Terreur à Griffintown

Écrasement mortel d’un B-24 à Montréal en 1944 De nombreux logis dans le quartier montréalais de Griffintown sont en ruines (ci-dessus) après qu’un Consolidated B-24 Liberator s’y est écrasé le 25 avril 1944.
Roger Champoux/Bibliothèque et Archives nationales du Québec/Wikimedia;
Wikimedia

Durant la guerre, les Montréalais étaient habitués à lire des articles dans les journaux sur les raids destructeurs des alliés contre l’Allemagne, mais ils ne s’attendaient pas à ce qu’un avion s’écrase dans leur propre ville. Or, le 25 avril 1944, un gros Consolidated B-24 Liberator fabriqué aux États-Unis s’écrasa dans le quartier de Griffintown, à quelques rues au sud du centre-ville. Les cinq membres de l’équipage à bord périrent, et 10 civils furent tués au sol. Il y eut aussi des blessés graves.

L’avion avait décollé à 10 h 24 de l’aéroport de Dorval, à une quinzaine de kilomètres à l’ouest de Montréal. Ouvert en septembre 1941, l’aéroport civil et militaire servait d’escale au Royal Air Force Ferry Command qui envoyait outre-mer les bombardiers construits aux États-Unis. Le B-24 tout neuf se rendait en Grande-Bretagne via Gander, T.-N., avec pour destination finale l’Inde. L’équipage se composait de trois vétérans de l’armée de l’air polonaise, d’un membre de l’AR et d’un autre de l’Aviation royale du Canada, qui tous servaient dans le Ferry Command. 

L’appareil se trouva en difficulté presque immédiatement après le décollage, et il signala à la tour de contrôle qu’il perdait de l’altitude. L’avion, qui volait dangereusement bas au-dessus du mont Royal, vira soudainement vers le sud, longeant à peu près la rue Colborne (qui s’appelle désormais la rue Peel) et, à une altitude d’à peu près 76 mètres, il percuta presque l’édifice Sun Life et la gare Windsor. Toujours en descente rapide, il heurta presque également la cheminée de la brasserie Dow. 

Il semble que le pilote de 47 ans, Kazimierz Burzynski, vétéran des deux guerres mondiales et célèbre aviateur dans son pays d’origine, essayait d’atteindre le fleuve Saint-Laurent pour éviter de faire des dégâts au sol.

La nouvelle faisait la une bien entendu.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Mais, l’avion était peut-être en train de se disloquer dans les airs. Selon le journal La Patrie, « Certaines personnes qui se trouvaient dans l’Édifice de la Sun Life aperçurent une partie de la queue et une aile qui se détachaient. »

Doris Kirk, qui travaillait au 12e étage de l’Édifice Bell sur la côte du Beaver Hall, dit au Montreal Daily Star qu’elle avait « entendu un grand bruit […] et levant les yeux au ciel, vu le gros bombardier faire un piqué […] ». Selon elle, « c’est arrivé si vite que le piqué et l’explosion ont semblé être presque simultanés […]. » Il était 10 h 30 : six minutes seulement après le décollage.

L’avion, qui avait 9 000 litres de carburant à bord pour un long trajet, avait manqué une école de peu et explosa en une grosse boule de feu sur des édifices résidentiels de trois étages de la rue Shannon, au coin de la rue Ottawa, dans le quartier populaire de Griffintown. 

Terry Flanagan, un enfant de huit ans qui fréquentait une école avoisinante, raconta qu’il y avait eu « une explosion énorme […]. » Selon lui, « tant de fumée noire s’est répandue dans la rue, qu’on aurait dit que la nuit était tombée […] les flammes s’élevaient à 50 pieds et il y avait une forte odeur d’essence ».

Une quinzaine de foyers furent détruits ou gravement endommagés, ainsi que plusieurs bâtiments avoisinants. Les dix morts au sol étaient quatre hommes, quatre femmes et deux enfants, dont Joseph Hébert, 37 ans, et sa fille de 18 mois, Marie-Yvette. 

La famille Wells fut aussi cruellement touchée. James Wells fila de son travail pour découvrir chez lui que son épouse Elizabeth et James, leur petit garçon, avaient été tués. Son frère Walter habitait dans le voisinage, et son épouse aussi était décédée. Wells refusa de quitter les lieux de la tragédie, car comme il le dit à la Gazette, il devait « rester […]. On va peut-être les retrouver, elle et mon petit Jimmy, d’un moment à l’autre ». Il resta jusqu’à ce qu’on trouve les corps.

Des funérailles publiques eurent lieu pour les trois aviateurs polonais quelques jours plus tard. Des milliers de personnes regardèrent leurs cercueils recouverts d’un drapeau passer dans les rues du centre-ville, accompagnés d’une garde d’honneur de l’ARC.

Selon une enquête de l’aviation, une défaillance structurale de la queue était à l’origine de la catastrophe. Ce fut l’un des pires accidents d’avion de l’histoire de la ville. 

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