Les FAC devraient se diversifier davantage, dit le CÉMD

La générale américaine Lori Robinson, commandante de Norad, parle aux reporters après son discours à l’institut de la Conférence des associations de la défense.
Stephen J. Thorne

Le meilleur moment de la Conférence des Associations de la défense qui a eu lieu à Ottawa en février fut sans doute quand, le deuxième jour, Melissa Sanfaçon, élève-officier du Collège militaire Royal, a mis le chef d’état-major de la défense dans ses petits souliers devant une audience pleine d’universitaires, de gradés, de bureaucrates et de diplomates.

Le sujet principal de la conférence de deux jours semblait assez grisant : les grandes puissances, l’ordre mondial et l’examen de la politique de défense canadienne.

La commandante de NORAD, la générale Lori Robinson, venait de parler de l’évolution des menaces et des intentions fuligineuses d’ennemis anciens et nouveaux.

Le professeur d’études politiques Kim Nossal de l’Université Queen’s avait quant à lui décrit un gouver-nement américain « insurgé » et « résolu à démanteler l’ordre mondial ». Un groupe d’experts avait parlé de la « déchéance » possible de l’Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord, vieille de 68 ans.

Mais l’élève-officier Sanfaçon avait des choses plus fondamentales à l’esprit, et elle n’allait pas laisser le général Jonathan Vance se défiler devant ses questions.

Il venait de promettre d’accroître l’enrôlement des femmes au cours des dix prochaines années et de juguler l’inconduite sexuelle qui persiste dans les rangs.

Sanfaçon voulait des précisions sur l’enrôlement. « À propos de faire entrer plus de femmes dans les Forces, je me demande si l’on a pensé aussi à un paquetage qui soit vraiment utile et plus adapté aux femmes dans les opérations », a-t-elle demandé.

Elle a mentionné l’armure et les sacs à dos en particulier, faisant remarquer que l’armée américaine avait commencé à distribuer aux femmes des paquetages conçus pour elles tandis que les Forces canadiennes ne le faisaient toujours pas. L’armature de son sac à dos, a-t-elle souligné, a été distribuée en 1982 pour ce qui était alors le soldat moyen : un homme de 5 pieds et 11 pouces pesant 175 livres. Sanfaçon mesure 4 pieds et 11 pouces, et elle pèse 100 livres.

« Il n’est pas vraiment fonctionnel ni pratique, » a-t-elle dit.

« C’était comme ça pour moi aussi, a répondu Vance. J’ai cinq pieds sept, voyez-vous? J’ai été irrité par ces affaires-là pendant toute ma carrière, moi aussi. »

« Mon armure m’arrive ici », a-t-il ajouté en levant le menton et plaçant une main en dessous. Il a ensuite ajouté, au plaisir de tous : « en bref, vous avez tout à fait raison. »

Par la suite, le général Vance a réitéré son accord avec la cadette. Il a dit avoir demandé au lieutenant-général Paul Winnyk, commandant de l’armée, d’assurer un suivi avec elle.

Il a promis d’augmenter le nombre de femmes dans le militaire d’un pour cent par année jusqu’à ce qu’elles représentent 25 % des effectifs, contre 14 % seulement actuellement.

« La diversité et l’augmentation du nombre de femmes dans les Forces armées canadiennes, ce n’est pas seulement parce que c’est une bonne chose à faire, il s’agit de la survie de l’institution, a dit Vance à l’assemblée. »

Pour atteindre ces objectifs de recrutement, le vérificateur général Michael Ferguson a rapporté en novembre qu’il fallait absolument recruter davantage de femmes, mais il a aussi fait remarquer qu’aucune mesure d’équité d’emploi pour ce faire n’avait encore été prise. Environ la moitié des femmes enrôlées dans les Forces canadiennes sont cantonnées à six professions, parmi les plus de cent que l’on y trouve : celles des commis de soutien à la gestion des ressources, des techniciens en approvisionnement, des officiers de la logistique, des techniciens médicaux, des infirmiers et des cuisiniers.

Vance a déclaré que le militaire devait changer la manière dont il attire, fidélise et congédie ou libère son personnel.

« Pour changer la nature des Forces armées, pour les rendre plus diverses et y inclure encore plus de femmes, il faut changer, » dit-il.

Les multiples problèmes de ressources humaines que le militaire doit surmonter sont fâcheux pour sa cause. Plus de 300 soldats envoyés au Koweït soutenir le combat contre l’ÉIIS ont appris en décembre qu’ils allaient perdre un allègement fiscal, en guise de solde de danger, équivalent à 1 500 $ par mois ou plus. Une entente a été conclue à la suite d’un examen du ministère de la Défense, mais certains soldats restent exclus de la mesure fiscale sur laquelle ils croyaient pouvoir compter. Cela a bien failli être un vrai désastre de relations publiques.

Au même moment, de nombreux anciens militaires devaient attendre indéfiniment entre leur dernier chèque de solde et leur premier chèque de pension. La SRC a rapporté que le nombre d’arriérés dans les dossiers a atteint 13 000 l’an dernier.

Le nombre de militaires en service ou retraités ayant un trouble de stress post-traumatique reste élevé depuis l’Afghanistan, et celui des suicides parmi eux augmente toujours : « un défi énorme », a déclaré le général Vance, qui a ajouté que la moitié de ceux qui s’étaient suicidés n’étaient pas soignés, et qu’ils auraient dû l’être.

Par ailleurs, Statistique Canada a constaté lors d’un sondage effectué auprès de 43 000 soldats que le taux d’agressions sexuelles dans le militaire au cours des 12 mois précédents était presque le double de celui de l’ensemble de la population, soit 1,7 % comparé à 0,9 %.

Vance a fait de la chasse à l’inconduite sexuelle une priorité de son mandat avec l’opération Honneur, mais il a dit aussi que les problèmes plus généraux concernant les ressources humaines exigeaient une approche exhaustive et à long terme de ce qu’il appelle « le parcours, à partir du point où nous vous recrutons, puis pendant votre service et au-delà ».

« Nos critères de sélection sont en grande partie axés sur un type de personnes, des personnes qui sont tout à fait en forme et [prêtes] à être déployées, qui sont des généralistes dans la plupart des cas ou des spécialistes lorsqu’il nous faut des spécialistes, a-t-il poursuivi. Cela risque de ne pas fonctionner à l’avenir. Nous pourrions fort bien être obligés de changer les conditions de service. »

Il a ajouté qu’on devrait permettre aux militaires de passer plus librement du service régulier au service de réserviste, du temps partiel au temps complet, de l’emploi restreint à l’emploi non restreint.

Alors Les FAC sont en train d’étudier « toutes sortes de conditions de service pour que [les militaires] aient plus de souplesse au long de leur parcours », et de moderniser leurs politiques en matière de gestion du personnel. « L’objectif ultime doit être, devra toujours être, de produire les Forces armées dont a besoin le Canada pour mener les opérations décidées par le gouvernement, maintenant et à l’avenir, » a-t-il dit.

Vance a notamment promis de présenter « aussi vite que possible » une nouvelle organisation militaire, une « unité de transition » commandée par un général qui instituera un « processus professionnel » pour guider les militaires quittant les forces armées, et les préparer aussi bien que possible à cette étape de leur vie.

« Nous voulons nous assurer que les anciens combattants ont toutes les chances de leur côté, » a déclaré Vance aux journalistes, après sa présentation. « Une transition réussie, un départ des Forces armées réussi au plan professionnel et au plan administratif, c’est tout aussi important que le bon déroulement de l’entrée dans les Forces. »

« Il y a trop de gens obligés de faire cavalier seul; de lire les règlements tout seuls; de découvrir tout seuls la marche à suivre. Et cela s’aggrave quand on y ajoute le retard d’un chèque de pension ou quelque chose qu’ils auraient dû savoir, mais qu’ils ne savaient pas parce qu’ils n’avaient pas lu un certain paragraphe dans un volume épais comme ça. Les gens ont besoin d’appui quand ils entrent dans les Forces armées, et ils ont besoin d’appui quand ils les quittent. Et ils en ont encore plus besoin s’ils ont été blessés. »

Le CÉMD, presque un an après avoir pris ses fonctions, a cependant refusé de confirmer toute échéance, admettant qu’une mise en œuvre pourrait débuter dans pas moins de deux ans. « Je veux commencer aussitôt que possible, » a-t-il dit.

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