Les Canadiens à la défense du pape
On appelait zouaves les fantassins des régiments français levés en Afrique du Nord dans les années 1830. En 1861, des volontaires français organisèrent une force internationale de milliers de zouaves pontificaux pour protéger les États pontificaux, territoires administrés par le Vatican en Italie. Ils étaient alors menacés par les forces révolutionnaires qui vou-laient unifier toute l’Italie. Le pape Pie IX avait besoin d’aide militaire, et des centaines de catholiques ca-nadiens, surtout des francophones du Québec, se portèrent volontaires.
Benjamin-Antoine Testard de Montigny fut le premier Canadien à endosser l’uniforme en février 1861. Hugh Murray, journaliste catholique anglophone dont l’oncle était évêque de Kingston, le rejoignit. Murray servit pendant neuf ans, plus longtemps que tout autre Canadien. Lors de son retour, en 1861, de Montigny déclara qu’il aurait été fier de « mourir pour la cause catholique ».
Alfred Larocque se joignit aux zouaves en février 1867. Il fut blessé le mois de novembre suivant aux abords de Rome, à la bataille de Mentana où l’armée papale stoppa les forces de l’unification. La presse francophone du Québec rapporta avec enthousiasme la bravoure de Larocque, ce qui suscita chez les lecteurs un intérêt accru pour les zouaves.
Monseigneur Ignace Bourget, évêque de Montréal, était soucieux de brider l’essor du libéralisme et même de l’anticléricalisme, et il souhaitait montrer que le Canada français acceptait la primauté du pape dans tous les domaines. Il encouragea le recrutement d’un bataillon de zouaves canadiens tout au long des années 1860.
En 1867, les fonds collectés au Québec furent suffisants pour équiper et déplacer une force de catholiques canadiens en Italie. Lors d’un sermon du 17 novembre 1867, monseigneur Bourget tint ces mots aux fidèles : « Il y a, nous le savons, dans cette ville et dans toute l’étendue du pays, beaucoup de jeunes gens qui brûlent du désir d’aller […] s’immoler pour la défense […] de l’immortel Pie IX. »
Bourget voulait que les soldats catholiques représentent l’élite sociale, et il y avait parmi les recrues 11 avocats, quatre notaires, plusieurs enseignants et fonctionnaires, ainsi que de nombreux étudiants souvent âgés de 18 ou de 19 ans. Ils étaient issus des familles bien connues de la bourgeoisie de Montréal, et beaucoup d’entre eux avaient des liens avec diverses unités de milice ou de corps de cadets de collège. Il y avait aussi bien sûr des volontaires de petites villes, et une poignée venant de l’extérieur du Québec.
Le premier contingent, qui comptait 135 zouaves et auquel des milliers de sympathisants et de spectateurs dirent au revoir, quitta Montréal en février 1868. Le 9 mars, les Canadiens, bien équipés, atterrirent au port de Civitavecchia, dans les États papaux, où ils reçurent le drapeau papal sous lequel ils allaient servir.
Charles-Edmond Rouleau, un zouave qui arriva à Rome au mois de mai en tant que membre du deuxième contingent de Canadiens, mentionna par la suite : « Le 18 mai nous sommes les plus heureux des mortels. Nous avons signé notre engagement comme Zouaves pour deux années […]. Pie IX sera désormais notre roi. » Les Canadiens formaient le seul groupe de zouaves qui ne venaient pas d’Europe.
De plus petits groupes de Canadiens arrivèrent en Italie en 1868 et en 1869, et certains servirent dans des bataillons autres que canadiens. Le dernier contingent, formé de 114 hommes, débarqua en France en septembre 1870. Il était encore là lors de la capitulation du pape. En tout, 507 Canadiens s’étaient portés volontaires pour la défense de la papauté.
Les Canadiens avaient servi principalement comme soldats de garnison et ne s’étaient presque pas battus. Aucun d’entre eux n’était mort au combat, et trois seulement y avaient été blessés. Neuf étaient morts de maladie ou lors d’accidents.
Les zouaves pontificaux du Canada furent acclamés comme des héros à leur retour au Québec. En 1871, 14 anciens zouaves fondèrent la municipalité de Piopolis, nommée en l’honneur de Pie IX, au bord du lac Mégantic, dans les Cantons de l’Est du Québec. La municipalité évoque aujourd’hui le souvenir de cette période où certains des catholiques québécois les plus fervents se firent soldats du pape.
Comments are closed.