Un service solennel

Le jour du Souvenir de 2020 à Ottawa était différent, mais tout aussi poignant

Les couronnes, 379 en tout, avaient presque toutes été placées à l’avance, soigneusement alignées au pied du Monument commémoratif de guerre du Canada à Ottawa, chacune portant en lettres d’or sur un ruban violet : Lest We Forget/Nous nous souviendrons.

Bill Black de l’Association canadienne des vétérans de la Corée (à g.) et James Sookbirsingh de la Submariners Association of Canada déposent une couronne au Monument commémoratif de guerre du Canada le jour du Souvenir.
Stephen J. Thorne

Des chaises espacées de plusieurs mètres avaient été installées pour les personnes expressément invitées à assister à la cérémonie du jour du Souvenir de 2020, dont plusieurs anciens combattants. La foule habituelle n’était pas là; seuls quelques fidèles s’attardaient alentour.

Au milieu de la pire pandémie depuis un siècle, la Légion royale canadienne avait découragé les gens d’y assister.

Les nouveaux défis posés par la COVID-19, dont la place désertée était l’émouvant rappel, n’ont pas échappé à l’examen oratoire de l’aumônier honoraire de la Légion. Cette année comme les précédentes, sa bénédiction était un modèle d’originalité et d’éloquence. 

« Ceux d’entre nous qui n’ont jamais connu la guerre ont maintenant une meilleure idée de ce que signifie être séparé de ses proches, a déclaré le rabbin Reuven Bulka. Chacun d’entre nous a été séparé de ses proches. Nous n’avons pas choisi cette séparation; les circonstances nous l’ont imposée.

« Qui a été là pour nous encore une fois en temps de crise nationale? Nos soldats. »

« Nos anciens combattants, dont nous nous souvenons aujourd’hui comme toujours, ont choisi de se battre pour notre pays, pour notre liberté, sachant qu’ils s’en trouveraient séparés de leur famille, une séparation hélas permanente dans de nombreux cas. »

Bulka a comparé le virus à « un ennemi que l’on ne peut pas voir » et a souligné qu’il fallait un travail d’équipe pour vaincre un tel ennemi.

« Quand les établissements de soins étaient à court de personnel, qui avons-nous appelé? Nos soldats. Et qui a répondu sans hésiter, malgré les risques qu’ils allaient encourir? Nos soldats. Et qui a été là une fois de plus en temps de crise nationale? Nos soldats. Qui s’est mis en première ligne contre la COVID-19, coude à coude avec les héroïques travailleurs de la santé? Ce sont bien nos soldats. »

Les Forces armées canadiennes ont annoncé en octobre que 222 de leurs membres avaient contracté le virus, bien qu’on ne sache pas combien d’entre eux faisaient partie des quelque 1 600 d’entre eux qui ont été déployés au printemps dernier dans des établissements de soins de longue durée en Ontario et au Québec. Les chiffres d’alors indiquaient que 55 cas étaient liés aux interventions les établissements de soins. 

Le président de la Légion, Tom Irvine, dépose une couronne.
Stephen J. Thorne

La cérémonie nationale télévisée, en une journée exceptionnellement chaude et humide pour la saison, a suivi son cours habituel, comprenant La dernière sonnerie , L’élégie et Le réveil  joués par le sergent trompettiste Frédéric Paci, puis l’Acte du Souvenir prononcé en anglais par le président de la Légion, Tom Irvine, en français par le Grand président, Larry Murray, et en algonquin par l’ancien combattant autochtone Aurel Dubé.

Il n’y avait pas de chorale, pas de longue file d’anciens combattants ni de diplomates portant des couronnes, pas de défilé, et pas de piles de coquelicots sur le Tombeau du Soldat inconnu.

La Musique centrale des FAC a accompagné Baiza Kene du Chœur d’enfants d’Ottawa quand il a chanté l’hymne national. Une salve de 21 coups de canon a résonné de la Colline du Parlement parmi les bâtiments environnants.

Baiza Kene du Chœur d’enfants d’Ottawa dépose une couronne de la part de la jeunesse du Canada.
Stephen J. Thorne

Le major-général Guy Chapdelaine, aumônier général des FAC, a prononcé des prières. Un survol par des avions d’époque a été annulé en raison de vents violents et de nuages bas.

Les gagnants de la catégorie sénior du concours littéraire et d’affiches de la Légion déposent habituellement une couronne au nom des jeunes du Canada. Ils n’ont toutefois pas pu se déplacer cette année et Joshua Naveen, membre du Chœur, l’a fait à leur place.

La gouverneure générale salue à côté du premier ministre, Justin Trudeau et de Sophie Grégoire Trudeau.
Stephen J. Thorne

La Mère de la Croix d’argent du Canada, Debbie Sullivan, faisait partie du cortège vice-royal qui déposait des couronnes. Le groupe était composé de la gouverneure générale, Julie Payette, du premier ministre, Justin Trudeau, de Sophie Grégoire Trudeau, du président de la Chambre des communes, Anthony Rota, du ministre des Anciens Combattants, Lawrence MacAulay, du général Jonathan Vance, chef d’état-major de la Défense, et du président de la Direction nationale, Tom Irvine.

 

Sullivan a perdu son fils, le lieutenant de marine Christopher Saunders, dans l’incendie du NCSM Chicoutimi en 2004. Elle est la première Mère de la Croix d’argent de la marine depuis 27 ans. Isabella Hutchings, de Terre-Neuve, est la seule autre mère de la Marine parmi les 78 mères de la Croix d’argent nommées depuis que l’honneur existe au Canada : 1936. 

Sullivan dit qu’elle garde un portrait de son fils dans son salon et qu’elle lui parle tous les jours « comme s’il était là ».

« Je lui parle de ma journée, nous a-t-elle dit lors de l’entrevue qu’elle nous a accordée. Si je suis contrariée, si je suis triste à cause de son absence, je lui en parle. J’ai l’impression qu’il est près de moi et qu’il m’entend, et je me sens mieux après lui avoir tout raconté. »

Lors des réparations en mer le 5 octobre 2004, une grosse vague a déversé environ 2 000 litres d’eau de mer dans deux des écoutilles ouvertes du Chicoutimi. Près de 10 cen-
timètres d’eau se sont accumulés dans la cabine du capitaine et cinq, dans la salle de contrôle, déclenchant un incendie électrique qui s’est propagé, et une épaisse fumée noire a envahi le sous-marin. Sullivan est mort d’inhalation de fumée peu de temps après. Huit autres membres de l’équipage ont été blessés.

L’ancien matelot-chef James Sookbirsingh était électricien à bord du Chicoutimi. Il représentait la Submariners Association of Canada à la cérémonie.

Debbie Sullivan, Mère de la Croix du Souvenir (Croix d’argent) essuie ses larmes après avoir été témoin des honneurs faits à son fils, le lieutenant Chris Saunders, mort dans l’incendie du sous-marin NCSM Chicoutimi en 2004.
Stephen J. Thorne

« C’était une période difficile, a déclaré le motard barbu, qui a déposé une couronne aux côtés du vétéran de la guerre de Corée Bill Black. Nous avons survécu, pour la plupart, mais si je suis venu ici, c’est pour celui que nous avons perdu. »

Sookbirsingh avait été en contact avec Sullivan, et les deux se sont parlé en personne pour la première fois le 11 novembre. Le membre d’équipage l’a émue aux larmes quand il lui a montré une photo de sa moto, où a été gravé un hommage au Dolphin 38 — code pour le crédo « Diesel boats forever » (bateaux diesel à jamais, NDT) — et à son compagnon d’équipage, et sur laquelle on peut lire ceci : « I ride in memory of Chris Saunders » (je roule à la mémoire de Chris Saunders, NDT). »

Seuls quelques fidèles s’attardaient alentour.

Sookbirsingh dit de Saunders que c’était un « gars dévoué et formidable » admiré par pratiquement tous leurs 58 camarades à bord du Chicoutimi. « C’était quelqu’un que nous admi-rions tous, dit-il. Quand il entrait dans une pièce, on ne pouvait que sourire.

« Quand on est dans un sous-marin, on est un groupe très uni. Alors on apprend rapidement à se connaitre. Je n’ai jamais entendu quelqu’un dire quelque chose de mal sur lui, ni avant ni après sa mort. »

Sullivan et Sookbirsingh se sont parlé pendant deux heures.

« Il a répondu à des questions que je me posais depuis 16 ans, a déclaré Sullivan, qui a l’intention de profiter de son mandat pour défendre les droits des anciens combattants et tendre la main au plus grand nombre possible de mères de la Croix d’Argent. J’ai finalement fait mon deuil. » 

Le Monument commémoratif de guerre du Canada est jonché de couronnes avant la cérémonie du 11 novembre.
Stephen J. Thorne

Le Mémorial de guerre orné de couronnes

La foule assistant au service national du jour du Souvenir de cette année au Monument commémoratif de guerre du Canada était minime en raison des restrictions liées à la pandémie, mais les couronnes y étaient présentes en abondance.

La direction nationale de la Légion avait demandé aux gens de rester chez eux, car les restrictions sanitaires locales limitaient la participation à la cérémonie. Les gens étaient encouragés à regarder la cérémonie à la télévision ou sur Facebook. Mais s’ils voulaient une autre façon de participer, ils pouvaient acheter une couronne. 

«  Les couronnes sont un symbole indiquant que les Canadiens pensent encore aux anciens combattants et qu’ils se souviennent de leurs innombrables sacrifices, a déclaré le directeur de la cérémonie nationale, Danny Martin. Les profits seront tous versés au Fonds du coquelicot de la Légion pour venir en aide aux anciens combattants du Canada et à leur famille.  »

Le caporal Dave Zarboni du Corps de cornemuses de l’ARC joue Flowers of the Forest à la cérémonie du jour du Souvenir.
Stephen J. Thorne

Chaque couronne, portant l’inscription Lest We Forget/Nous nous souviendrons, coute 150 $ plus les taxes en vigueur. Chaque couronne commandée était gardée à la Maison de la Légion jusqu’au jour du Souvenir. Elles ont ensuite été placées autour du monument aux morts avant la cérémonie.

On suggérait à toute personne qui voulait déposer une couronne à un cénotaphe local de communiquer avec une filiale de la Légion.

«  Il y avait 379 couronnes placées d’avance autour du monument commémoratif, a déclaré l’agent des projets spéciaux Freeman Chute. Il y en avait plus de 400 à la fin de la cérémonie. D’autres couronnes y ont été placées par le public après la fin du service.  »

Les couronnes ont été enlevées respectueusement le lendemain.

Le coucher du soleil au Cimetière militaire national, à Ottawa, le 11 novembre 2020.
Stephen J. Thorne

Cérémonies virtuelles et en direct

En plus du service jour du Souvenir à Ottawa, les filiales de la Légion partout au Canada ont trouvé des moyens créatifs d’honorer les anciens combattants sans se rassembler en grand nombre. Certaines ont filmé leur cérémonie simplifiée à l’avance puis l’ont diffusée le 11 novembre. D’autres ont diffusé la leur en ligne, en direct.  

À la Grand Parade d’Halifax, les invités n’étaient autorisés que dans les cordons. L’évènement a été diffusé en direct par la CBC de Nouvelle-Écosse. Le public était libre de déposer des coquelicots au cénotaphe en après-midi. 

Au cénotaphe de Montréal, Place du Canada, les participants et dignitaires se tenaient à l’écart les uns des autres. Les anciens combattants étaient «  tristes de ne pas pouvoir assister à une cérémonie, a déclaré Kenneth Ouellet,
président de la division du Québec, à la CTV. Mais nous vivons à une époque de changements et nous devons nous adapter ».  

De petites cérémonies semblables ont eu lieu dans d’autres collectivités canadiennes, de Stratford à Sudbury, de Fort Smith à Summerland, certaines filmées à l’avance et d’autres diffusées en ligne en direct. Voici les liens vers quelques-unes d’entre elles :

Halifax : https://bit.ly/3lIR7ty

Montreal : https://bit.ly/32PPpih

Sudbury : https://bit.ly/3f7l3gj

Summerland : https://bit.ly/32M8ty0

Fort Smith : https://bit.ly/3ntnWuP

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