A-t-on sacrifié le Newfoundland Regiment à Beaumont-Hamel?

Joel Kimmel

John Boileau dit que OUI

C’est une bataille  qui n’aurait jamais dû avoir lieu.

Il n’y avait aucune logique militaire pour que les Britanniques lancent une attaque à la Somme, endroit sans importance sur le plan militaire. Ils n’étaient pas prêts à un assaut massif cet été-là, et ils auraient préféré attendre jusqu’à l’automne.

Le terrain favorisait la défense, particulièrement bien préparée.

Les soldats britanniques étaient en majorité des volontaires inexpérimentés. Le soutien de leur artillerie était inadéquat, et il s’avança trop tôt.

La détonation de mines peu avant l’heure H avertit les Allemands et leur donna le temps de prendre les armes. Le premier assaut fut lancé à 7 h 30, et la défense pouvait alors bien voir les attaquants.

Il y eut un nombre sidérant de victimes, 30 000 pendant la première heure, alors que les installations médicales n’en attendaient que 10 000 par jour. Les brancardiers furent submergés par le nombre de soldats blessés éparpillés sur le champ de bataille et mélangés à ceux qui étaient déjà morts.

À ce moment-là, il était évident pour tous les commandants que la bataille était une catastrophe. On pouvait encore tirer un trait sur l’opération, mais cela ne fut pas fait.

Au contraire, on vit se profiler l’inflexibilité du généralat britannique. Insister sur un échec est l’une des pires erreurs que peuvent commettre les commandants militaires. Ce fut pourtant exactement ce qui se produisit lors de cette journée tragique.

 

La poursuite de l’attaque causa 28 000 victimes supplémentaires avant la nuit tombée. Parmi les derniers attaquants se trouvaient environ 800 Terre-Neuviens. Plusieurs erreurs tactiques affectèrent en outre le Newfoundland Regiment.

Après la première attaque, le major-général Beauvoir de Lisle, qui commandait la 29e Division, prit les fusées éclairantes allemandes à sa droite pour un signal indiquant la capture du premier objectif. Pour les Allemands, elles signifiaient que la portée de leur artillerie n’était pas suffisante.

Le major-général pensa qu’il devait soutenir le succès et ordonna tout de suite à la 88e Brigade, dans laquelle se trouvaient les Terre-Neuviens, de s’avancer. S’il avait pris le temps de confirmer le signal, il aurait su qu’il ne fallait pas attaquer.

Le Régiment Essex du 1er Bataillon britannique reçut l’ordre de passer à l’attaque à la droite des Terre-Neuviens. Cependant, il n’y eut aucun échange entre les Terre-Neuviens et l’Essex pour coordonner leurs manœuvres. Le Newfoundland Regiment fut donc la seule unité à s’avancer dans le secteur de Beaumont-Hamel du champ de bataille.

Lorsque les Terre-Neuviens tentèrent de progresser, ils s’aperçurent que les tranchées de communication menant à la première ligne étaient bloquées par les morts et les blessés de l’assaut précédent. Ils furent donc obligés de sortir des tranchées à presque 300 mètres avant leur première ligne et de
descendre la pente à découvert.

Beaucoup d’entre eux furent tués ou blessés avant d’atteindre le front. D’autres trouvèrent la mort en s’attroupant pour passer dans les brèches de leurs propres barbelés.

Le Newfoundland Regiment cessa tout bonnement d’exister en une demi-heure. Au dire de Martin Middlebrook, auteur de l’ouvrage précurseur The First Day on the Somme (Le premier jour à la Somme, NDT), « Rares sont les bataillons qui sont anéantis à ce point en si peu de temps ».

Plus de 700 Terre-Neuviens périrent ce jour-là, sacrifiés inutilement sur l’autel de l’intransigeance et de l’incompétence britanniques. 

 

Joel Kimmel

Stephen J. Thorne dit que NON

C’est une mission difficile quand on vous demande de défendre l’indéfendable, surtout sans avoir l’air de manquer de respect envers les pauvres soldats qui reçurent l’ordre de s’élancer hors des tranchées de la Somme le 1er juillet 1916.

La question implique qu’on a seulement sacrifié les Terre-Neuviens.

Pourtant, ils ne furent ni plus ni moins sacrifiés que les 50 000 autres soldats de l’Empire britannique tués ou blessés ce jour-là. Vu l’évènement de ce matin-là, l’intransigeance de leurs commandants et les forces militaires de l’époque, ils devaient agir.

Ils étaient tout simplement au mauvais endroit.

Le Newfoundland Regiment faisait partie de la troisième vague à Beaumont-Hamel. Comme d’habitude lors de la Grande Guerre, on leur dit d’attaquer bien que deux vagues d’attaquants eussent déjà été tenues en échec.

Presque 800 Terre-Neuviens prirent part à l’attaque : 386 furent blessés, 324 furent tués, et il y en avait 68 au rassemblement le lendemain matin. En tout, 19 240 soldats de l’Empire moururent ce jour-là et presque 40 000 furent blessés. Cela reste la journée la plus sanglante de l’histoire de l’armée britannique.

Treize divisions britanniques et six divisions françaises – plus de 120 000 hommes en tout – menèrent l’offensive à la Somme sur un front de 24 kilomètres. L’artillerie, apprendra-t-on plus tard, avait été complètement inefficace.

Au nord de la route Albert-Bapaume, la progression s’était pratiquement achevée avant d’avoir commencé. Rien que dans le Loyal Regiment (North Lancashire), il y eut 303 morts. La New Zealand Division déplora 6 000 blessés et plus de 2 100 morts au cours du premier mois.

Les pertes furent ahurissantes parce que l’offensive avait été mal conçue. Si elle avait fonctionné comme prévu, la guerre se serait peut-être terminée plus vite, et à long terme, des millions de vies auraient été sauvées. Il n’allait pas en être ainsi.

Les pertes furent lourdes. Les rares membres du Royal Inniskilling Fusiliers qui traversèrent les barbelés allemands à droite se trouvèrent piégés. Sur la gauche, les membres du 2e du South Wales Borderers furent anéantis en 15 minutes.

Les deux bataillons de la 86e Brigade suivirent, traversant les premières lignes un peu avant 8 h. Comme leurs prédécesseurs, ils furent abattus en masse.

La communication chez les Britanniques était épouvantable. Les commandants des premières lignes voulaient un temps d’arrêt pour reprendre le bombardement. Cependant, les roquettes de signalisation des Allemands furent prises pour des signaux de succès. La troisième vague se mit en marche, et beaucoup de ses hommes moururent.

À 10 h 05, il y eut une pause dans les combats pour Beaumont-Hamel. La commune allait tomber entre les mains de la 51st Highland Division le 13 novembre.

Comme la plupart des officiers d’alors, le lieutenant-colonel Arthur Hadow qui commandait les Terre-Neuviens et son chef, sir Douglas Haig, architecte de la triste affaire, étaient des produits de leur temps : traditionnels, inflexibles et lents à comprendre la nouvelle guerre industrialisée.

Quelque 1,2 million de soldats alliés furent tués ou blessés en 141 jours de lutte dans la Somme. Chacun d’eux fut sacrifié, tout comme tous les autres soldats qui moururent lors de toutes les autres batailles du conflit monumental. 

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