La Chine et la Russie au cœur de la conférence sur la défense

Ellen Lord, sous-secrétaire à la Défense des États-Unis responsable des achats d’armes et du maintien en puissance.
Stephen J. Thorne

La Chine et la Russie étaient au cœur de la conférence annuelle d’Ottawa sur la sécurité et la défense des 4 et 5 mars derniers, où des experts se sont succédé pour dénoncer toutes sortes d’agissements des deux superpuissances : agressions, espionnage, efforts de déstabilisation et traitement des minorités.

« Tant que des pays développeront des capacités militaires […] avec l’intention de s’en servir pour appuyer des décisions économiques et sociales hostiles, il y aura un risque de dégénération en graves conflits régionaux ou mondiaux, a déclaré le général Jonathan Vance, chef d’état-major de la défense. Cela aurait des effets dévastateurs pour toutes les parties impliquées, et c’est quelque chose qu’il faut éviter. »

La Russie a annexé la Crimée et envahi l’Ukraine, a-t-il noté. Son armée de l’air s’aventure régulièrement à proximité de l’espace aérien souverain d’autres nations, comme cela a été le cas le 9 mars, près des côtes de l’Alaska, quelques jours seulement après cette prise de parole. La Russie mène des campagnes de désinformation.

L’agression chinoise en mer de Chine méridionale met en péril la stabilité régionale, a-t-il ajouté. Le pays recourt à des pratiques économiques et diplomatiques « coercitives » et tente de compromettre le Canada et ses alliés par ses activités dans le cyberespace.

« Les deux pays ont démontré qu’ils disposent d’une force militaire, ce qui est donc une menace latente, et qu’ils ont une volonté politique de déclencher des effets déstabilisateurs à leur avantage », a déclaré le général Vance devant l’assemblée réunie à l’initiative de l’Institut de la Conférence des associations de la défense. On compte parmi les participants du cercle de réflexion des associations de militaires ou d’anciens combattants, dont la Légion royale canadienne est le plus grand membre.

« Ces activités qui restent encore en dessous des limites sont autant d’attaques sourdes. Prises séparément, elles ne méritent pas de réponse à grande échelle. Mais, quand on les considère dans leur ensemble, on voit qu’une nouvelle approche est nécessaire. »

Le général Vance a cité les efforts de dissuasion de l’OTAN en Europe de l’Est, notamment les patrouilles aériennes, la mission menée par le Canada en Lettonie ainsi que d’autres missions de l’alliance dans la région balte.

Il a reconnu que le système de défense aérienne canadoaméricaine devait être amélioré, et rapidement.

« La menace de missiles en Amérique du Nord devient de plus en plus complexe, a-t-il expliqué. L’Amérique du Nord ne fait plus face à la seule menace des missiles balistiques. Nous sommes confrontés à des missiles conventionnels plus sophistiqués qui peuvent être tirés de plus loin, qui vont plus vite et se manœuvrent mieux.

« Et surtout, ils peuvent prendre en otage le pouvoir décisionnel de l’Amérique du Nord lors d’un conflit, voire menacer sa production de force et la majeure partie de ses infrastructures essentielles. Même une attaque de petite ampleur pourrait entraver ou paralyser la réponse du Canada à une crise, porter atteinte aux Canadiens ou endommager les infrastructures essentielles. »

Les relations entre le Canada et la Chine, en particulier, sont tendues depuis décembre 2018, date à laquelle les autorités canadiennes ont arrêté Meng Wanzhou, cadre de Huawei, à la suite d’allégations des États-Unis selon lesquelles l’entreprise bafouait les sanctions infligées à l’Iran.

Mme Wanzhou reste assignée à résidence à Vancouver pendant qu’un tribunal canadien examine la procédure d’extradition. Deux Canadiens ont depuis été arrêtés en Chine suite à des accusations concernant la sécurité nationale.

L’ambassadeur de Chine au Canada, Cong Peiwu, figurait parmi les membres d’un groupe d’experts présents à cette conférence. Les participants l’ont questionné sur le sort des Canadiens Michael Spavor et Michael Kovrig.

M. Cong a soutenu qu’ils étaient traités équitablement en vertu du droit chinois. Mais, il s’est refusé à dire quand son pays apportera une preuve étayant les accusations selon lesquelles ils sont des espions.

L’ambassadeur a argué que les camps de détention où se trouvent jusqu’à un million de Ouïghours en Chine occidentale ne sont que des « centres de formation professionnelle », en dépit des preuves accablantes du contraire. Et il a suggéré que les relations tendues entre le Canada et la Chine étaient en train de s’améliorer en grande partie grâce à la réaction mesurée d’Ottawa face à la pandémie du coronavirus, détecté à l’origine dans le centre commercial de Wuhan.

Le Canada et d’autres de ses alliés sont soumis à une pression américaine croissante pour empêcher le géant des télécommunications chinois Huawei d’installer son réseau 5G. Les États-Unis affirment que cette technologie servira de cheval de Troie pour compromettre la sécurité nationale et les alliances en matière de sécurité mondiale, comme celle du Groupe des cinq qui réunit le Canada, la Grande-Bretagne, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis.

Robert C. O’Brien, conseiller américain en matière de sécurité nationale, a déclaré lors d’une conférence à Halifax en novembre que, si on laissait l’entreprise installer son réseau 5G au Canada, Huawei allait « connaitre toutes les archives médicales, tous les dossiers bancaires, tous les commentaires sur les réseaux sociaux » et qu’elle saurait « tout sur tous les Canadiens ».

Il a expliqué que Beijing pourrait alors utiliser les données récoltées grâce à ce réseau pour « micro-cibler » les Canadiens grâce à des messages personnalisés destinés à influencer des élections, et il a dit qu’une telle intrusion pourrait affecter le rôle du Canada dans le Groupe des cinq.

« Le cheval de Troie de Huawei est effrayant, il est terrifiant, a-t-il argué. C’est incroyable que nos alliés et nos amis dans d’autres démocraties libérales permettent la venue de Huawei. Je suis surpris que cela fasse même débat. »

Le général Vance connait bien la question. Avant que le ministère de la Défense nationale se lance dans un déménagement du centre-ville d’Ottawa aux anciens locaux de Nortel situés dans la banlieue de Kanata, Ont., les techniciens ont retiré des dizaines de dispositifs d’écoute électronique. On présume qu’ils étaient chinois.

Des documents obtenus par The Ottawa Citizen il y a plusieurs années révélaient que le lieu qui allait devenir le quartier général de la défense et de ses 8 000 employés était la cible d’espionnage industriel depuis près de dix ans. Une étude de sa sécurité intérieure effectuée par Nortel a suggéré que des pirates téléchargeaient des études sur la recherche et le développement ainsi que des plans d’activités depuis les années 2000. Les pirates avaient aussi installé des logiciels espions dans les ordinateurs de certains employés.

Ellen Lord, sous-secrétaire à la Défense des États-Unis responsable des achats d’armes et du maintien en puissance , a déclaré à la conférence que les étudiants chinois qui fréquentent les universités américaines ramenaient de façon évidente « de la propriété intellectuelle en Chine à des fins malveillantes ».

« Nous avons suivi le fil, et nous découvrons que l’argent américain finance des activités de recherche qui vont tout droit en Chine, et que cette recherche est utilisée à nos dépends. C’est… un très, très gros problème. »

Mme Lord, ancienne directrice générale de Textron Systems, conglomérat mondial de l’aérospatiale, de la défense, de la sécurité et des technologies de pointe, a déclaré que l’industrie américaine était très dépendante de la main-d’œuvre et des produits chinois.

Elle a ajouté que la Chine avait « énoncé très clairement » les domaines du marché et de la technologie qu’elle prévoyait dominer d’ici 2025.

« Et ce n’est pas grâce à des investissements dans l’éducation et dans la recherche uniquement en Chine, a-t-elle averti. La Chine est en guerre avec le monde pour se procurer la propriété et la capacité intellectuelles par tous les moyens. »

Elle a décrit le concept de « capital antagoniste », en expliquant que de l’argent chinois avait servi à acquérir des entreprises américaines dotées d’une technologie « absolument essentielle à la défense de notre nation ».

« Et il ne vient pas de ‘la société chinoise ABC’. Il provient d’une série de très, très nombreuses couches de sociétés-écrans. »

Un comité du ministère du Trésor étasunien a été créé il y a quelques années pour examiner les acquisitions et recommander des mesures visant à atténuer les éventuelles menaces ou à bloquer carrément les ventes. De nouvelles règles visent à évaluer les fournisseurs de capital, telles que les sociétés de capital-risque, les maisons de courtage de valeurs et les petites entreprises, afin de s’assurer qu’il s’agit d’argent propre.

Dans un panel sur la question de la cybersécurité et des infrastructures essentielles, le contre-amiral américain Grant J. McDonald, ancien directeur de Norad responsable des opérations dans le cyberespace, a déclaré que ce dernier « est littéralement à 360 degrés et se déplace à la vitesse de la lumière ».

Il suffit, dit-il, d’un téléphone intelligent ou d’un ordinateur personnel pour ouvrir une brèche dans un réseau.

Les planificateurs doivent donc intégrer la sécurité au réseau, à son architecture, ainsi qu’aux logiciels et aux appareils qui utiliseront cette architecture.

Puis, la sécurité doit être intégrée dans les applications installées sur les appareils qui font partie des réseaux.

« Nous devons penser de manière globale à la défense du cyber-espace et de nos réseaux », a déclaré le contre-amiral McDonald.

La chose la plus importante que les autorités doivent comprendre, c’est ce qu’il appelle « le rôle des gens ». Il souligne ainsi que 80 à 90 pour cent des brèches dans la sécurité sont causées par des gens qui commettent des erreurs de base, par exemple qui cliquent sur des liens malveillants et visitent des sites non autorisés.

De l’autre côté, il y a des États-nations, des nations voyous, des organisations criminelles, le crime organisé, des terroristes, le terrorisme d’État « et tout particulier chez lui qui veut mal agir ».

« La menace est tout autour de nous, a souligné le contre-amiral McDonald. Tout ce que nous faisons touche maintenant au cyberespace. La manière dont nous vivons actuellement notre vie passe par ces appareils : nous nous en servons pour payer nos factures, gérer nos fonds… nous [les] utilisons pour tout.

« Nous devons donc réfléchir différemment à la façon dont nous défendons et sécurisons nos réseaux et nos vies […] et je dirais que mes renseignements personnels sont tout aussi précieux pour moi que le matériel classifié l’est pour le ministère de la Défense. »


Une année bien remplie

Les officiers d’entraide
de la Légion de toutes les divisions ont connu une année très chargée.

Ils ont traité 3 478 premières demandes et 601 révisions ministérielles envoyées à Anciens Combattants Canada (ACC) en 2019. Cela représente 359 premières demandes et 49 révisions ministérielles de plus que l’année précédente. En outre, ils ont conseillé de ne pas poursuivre ou ont retiré 1 095 demandes pour divers motifs l’année dernière.

L’augmentation résulte de la nouvelle modification de la politique sur les droits partiels mise en œuvre par ACC le 23 février 2018. Elle vise à fournir des directives sur l’admissibilité partielle ou à part entière aux prestations pour les invalidités suivantes :

celles qui découlent d’une blessure ou d’une maladie liée ou non au service (causalité);

celles qui découlent d’une blessure ou d’une maladie non liée au service qui a été aggravée par des facteurs liés au service (aggravation);

celles qui découlent d’une situation comportant un lien de cause à effet (consécutive).

Avant le 23 février 2018, une admissibilité partielle (1/5, 2/5, 3/5 ou 4/5) était accordée, que les facteurs soient liés au service ou non. Si une admissibilité partielle a été accordée en raison d’un lien de causalité, le ministère accordera une admissibilité à part entière.

Si c’est le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) qui a accordé un droit aux prestations, le ministère n’a pas le pouvoir de procéder à une révision ministérielle. Dans ces cas-là, le TAC(RA) acceptera les nouvelles demandes d’appel et de réexamen.

En 2019, les agents des services de direction ont procédé à 161 exa-mens d’admissibilité et ont traité 143 appels de droit à pension/demandes de réexamen. L’année a donc été très chargée, et on ne s’attend pas à une baisse des demandes en 2020.

On recommande aux militaires et aux anciens combattants concernés par une décision d’admissibilité partielle de demander à un officier d’entraide de direction d’examiner leur dossier. Composez le 613-591-3335 ou le 1-877-534-4666 (numéro sans frais), envoyez un courriel à
veteransservices@legion.ca, ou consultez notre site Web à l’adresse www.legion.ca pour communiquer avec un officier d’entraide de direction dans votre région.

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