Des torpilles dans le Saint-Laurent

Le NCSM Magog gravement endommagé en cale sèche à Québec.
BAC

La guerre était arrivée au pas de notre porte. En 1942, 23 navires furent coulés dans le fleuve Saint-Laurent et le golfe du même nom, et plus de 300 vies furent perdues lors de la brutale offensive des sous-marins allemands contre le Canada. Les défenses navales, aériennes et côtières furent donc renforcées pour tenir les U-boote à distance. Après avoir fait un temps d’arrêt en 1943, les sous-marins ennemis revinrent en 1944, mais cette fois-là leur succès fut moindre.

Toutefois, le 14 octobre 1944, le sous-marin allemand de longue portée U-1223, de type IXC, à sa première et seule patrouille de la guerre, rôdait dans l’embouchure du Saint-Laurent, porte d’entrée du cœur du Canada. Son commandant, alors âgé de 23 ans, l’oberleutnant Albert Kneip, manœuvra le sous-marin à quelques kilomètres du phare historique de la Pointe-des-Monts, à la rive nord du fleuve et à 400 kilomètres en aval de Québec, où il espérait trouver sa proie canadienne. Il ne fut pas obligé d’attendre bien longtemps.

Le NCSM Magog était une nouvelle frégate de classe River prévue pour l’escorte de convois et la guerre anti-sous-marine. Construit à Montréal et nommé en l’honneur d’une ville des Cantons de l’Est, Québec, le bâtiment de 1 470 tonnes, qui nécessitait un équipage de 157 personnes, avait été mis en service la même année. Au mois d’aout, le Magog rejoignit le groupe d’escorte (GE) 16 qui protégeait les convois le long de la côte est du Canada. Pendant que Kneip attendait, les navires du GE-16 se postèrent autour des 10 navires lents du convoi ONS-33 qui remontait le courant. Alors que le convoi s’approchait de Pointe-des-Monts, il entra dans le territoire de chasse de l’U-1223.

À 10 h 25, Kneip lança deux torpilles à tête chercheuse acoustique GNAT, destinées à exploser sous la quille d’un navire. L’une d’elle atteignit le Magog et explosa violemment, déchirant la poupe du navire de façon spectaculaire et laissant 20 mètres de bordé de pont empilés sur la partie ar-rière du bâtiment. Trois hommes furent tués sur le coup et trois autres, blessés.

« Une partie du pont a été soulevée et repliée au-dessus de ma tête », s’est souvenu par la suite Gordon Hunter de Winnipeg, marin alors âgé de 19 ans, « et j’ai eu la vie sauve grâce à un affût. Je me suis retrouvé à genoux et étourdi. »

L’explosion avait fait des ravages dans les provisions de bord, et quelques marins furent couverts de lait en conserve et de sauce tomate. Cinq membres du personnel du navire qui prirent des mesures immédiates pour maintenir le navire à flot furent cités à l’ordre du jour pour « leur sang-froid et leur efficacité ».

Des navires et des avions cherchèrent l’U-boot pendant deux jours, mais sans succès. Heureusement, les cloisons étanches des autres compartiments tinrent, et le navire put être remorqué jusqu’à Québec où, après évaluation des dommages, on conclut qu’ils étaient trop importants pour être réparés.

Kneip continua de rôder non loin de la rive sud du fleuve et, le 2 novembre, endommagea le cargo à vapeur britannique Fort Thompson près de Matane. Ce fut la dernière attaque allemande dans le fleuve, même si les sous-marins continuèrent d’attaquer à la côte est jusqu’à la fin de la guerre.

Les Allemands désarmèrent l’U-1223 en avril 1945 et le sabordèrent au large du port allemand de Wesermünde le 5 mai 1945. L’épave dépouillée du Magog fut vendue à Marine Industries Ltd., à Sorel, Québec, en 1945 et il fut mis à la casse en 1947.

Vingt-et-un anciens hommes d’équipage se réunirent à Magog en 1988, et ils furent acclamés par le public lors de leur défilé dans les rues de la ville. Un certain temps s’était écoulé, mais les hommes avaient certainement mérité leur journée spéciale de reconnaissance.

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