Le gouvernement fédéral a l’intention de présenter des excuses pour le traitement subi par les soldats volontaires noirs qui ont servi dans le 2e Bataillon de construction ségrégué pendant la Première Guerre mondiale.
Les hommes noirs, certains venus des États-Unis et d’autres des Antilles pour s’enrôler dans le Corps expéditionnaire canadien, se sont heurtés au racisme et à des obstacles souvent insurmontables en essayant de s’incorporer dans les unités d’infanterie régulière. Environ 700 soldats noirs y sont parvenus, mais la majorité a été reléguée aux fonctions de soutien du 2e en France.
Il ne s’agira pas des premières excuses concernant l’armée et la guerre, loin de là.
Le 13 décembre dernier, Ottawa a présenté des excuses aux victimes d’inconduite sexuelle dans l’armée (cf. page 12). D’autres excuses ont aussi été présentées par le passé :
•le 22 septembre 1988, le gouvernement fédéral a présenté des excuses pour avoir interné des Canadiens d’origine japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale;
•le 7 novembre 2018, Ottawa s’est excusé d’avoir refusé d’accueillir des Juifs qui avaient accosté au port d’Halifax en 1939 et qui demandaient asile devant l’ampleur des atrocités du régime nazi;
•le 10 septembre 2019, il a présenté des excuses aux anciens combattants métis à qui l’on avait refusé les avantages auxquels ils avaient droit;
•le 27 mai 2021, le gouvernement a prononcé un mea culpa pour avoir interné des Canadiens d’origine italienne pendant la Seconde Guerre mondiale.
Pour bien des gens, de telles excuses ne sont que de belles paroles qui arrivent trop tard. Sur les 937 réfugiés juifs arrivés au port en 1939 à bord du vapeur St. Louis lors de ce qui allait être surnommé « le voyage des damnés », 254 furent victimes de l’holocauste.
Les excuses aux Canadiens d’origine japonaise internés et à leur famille ont été accompagnées d’une indemnité compensatrice de 300 millions de dollars, et 24 millions de dollars ont été consacrés à la création de la Fondation canadienne des relations raciales afin de « s’assurer qu’une telle discrimination ne se reproduise jamais ».
Toutefois, aucune indemnité versée quarante ans plus tard, quel qu’en soit le montant, ne saurait compenser les souffrances infligées aux 22 000 Canadiens de descendance japonaise dont les biens confisqués et vendus. Pire encore, ils devaient payer leur propre internement et leurs droits de citoyen n’ont été restaurés qu’en 1949.
« Nous ne pouvons pas changer le passé, déclarait le premier ministre Brian Mulroney en 1988. Mais nous devons, en tant que pays, avoir le courage de regarder en face ces faits historiques. »
CES MOTS SONNENT CREUX SI DES MESURES EFFICACES ET D’ENVERGURE NE SONT PAS PRISES.
Ces mots sonnent creux si des mesures efficaces d’envergure ne sont pas prises pour corriger ce qui a causé les torts à l’origine.
L’armée canadienne a « regardé en face » l’inconduite sexuelle à diverses reprises et commandé deux études sur le problème. Les scandales dans les rangs supérieurs et la succession constante de cours martiales où des inconduites sexuelles sont alléguées laissent à penser qu’il n’y a pas de changement profond.
Dans le même ordre d’idée, des excuses ne mettront pas fin au racisme systémique au Canada.
Espérons qu’en reconnaissant les torts du passé et en faisant amende honora-ble, les Canadiens analyseront le présent d’un œil critique et amorceront un vrai changement durable. Ce serait le meilleur moyen de reconnaitre les sacrifices que les soldats noirs ont faits il y a plus d’un siècle, à l’étranger et au pays.
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