Anggun Rabu, âgée de 16 ans, a remarqué quelque chose en regardant les affiches commémoratives concernant les anciens combattants canadiens : les blessés y étaient le plus souvent victimes de lésions physiques.
Rabu, élève de 12e année à Abbotsford, C.-B., qui peint depuis l’âge de neuf ans, a donné le thème de santé mentale et trouble de stress posttraumatique à son affiche.
Le résultat convaincant de ses efforts, portrait disloqué d’un vétéran de la marine et de ses souvenirs, a remporté la première place dans la catégorie séniore des affiches en couleurs aux concours littéraires et d’affiches de la Légion royale canadienne.
« Not all war wounds are visible » (Les blessures de guerre ne sont pas toutes visibles, NDT), est-il écrit dans l’œuvre qui, selon sa créatrice, vise à faire la lumière sur une affliction souvent occultée et incomprise.
« J’ai remarqué que la plupart des affiches représentaient principalement la douleur physique que les soldats ont éprouvée », a déclaré Rabu, qui prenait part au concours pour la première fois et qui avait été invitée à présenter une œuvre par son professeur d’art.
« Je voulais faire quelque chose de plus sur la maladie mentale, comme le TSPT. C’est à propos des cicatrices mentales, et du fait qu’ils les ont jusqu’à la fin de leurs jours. C’est ce que je voulais présenter, et sensibiliser les gens de cette façon. »
Son œuvre met en scène un vétéran de la marine – élément du militaire qui, selon elle, est sous-représenté dans l’art commémoratif – aux rides accentuées par des sacs de sable et entrecoupé de scènes d’une guerre passée avec des plaques d’identité de soldats, indices de ceux qui ne sont pas rentrés au pays.
« C’est une œuvre assez compliquée », a déclaré la directrice générale des Publications Canvet Ltée, Jennifer Morse, artiste elle-même et juge du concours. « L’idée de la guerre et le déchiquetage du visage donnent une affiche assez sophistiquée. »« Ce sont toutes de belles œuvres, et le temps et les dimensions sont vraiment remarquables. »
Premières places aux affiches séniores
Premières places aux affiches intermédiaires
Premières places aux affiches juniores
Premières places aux affiches primaires
Plus de 100 000 enfants et jeunes s’inscrivent aux divers niveaux des concours littéraires et d’affiches chaque année depuis au moins 40 ans : des millions au total. Le but du concours est simple : favoriser le souvenir chez les Canadiens.
C’est un outil efficace qui non seulement favorise le Souvenir, mais qui inspire les artistes.
« On peut dire en voyant certaines de ces œuvres que ces enfants sont créatifs et qu’ils vont très probablement passer leur vie dans les arts d’une manière ou d’une autre, a déclaré Mme Morse. Et je pense que quand on est ce genre de personne, qu’on a cette ouverture d’esprit, cette sensibilité, l’expérience résonnera en soi, immédiatement et de façon permanente. »
« Quand on pense à cela et au fait que des millions d’enfants ont été touchés par ce concours au fil des années, c’est sûr que le souvenir se perpétue et que cela inspire un sentiment durable de responsabilité concernant la dette que nous avons envers ceux qui sont morts, ceux qui ont été blessés, ceux qui ont fait la guerre. »
La variété des œuvres dans les catégories séniores, intermédiaires, juniores et primaires est impressionnante, et elle évite admirablement les thèmes et les représentations éculés.
Dans sa composition gagnante chez les séniors, Ryan McCardle de Mount Stewart, Î.-P.-É., réfléchit à son premier jour du Souvenir, quand il avait 10 ans, et que transi de froid, il était fâché que sa mère eût insisté pour qu’il l’accompagne durant cette expédition quand quelques mots provenant de l’estrade lui ont résonné dans la tête « comme si un bâton avait frappé une balle ».
« Ce que je crains le plus, c’est que les jeunes ne se souviennent plus, disait l’orateur qui portait un long manteau noir. Ils ne conçoivent pas pleinement tous les sacrifices de leurs prédécesseurs. Ils ne peuvent pas saisir ce que serait leur vie si les soldats canadiens n’étaient pas allés se battre pour la liberté. »
« La déclaration, écrit McCardle, s’est vraiment installée en moi ».
« Je suis allé aux cérémonies du jour du Souvenir toute ma vie, et je m’y dis en moi-même : ‘Nous nous souviendrons’ et ‘Nous ne les oublierons jamais’. Maintenant, je me demande si mes semblables vont vraiment se souvenir ou pas. »
« Beaucoup de mes camarades de classe sont restés chez eux aujourd’hui et profitent d’une journée sans classes. Ils ne pensent pas au sacrifice ultime que des millions de soldats ont fait, ni aux terreurs qu’ils ont endurées. Il ne me reste qu’à espérer. À espérer qu’eux non plus n’oublieront jamais. »
Les concours ont fait une impression profonde et durable sur Valentina Donato, âgée de 17 ans, de Greely, Ont., qui a couronné sept années d’inscriptions locales et provinciales notoires par une deuxième place dans la catégorie séniore nationale des affiches en noir et blanc.
Pour cette artiste en herbe, la distinction nationale concernant son dessin au fusain – où un vétéran de la campagne des Pays-Bas de la Seconde Guerre mondiale, magnifiquement flétri, se trouve en face du visage de sa jeunesse – était aussi estimable que la victoire. « C’est incroyable », dit-elle.
Donato qui, cet automne, devait s’inscrire en beaux-arts à l’Université d’Ottawa, dit qu’elle trouve que le fusain est un moyen particulièrement efficace pour le sujet qui nous occupe.
« J’ai aussi employé d’autres moyens artistiques, comme la peinture, mais […] c’est le fusain qui me plait vraiment, » dit-elle. « Je trouve qu’il me sert à susciter beaucoup d’émotions dans mes œuvres. J’aime vraiment le contraste et créer les ombres et les lumières qui donnent cette émotion qu’on ressent quand on regarde les choses. »
Elle a entendu parler des concours pour la première fois à l’école primaire, et elle s’est vite plongée dans l’histoire des Canadiens à la guerre. Les connaissances qu’elle a acquises au fil des années nourrissent son art; elles lui permettent de saisir la réalité et de mettre de la profondeur dans ses œuvres.
« Je ne me serais pas intéressée à l’histoire et à notre passé si je n’avais pas eu conscience du [concours] au préalable, en 6e année. J’avais toujours hâte à l’année prochaine, pour en savoir plus, pour savoir ce que je pourrais montrer dans mon art. »
Les concours d’affiches en couleurs ou en noir et blanc, de poésie et de composition sont ouverts à tous les élèves du système scolaire canadien. Les œuvres sont jugées par des bénévoles au niveau de la collectivité, aux filiales de la Légion, et les inscriptions gagnantes suivent leur chemin jusqu’au niveau divisionnaire.
Celles qui gagnent sont envoyées à Ottawa où sont déclarées les gagnantes nationales. Ces œuvres sont publiées dans un livret et les affiches gagnantes séniores, exposées au Musée canadien de la guerre pendant un an. Les inscriptions ayant remporté la deuxième place et celles qui ont mérité une mention honorable sont exposées dans le hall d’entrée du Parlement, en novembre, pendant la période du Souvenir.
Les œuvres littéraires séniores sont également exposées au Musée canadien de la guerre. La Légion parraine un voyage à Ottawa pour les quatre lauréats séniors, où ils rencontrent la gouverneure générale et déposent une couronne au Monument national de guerre au nom de la jeunesse du Canada, à l’occasion de la cérémonie du jour du Souvenir.
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