Face à face

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La mission du Canada à Kandahar a été un succès parce que l’Armée canadienne et les civils en fonction à ses côtés ont atteint leurs objectifs.

Lorsque les Forces armées du Canada sont allées au Kandahar en 2005, elles devaient accomplir trois missions connexes : instituer une équipe provinciale de reconstruction (ÉPR), former les forces de sécurité afghanes grâce à des équipes de liaison et de mentorat opérationnels (ÉLMO), et assurer la sécurité des équipes susmentionnées et empêcher les insurgés talibans de reprendre la province ou ses villes principales, surtout Kandahar. Ce dernier point devait être assuré par un groupement tactique canadien (remplacé tous les six mois) qui devait opérer à partir de l’aérodrome de Kandahar et établir des bases de patrouille et des bases d’opérations avancées dans la partie nord de la province, et défendre les routes et les voies principales.

La mission de l’ÉPR était de renforcer l’administration civile locale par le biais de mentorat et de fournir des services médicaux, une formation pour la police et une infrastructure de soutien pour la population de la province.

En bref, les objectifs officiels du Canada étaient de sécuriser la province pour le gouvernement de Kaboul, de réprimer la résurgence des talibans, de jouer son rôle dans la Force internationale d’assistance à la sécurité dirigée par l’OTAN (FIAS) qui devait diminuer les talibans et donner les moyens à Kaboul d’exercer un contrôle effectif sur l’ensemble du pays. Son but officieux – qui était peut-être son objectif le plus important – était de remplacer les forces américaines qui quittaient Kandahar à l’été 2006 pour aller en Iraq.

Son but officieux
– qui était peut-être son objectif
le plus important – était de remplacer les forces
américaines qui quittaient Kandahar
à l’été 2006 pour aller en Iraq.

Le Canada n’a jamais déployé suffisamment de personnel militaire pour sécuriser l’ensemble de la province en tout temps. Au début, il n’avait pas assez d’hélicoptères pour le réapprovisionnement ni pour aider les soldats sur le terrain, et l’effort fourni dépendait donc étroitement des routes. La force de frappe du VBL III (véhicule blindé principal utilisé pour le transport des troupes) dont étaient équipés les groupements tactiques canadiens était vulnérable aux gros dispositifs explosifs improvisés, et sa mitrailleuse à chaine de 25 mm était incapable de pénétrer les murs de boue épais. Heureusement, des chars d’assaut ont été envoyés en renfort. Par la suite, des hélicoptères Chinook américains ont été obtenus, et des Griffon canadiens armés ont été dépêchés au Kandahar pour escorter les Chinook.

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Adam Day

Le Canada est parti de Kandahar en 2011 à cause du compromis politique auquel étaient parvenus le parti conservateur au pouvoir et l’opposition libérale en 2008. Il est vrai que le Canada n’est pas resté jusqu’à la « victoire » contre les talibans au Kandahar ou en Afghanistan en général. Mais la petite armée du Canada, épaulée par l’Aviation et la Marine, a tenu les parties principales du Kandahar hors des mains des talibans et a réussi à maintenir les routes ouvertes en général.

La guerre n’est pas encore finie, mais la plupart des combats avec les talibans sont actuellement menés par les militaires afghans avec l’aide des États-Unis. La guerre se poursuivra peut-être pendant des années. Mais le Canada ne s’est jamais engagé à rester au Kandahar jusqu’à ce que l’ennemi dépose les armes, tout comme, en tant que membre de l’ONU, il n’a pas obtenu de « victoire » contre les forces communistes, en Corée, en 1953. Cela ne signifie pas que le Canada n’a pas mené à bien la mission qui lui avait été confiée au Kandahar en 2005. Aujourd’hui comme alors, il n’y a pas de victoire possible, au sens habituel, contre les talibans. Mais les objectifs du Canada ont bel et bien été atteints.

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La majorité des Canadiens ont appuyé leurs soldats durant leur déploiement en Afghanistan, mais on ne peut pas en dire autant de leur mission. Les doutes des Canadiens sur la mission en Afghanistan augmentaient au fur et à mesure que son cout humain et financier grimpait. Elle s’est terminée par un épuisement économique, politique et moral qui a tempéré l’exubérance des interventionnistes. La mission était schizophrénique dès le début : visait-elle simplement à contenir une menace ou à faire de l’Afghanistan un endroit meilleur? Dans le premier cas, la plupart des citoyens alliés n’ont jamais accepté l’idée que l’Afghanistan représentait un véritable danger, et dans le deuxième, nous avons appris à la dure que le militaire n’est certainement pas le meilleur instrument. Les soldats se sont trouvés au milieu d’une mission peu enviable avec des objectifs en évolution constante et sans fin de partie évidente.

Entre 2005 et 2011, le porte-étendard de la mission militaire du Canada, c’était l’équipe de reconstruction provinciale (ÉRP) dont le mandat était d’aider à la sécurité, au développement et à la gouvernance. Le Kandahar a toujours été problématique : ç’a toujours été la région la plus dangereuse du sud de l’Afghanistan.

Le rapport Manley, produit par un groupe d’experts indépendant en 2008, a fourni des conseils au Parlement au sujet du rôle du Canada en Afghanistan. Il y était recommandé que le Canada prenne part aux « démarches énergiques auprès des pays voisins de l’Afghanistan, notamment le Pakistan, afin de réduire les risques rattachés à la stabilité et à la sécurité régionales au lendemain des événements survenus récemment dans ce dernier pays ». Bien que les militaires canadiens ou alliés s’efforcent de décapiter le serpent proverbial, la sécurité en Afghanistan est depuis longtemps compromise par les talibans et les réseaux de terroristes affiliés à Al Qaïda.

Les soldats canadiens se sont trouvés au milieu
d’une mission peu enviable avec des objectifs
en évolution constante et sans fin de partie évidente.

La mission de développement de l’ÉRP a été entravée par le manque de collaboration entre les chargés de la défense, de la diplomatie et du développement. Le barrage du Dahla, qui a coûté plus de 50 millions de dollars au Canada et qui reste inachevé, en est un exemple éloquent. L’Agence canadienne de développement international a accordé le contrat à un conglomérat canadien (SNC-Lavalin) qui a engagé une firme locale de sécurité. Cette dernière aurait apparemment acheté les talibans pour assurer la protection du site.

Une des responsabilités essentielles de l’ÉRP était de faciliter la gouvernance en maintenant la sécurité. La Gendarmerie royale canadienne (GRC) et Services correctionnels Canada (SCC) ont été chargés d’y former la police et d’y superviser les prisons. Cependant, le rapport Manley a constaté que « des lacunes persistent généralement dans les secteurs de la sécurité et de la justice ». Les talibans ont fait une incursion dans la prison de Sarposa, un des plus grands établissements de la région, en juin 2008, presque six mois après la publication du rapport. Quelque 1 000 détenus s’en sont évadés, dont 400 talibans. Il est évident que les recommandations prémonitoires du rapport Manley n’ont pas été suivies.

L’ironie liée au fait que des fonds provenant des contribuables canadiens aient servi à acheter les talibans qui poursuivaient leurs opérations n’a pas échappé aux Afghans. Il semblerait que ni le Canada ni ses Alliés ne se risqueront de sitôt à une telle entreprise; cela en dit long sur leur mission en Afghanistan.

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