Notre homme à Téhéran

La Médaille d’or du Congrès des États-Unis, la plus haute distinction nationale décernée aux civils, est frappée du portrait de son récipiendaire. Ken Taylor a reçu la sienne en 1980.
Musée de la CIA

Au plus fort de la révolution iranienne de 1979, les militants prirent 70 personnes en otages à l’ambassade des États-Unis. Six diplomates américains s’échappèrent grâce à l’opération Canadian Caper.

Depuis près de deux siècles et demi, les États-Unis reconnaissent les exploits de civils en leur remettant la Médaille d’or du Congrès. C’est tout un honneur : 150 médailles seulement ont été remises à des groupes ou à des particuliers depuis 1776, et seulement 31 à des étrangers, dont un Canadien : le diplomate Ken Taylor.

En cachant six diplomates américains durant presque trois mois et en les aidant à s’échapper le 27 janvier 1980, M. Taylor et le personnel de l’ambassade du Canada ont été une lueur d’espoir pendant les 444 jours sombres de la crise des otages américains en Iran.

La ruse employée consistait à prétendre qu’une entreprise fictive du nom de Studio Six Productions réalisait un film intitulé Argo.
Musée de la CIA

En janvier 1979, le chah Mohammed Reza Pahlavi, soutenu par les États-Unis, dut fuir la révolution iranienne. Atteint d’un cancer, il partit ensuite d’Égypte au mois d’octobre pour aller aux États-Unis se faire soigner. Les étudiants insurgés qui réclamaient son extradition s’emparèrent de l’ambassade des États-Unis à Téhéran et y prirent 70 personnes en otages le 4 novembre 1979.

Ils laissèrent partir les femmes, les Afro-Américains et les malades, mais le Conseil révolutionnaire refusa de négocier la libération des 52 otages restants avec le président Jimmy Carter.

« Nous aurions pu tenter de survivre tout seuls
quelques jours de plus. Nous aurions échoué. »
Le diplomate américain Mark Lijek


Tandis que la peur et la colère augmentaient aux États-Unis, six Américains qui avaient échappé à la capture se cachaient
chez les diplomates canadiens John et Zena Sherdown et Ken Taylor et son épouse, Pat. Les Canadiens « étaient déterminés à nous garder jusqu’à la fin de la crise ou jusqu’à ce qu’on puisse quitter le pays », a déclaré le di-plomate américain Mark Lijek par la suite.

Un concept d’artiste, une annonce publicitaire et un article dans Variety.
Musée de la CIA

C’était risqué : leur découverte aurait mis en danger tous les Canadiens et Américains en Iran, y compris les otages.

Le cabinet du premier ministre Joe Clark autorisa dans le plus grand secret la création de faux passeports canadiens. Le Canada fournit aussi les documents habituellement contenus dans un portefeuille : permis de conduire, cartes de crédit et autres pièces d’identité, ainsi que de faux documents de voyage.

Pendant ce temps, l’Agence centrale de renseignement (CIA) des États-Unis inventa un subterfuge pour aider les six clandestins à quitter le pays : ils seraient des Canadiens employés par Studio Six Productions, société hollywoodienne à la recherche de lieux de tournage en extérieur pour un film de science-fiction à suspense intitulé Argo. Un bureau doté de son propre personnel fut ouvert à Hollywood, des messages publicitaires furent publiés pour promouvoir le film et des cartes de visite furent imprimées.

De la papeterie d’affaires.
Musée de la CIA

L’agent de la CIA Tony Mendez, qui arriva un jour et demi avant le départ prévu pour distribuer les trousses d’évasion aux Américains et les escorter durant le voyage de retour, fit l’éloge du « penchant pour la planification clandestine » de Taylor. La participation de la CIA fut gardée secrète, par crainte de représailles contre les otages.

Ces préparatifs furent couronnés de succès : l’opération de déroula sans heurts à l’aéroport international Mehrabad, à Téhéran.

Les Américains étaient « fous de joie » à l’annonce de la nouvelle, a écrit Mendez sur le site Web de la CIA. « C’était la première bonne nouvelle en trois mois de traumatisme national. » L’unifolié fut hissé un peu partout dans les villes du pays, des remerciements apparurent sur des panneaux d’affichage et dans des annonces de journal.

Mais Canadian caper n’offrit qu’un bref répit. La tension s’intensifia énormément lors de la mission de sauvetage bâclée où huit soldats américains et un Iranien perdirent la vie.

La frustration aux États-Unis donna lieu à des actes violents qualifiés d’ « I-rage ».

L’épouse d’un des otages rappela les gens au calme. Un journal rapporta qu’elle avait attaché un ruban jaune à un chêne dans sa cour et peu après, de tels rubans firent leur apparition dans tous les coins du pays. Le symbole se répandit partout : épinglettes, autocollants pour parechocs, panneaux d’affichage, vêtements. Ces rubans sont depuis un symbole d’espoir et de soutien pour les gens qui se trouvent dans une situation difficile.

Bien que le chah mourût en Égypte en juillet 1980, les otages ne furent libérés que quelques minutes après l’entrée en fonction du président Ronald Reagan qui applaudit « le courage, l’ingéniosité et les nerfs d’acier » de Taylor en lui remettant la décoration ce mois de juin là.

Taylor a été nommé officier de l’Ordre du Canada. Les autres Canadiens impliqués ont été nommés membres de l’Ordre, et l’Ordre du Mérite militaire a été décerné à trois militaires canadiens ayant participé à l’opération.

Sheardown est mort en 2012. Taylor, acclamé en 2013 par l’ancien président Jimmy Carter comme étant « le héros principal » de l’opération secrète, est mort en 2015.

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