce type de contrat, même si la plupart sont plus tard devenus citoyens canadiens.

« Bien qu’une procédure d’appel soit en cours pour certains d’entre eux, a écrit M. Lick, les faits de cette affaire démontrent un manque de soutien de la part du gouvernement pour ces Canadiens. Cette affaire est sur le point de devenir un chapitre honteux de l’histoire militaire du Canada.

« La prise en charge de ces anciens conseillers linguistiques et culturels est une obligation morale, et leur bien être relève de la responsabilité du gouver-nement du Canada. »

M. Lick note que c’est le service de renseignement militaire qui les a recrutés, et que les soldats qui servaient à leurs côtés ont souligné leur rôle essentiel dans les opérations. Il explique que beaucoup d’entre eux ont servi plus de cinq ans « sans pause ni relève », et que divers commandants de force opérationnelle leur ont décerné des honneurs et mentions élogieuses.

Watson (troisième militaire à partir de la gauche) et d’autres membres du 3e Groupement tactique du PPCLI parlent avec des villageois près de Kandahar en 2002. Le visage de l’intermédiaire est dissimulé pour le protéger des représailles.

On leur avait dit au début qu’ils travailleraient en relative sécurité sur le terrain d’aviation de Kandahar, explique M. Lick, mais « au bout de quelques jours », ils se sont retrouvés dans des bases d’opérations avancées, des villages, des convois et des zones de combats.

« Connaissant les risques inhérents à leur travail essentiel de soutien des membres des FAC déployés, des efforts appropriés n’ont pas été entrepris pour s’assurer du bien être des CLC après le déploiement », a écrit l’ombudsman.

« Nous savons qu’ils ont travaillé pour nous, et nous voulons leur apporter toute l’aide possible. »

« Malgré les efforts déployés par le sous-ministre adjoint des ressources humaines (civiles) de Direction Santé globale pour aider ces anciens CLC en validant la nature de leur travail spécialisé et dangereux, les décisions de la CSPAAT ont jusqu’à présent été défavorables aux CLC et pourraient indiquer que la CSPAAT n’est pas calibrée de manière adéquate pour ces délibérations. »

M. Lick a déclaré que la couverture médiatique et la réaction générale avaient révélé un appui « enthousiaste » de la population ainsi que du personnel subalterne pour le sort des interprètes.

« Malgré les efforts récents du ministère pour fournir une validation à la CSPAAT à l’appui de leurs demandes, aucune aide significative n’a été apportée. Laisser cette question en suspens ne sert ni le gouvernement du Canada, ni les anciens CLC, ni les intérêts des Canadiens. »

Les gestionnaires de cas du
CSPAAT ont balayé les évaluations de psychiatres et de travailleurs sociaux en rejetant les demandes de prestations de plus d’une douzaine d’interprètes au printemps dernier.

La commission a par la suite accepté de revoir les cas. Un porte-parole de la CSPAAT a déclaré à la CBC que l’organisme traitait 17 demandes concernant d’anciens CLC. L’ombudsman est en relation avec 15 d’entre eux.

« Nous travaillons aussi vite et aussi rigoureusement que possible, a déclaré à CBC News Christine Arnott, directrice des Affaires publiques de la CSPAAT. Parfois, rendre une décision peut prendre plus de temps que nous le souhaiterions, car nous devons obtenir des renseignements pertinents qui remontent à des années sur le dossier médical et professionnel. »

Mme Arnott assure que les décisions seront prises avant Noël et qu’elles seront accompagnées d’explications à l’attention des conseillers.

Le ministre a déclaré qu’il avait rencontré l’ombudsman et qu’il cherchait une solution.

« Nous savons qu’ils ont travaillé pour nous, et nous voulons leur apporter toute l’aide possible. »

Le gouvernement fédéral prévoyait de faire venir un total de 40 000 Afghans entre aout 2021 et fin 2023. Selon les chiffres les plus récents, 37 000 ont gagné le Canada.

Search
Connect
Listen to the Podcast

Comments are closed.