La cloche en douille d’obus

Après une attaque par des batteries côtières coréennes, le NCSM Iroquois s’est doté d’une cloche de navire unique dans la marine.

L’équipage de l’Iroquois se rassemble en souvenir des trois membres de l’équipage morts au combat en Corée.
MDN/BAC/PA-114887

Le NCSM Iroquois (DDE 217), seul navire canadien auquel l’ennemi a causé des pertes humaines pendant la guerre de Corée, s’était engagé dans la lutte le 12 juin 1952. On l’avait chargé des patrouilles sur la côte ouest. 

« Nous étions toujours très près du 38e parallèle », s’est remémoré Ron Kirk lors d’une entrevue accordée au Projet Mémoire. L’équipage devait constamment rester sur ses gardes.

« Nos patrouilles duraient entre trois et six semaines. La nuit, lorsque nous jetions l’ancre, des gardes armés faisaient les cent pas sur le pont supérieur, et un canon Bofors de 40 mm était armé. Nous devions rester assis près du canon pendant les quatre heures de notre quart et nous tenir prêts en cas de problème », explique Kenneth Snider.

Fin septembre, le navire a été chargé de tirer sur les voies ferrées qui traversaient des tunnels le long de la côte Est.

« Cette ligne servait principalement à l’approvisionnement des Nord-Coréens », précise Peter Fane, ancien membre d’équipage. Les cibles étaient les trains, les voies ferrées, les tunnels et les équipes de réparateurs. « Dès que les ouvriers voyaient les éclairs jaillir de nos armes, ils couraient se mettre à l’abri dans le tunnel. » Le ralentissement des réparations permettait de gagner du temps, car en attendant on ne pouvait pas se servir du chemin de fer pour le transport des fournitures de guerre.

Une silhouette de guerrier indien figure sur l’insigne du navire du NCSM Iroquois, contre-torpilleur de classe Tribal.
Musée naval et militaire de la BFC Esquimalt

Le 2 octobre, l’Iroquois fut envoyé à la rescousse d’un contretorpilleur américain. Il s’était aventuré près de batteries côtières longeant un tronçon de chemin de fer qui avaient déjà endommagé une douzaine de navires et causé des pertes humaines. Après avoir fait feu à l’entrée d’un tunnel, l’Iroquois, qui s’apprêtait à partir, a présenté son flanc aux batteries de l’ennemi qui l’ont immédiatement pris pour cible.

Deux obus tombèrent de part et d’autre du navire. Le troisième atterrit sur le canon juste en dessous de la passerelle, tuant ou blessant mortellement trois membres d’équipage et en blessant dix autres. John Quinn, le capitaine de corvette, fut tué sur le coup. Le matelot Elburne Baikie subit le même sort pendant qu’il était en train de charger un obus de quatre pouces qui explosa et arracha les jambes du matelot W.M. (Wally) Burden. Ce dernier décéda quelques heures plus tard.

La douille déformée d’un obus qui a explosé quand l’Iroquois a été touché par le feu de l’ennemi.
MCG/19700165-005

Le navire resta en poste 11 jours après avoir été touché, puis il fut envoyé en cale sèche à la base navale de l’ONU située à Sasebo, au Japon. Entre autres réparations, on dut remplacer la cloche du navire, perdue dans la bataille.

La cloche unique de l’Iroquois a été coulée au Japon à partir de douilles d’obus en laiton pour remplacer la cloche perdue au combat. Les artilleurs de l’Iroquois utilisent des canons Bofors de 40 millimètres.
Musée naval et militaire de la BFC Esquimalt

Le Japon de l’après-guerre subissait alors une pénurie de métal, donc l’Iroquois proposa des douilles en laiton de la bataille. La nouvelle cloche ne ressemblait à aucune autre dans la marine. Comme elle fut coulée pendant l’année du dragon, on grava une image du monstre mythique à l’extérieur de la cloche, en plus du nom du navire. Elle avait la forme d’une cloche de temple japonais sans le rebord évasé des cloches de navire traditionnelles. Son dispositif de frappe était externe, au lieu d’un battant interne.

Le navire reprit du service après les réparations, sans être ciblé au cours de ses deux derniers tours en Corée, bien que l’ennemi ait eu « toutes les raisons et occasions de le faire », note son capitaine, le commandant W.M. Landymore, cité dans Canadian Naval Operations in Korean Waters (les opérations navales canadiennes dans les eaux coréennes, NDT). 

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