Le ministre Sajjan sur le maintien de la paix et l’OTAN

Le ministre de la Défense nationale, Harjit Sajjan, serre la main du secrétaire de la Défense des États-Unis, James Mattis, au Pentagon, le 6 février.
CPLC Jennifer Kusche, Caméra de combat des Forces canadiennes

Demandez à d’anciens soldats ce qu’ils pensent des missions de maintien de la paix, et il y a fort à parier que leur réponse sera défavorable. Aller dans une zone de conflit en tant qu’arbitre ou policier, c’est avoir une main attachée dans le dos, diront-ils.

Les règles d’engagement strictes – comme celle qui interdit aux Casques bleus de tirer sauf si on leur tire dessus – ont mis les soldats de la paix en danger et restreint leur efficacité.

Le ministre de la Défense nationale Harjit Sajjan, ancien combattant décoré qui a été blessé en service en Bosnie et a passé trois périodes d’affectation en Afghanistan, ne conteste pas les impressions de ses anciens collègues.

« Il faut voir comment le maintien de la paix a commencé, nous dit-il lors de l’entrevue qu’il nous a accordée. Il a été créé dans un contexte de sécurité concernant des accords de paix signés entre les côtés opposés, où l’on plaçait une force d’intervention entre eux pour faire respecter la paix.

« Au fil du temps, les conflits ont changé. Ils n’étaient pas évalués aussi bien qu’ils auraient dû l’être, ce qui a créé [de nouvelles] difficultés. Les règles d’engagement ne convenaient pas, et il n’y avait pas de chaine de commandement établissant clairement l’autorité ultime. »

L’an dernier, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il engagerait jusqu’à 600 soldats dans des opérations de soutien de la paix de l’ONU, mais la décision a été retardée à la suite de l’élection de Donald Trump à la Maison-Blanche.

Mme Nikki Haley, ambassadrice nommée par Donald Trump à l’ONU, donne la priorité absolue à la réforme du maintien de la paix. Les Américains dépensent presque 8 milliards de dollars (USD) chaque année et elle veut passer en revue les 16 missions des É.-U. pour savoir lesquelles réussissent à maintenir la paix et lesquelles échouent.

Trump a déclaré que Washington dépensait beaucoup trop pour la sécurité d’autres pays.

Par ailleurs, Sajjan a rencontré pour la première fois son homologue américain, le général de fusiliers marins à la retraite James Mattis, le 6 février. Le ministre et le secrétaire de la Défense ont discuté de la défense continentale ainsi que de problèmes multilatéraux, dont les engagements concernant la direction de groupements tactiques de l’OTAN en Europe de l’Est et les opérations de l’ONU.

Mais, à l’issue de la discussion, on ne savait toujours pas où ni quand ces engagements envers l’ONU seraient honorés. Le Canada envisa-geait d’envoyer des soldats au Mali.

Quoi qu’il en soit, il est certain que la prochaine mission de maintien de la paix sera administrée de façon très différente de la plupart de celles qui l’auront précédée. L’époque où il y avait deux factions ennemies, une ligne de front, et des formalités diplomatiques est révolue dans bien des cas.

Les facteurs en jeu sont de plus en plus complexes, et il est injuste de placer des soldats dans des situations qui n’ont pas été évaluées rigoureusement, dit Sajjan.

Les temps ont vraiment changé, dit-il, et en ce qui a trait au maintien de la paix, il n’y a pas de solution « taille unique ». Selon lui, le Canada, grâce à sa diversité et à sa vision du monde, est particulièrement bien placé pour les opérations de soutien de la paix des temps modernes.

« Il faut d’abord comprendre le conflit, dit-il. Quand on comprend le conflit, on peut mettre en place le bon mécanisme pour atteindre ses objectifs. Le maintien de la paix d’aujourd’hui n’est pas comme celui d’autrefois. »

Des règles d’engagement robustes, oui, mais souples aussi pour permettre aux commandants sur le terrain de prendre des décisions rapidement pour assurer la sécurité des civils.

La manière novatrice dont le Canada aborde le maintien de la paix ne se limite pas aux options militaires, a-t-il ajouté. Plusieurs ministères travaillent à déterminer où les Canadiens peuvent utiliser au mieux leurs ressources limitées.

En Afrique, par exemple, la pauvreté et le grand nombre de jeunes sans espoir d’avenir sont d’importants facteurs dans le recrutement et la formation d’extrémistes. « Si nous ne leur donnons pas d’avenir, ils trouvent quelque chose d’autre à faire et, malheureusement, ils sont manipulés par la propagande des extrémistes. »

C’est à l’armée qu’on fait le plus attention, mais surtout au rôle d’appui qu’elle joue dans bien des opérations de soutien de la paix, dit Sajjan. « Nous voulons apporter des solutions novatrices qui feront réellement avancer les choses et qui amélioreront l’efficacité [de ces missions] et résoudrons les problèmes qui ont marqué les Nations Unies par le passé. »


Sajjan a aussi rejeté toute suggestion selon laquelle les jours de l’Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord seraient comptés.

« Je suis convaincu que les états membres sont tous conscients de l’importance de l’OTAN, a déclaré Sajjan. Je pense que la discussion se concentrera sur la manière dont nous pourrions améliorer l’OTAN. C’est ce que nous cherchons à faire depuis toujours. »

Après avoir pris officiellement ses fonctions, Trump a dit au journal allemand Bild et au London Times que l’alliance de 28 membres était « obsolète » et injuste pour les États-Unis.

Cinq membres de l’OTAN seulement ont respecté la norme de deux pour cent du PIB l’an dernier :la Grèce, l’Estonie, la Pologne, le Royaume-Uni, les États-Unis. La contribution du Canada a légèrement augmenté en 2016, passant de 0,98 % à 1,02 % du PIB.

Le Canada est ainsi passé du 23e au 20e rang parmi les 28 pays membres de l’OTAN en termes du pourcentage du PIB alloué à cette institution, à égalité avec la Hongrie et la Slovénie. Seuls la Belgique, la République tchèque, l’Islande, le Luxembourg et l’Espagne dépensent moins que le Canada en soutien à l’OTAN. Le Canada consacre actuellement environ 20 milliards de dollars (CAD) par année au budget de la défense.

Sajjan a confirmé que le Canada augmenterait ses dépenses militaires à la suite d’un examen de la défense nationale, mais il a ajouté que les budgets nationaux de la défense n’étaient pas liés en soi aux contributions des pays membres à l’Organisation. Le Canada, dit-il, est le sixième contributeur par ordre d’importance, et cette contribution est bien plus élevée que ne le laisserait supposer sa taille.

« En règle générale, oui, si l’on met des fonds dans la défense, on en fait plus, dit-il. Mais on peut injecter autant de fonds qu’on veut dans le militaire, si en fin de compte on n’utilise pas ces ressources pour appuyer l’OTAN, on n’apporte pas vraiment de soutien légitime. »

Parmi les contributions du Canada, il y a la direction d’une mission de l’OTAN en Lettonie, où il a engagé 450 soldats en plus du matériel militaire comme des véhicules blindés légers, afin de prévenir l’agression russe en Europe de l’Est.

« Nous favorisons le multilatéra-lisme, dit Sajjan. Nous sommes l’un des fondateurs de l’OTAN et nous allons y jouer un rôle important.

« L’OTAN joue un rôle crucial pour la paix globale, non seulement en Europe, mais ailleurs dans le monde, du renforcement des capacités à la dissuasion. »

Mattis, qui a été commandant suprême allié Transformation, a téléphoné au général Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN, après avoir parlé à Sajjan, et il a insisté sur « le rôle clé que joue l’OTAN dans la sécurité transatlantique », selon le Pentagone.

Sajjan a déclaré que les dépenses militaires à venir du Canada seront « liées directement à ses engagements ».

« Il ne s’agira pas simplement d’une liste de matériel. Il s’agira d’une politique de défense réelle fondée sur nos capacités, qui nous permettra ensuite de savoir quels sont nos besoins : la taille de notre militaire, la structure et les nouvelles capacités que nous devons acquérir. »

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