Soldats & fils

Deux soldats canadiens scrutent les airs à la recherche d’aéronefs tandis qu’un autre remballe son respirateur et deux autres se reposent dans une tranchée allemande capturée près de Lens, France, en aout 1917.
DND/LAC/PA-001718

Lorsque la guerre éclata, en 1914, des centaines d’hommes authochtones se portèrent immédiatement volontaires en dépit des politiques assimilationnistes et discriminatoires du gouvernement canadien dont ils faisaient les frais depuis des décennies.

Le nombre exact d’engagés volontaires des Premières Nations est inconnu, mais on estime qu’environ 3 500 d’entre eux ont servi dans la Corps expéditionnaire canadien et que la plupart ont combattu au front. Ce chiffre représente un tiers des hommes autochtones admissibles de s’engager à l’époque. Les raisons qu’avaient les hommes de s’enrôler sont difficiles à découvrir et peu d’entre eux précisèrent leurs motifs.

Le soldat William Cleary était l’un de ces hommes, et son dossier de service militaire pourrait nous renseigner sur ses motivations. Né en 1897 à Pointe-Bleue, au Québec, sur la rive du lac Saint-Jean, il était membre de la Première nation Pekuakamiulnuatsh qui se situe au centre de la réserve de Mashteuiatsh. C’était un jeune bucheron, d’un milieu très modeste. 

Cleary repartit à toute vitesse, repéra les hommes blessés et […] réussit à les ramener en lieu sûr.

En mars 1916, Cleary s’enrôla à Chicoutimi dans le 167e Bataillon d’infanterie canadienne, puis il fut transféré peu après au 189e. Le bataillon arriva en Angleterre en juin 1916 et lorsque cette unité fut démantelée pour servir de renforts, en octobre 1916, il fut envoyé au célèbre 22e Bataillon (canadien-français) du Québec, qui servait alors en France.

Ayant perdu son père, Cleary, alors âgé de 18 ans, dit aux autorités militaires qu’il était responsable de la « subsistance » de sa mère et que dans sa famille il était « seul capable de travailler ». En conséquence, elle eut droit à une indemnité d’absence du foyer fort bienvenue de 20 $ par mois, en plus des 15 $ que son fils lui remettait de sa maigre solde mensuelle de 33 $. Se serait-il donc engagé et aurait-il risqué sa vie pour subvenir aux besoins de sa mère?

Le soldat William Cleary reçoit la Médaille militaire britannique pour avoir sauvé deux soldats blessés.
Wikimedia

Les soldats des Premières Nations étaient souvent tireurs d’élite ou éclaireurs, et Cleary explorait parfois le no man’s land pour recueillir des renseignements. C’était risqué. En février 1918, Cleary participa à un raid nocturne des tranchées allemandes aux abords de Lens, dans le nord de la France. Après l’opération, les pilleurs remarquèrent qu’il leur manquait deux hommes. Cleary repartit à toute vitesse, repéra les hommes blessés et, avec l’aide d’autres braves hommes du 22e, réussit à les ramener en lieu sûr. La Médaille militaire lui fut décernée pour son acte de bravoure.

Le 25 mai 1918, Cleary fut atteint d’une balle dans le haut du dos. Son omoplate droite fut fracturée et la balle pénétra dans sa poitrine. Il fut envoyé à un hôpital militaire canadien à Étaples, puis il fut évacué peu après en Angleterre pour obtenir d’autres soins et se remettre. La cicatrice sous son épaule droite mesurait 10 centimètres de longueur et 10 centimètres de largeur. Selon le rapport d’aout 1918 d’une commission médicale, bien qu’il se fut rétabli et qu’il fut capable de reprendre du service, il serait « incapable de défiler ou porter un sac à dos » pendant un certain temps. Ses jours au front étaient finis.

Cleary fut démobilisé à Halifax en février 1919, et son avenir était incertain. Il reste impossible de savoir s’il s’était enrôlé « pour Roi et patrie », pour quelque autre idéal tout aussi noble, ou pour des raisons beaucoup plus personnelles et familiales. 

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