La conscription: la question qui a déchiré le Canada

Au début de la Première Guerre mondiale, en aout 1914, des milliers de Canadiens, jeunes ou vieux, sont allés à l’entrainement au Camp Valcartier. Les volontaires étaient alors nombreux, et le Canada était prêt à montrer à la Grande-Bretagne, et au monde, qu’il représentait une force à ne pas sous-estimer. Le premier ministre, sir Robert Borden, avait promis au Canada qu’il n’y aurait pas de conscription.

En 1916, le nombre de personnes qui se portaient volontaires pour le Corps canadien diminuait de plus en plus. Ceux qui restaient n’avaient guère de loyauté envers la Grande-Bretagne, et ils voyaient la guerre comme étant une guerre de la Grande-Bretagne, pas du Canada (beaucoup parmi ceux qui s’étaient engagés au début étaient sujets britanniques résidant au Canada). Beaucoup de gens pensaient que partir pour la guerre revenait à un suicide, et vu l’abondance d’emplois au Canada, nul n’était besoin de quitter le pays.

Quand Borden est allé en Europe au printemps de 1917, il a appris ce que la prise de la crête de Vimy avait vraiment couté au Corps canadien. À son retour, il a estimé qu’il était de son devoir, et de celui du Canada, de renforcer les troupes au front. Il a donc jugé que le service obligatoire était nécessaire.

À la Chambre des communes, en mai, Borden a parlé de la gravité de la situation en Europe. Le projet de loi sur le service militaire de 1917 a rapidement suivi, et le 29 aout, la conscription devenait loi. Laurier et son parti libéral ont été prompts à s’y opposer. En juin, Borden avait offert une coalition politique à Laurier. Ce dernier a refusé parce qu’il estimait qu’il perdrait l’appui du Canada français s’il acceptait.

Le gouvernement prévoyait enrôler 100 000 hommes dans le cadre de la loi sur la conscription. Les conservateurs ont eu une im-portante victoire à l’élection de décembre 1917, et l’enrôlement a commencé en janvier 1918. L’indignation s’est rapidement propagée au pays, et le Canada français n’était pas seul à s’opposer à la conscription. Parmi les 405 395 hommes qui avaient été jugés aptes au service, 94 % ont déposé une demande d’exemption, et près de 87 % l’ont obtenue.

C’est au Québec qu’a eu
lieu la contestation la
plus violente.

Bien que la majorité des appelés se soient opposés à la conscription, c’est au Québec qu’a eu lieu la contestation la plus violente. Le 28 mars, une émeute a éclaté quand la police de Québec s’est mise à arrêter les hommes qui n’avaient pas de documents d’exemption. Les affrontements ont duré 3 jours. Les foules ont détruit les bureaux du registraire et, le 1er avril, les troupes ont été appelées en renfort par le gouvernement et ont été accueillies avec des roches et des boules de neige. Les soldats ont ouvert le feu sur les ma-nifestants et, résultat : beaucoup de soldats blessés et de civils morts. Cette fin de semaine de Pâques a indubitablement été la plus violente des protestations survenues au Canada.

Le Premier ministre Borden a-t-il pris la bonne décision quand il a demandé la conscription? Le débat à ce sujet dure encore parmi les historiens. Mais on sait que, sur les 99 651 conscrits, 47 509 sont allés en Europe, et seulement 24 132 de ce Corps canadien ont pris part au combat avant la fin de la guerre.

Les conscrits ont été indispensables au cours des Cent jours du Canada. Ces Cent jours ont couté très cher – 45 000 blessés – et les conscrits étaient là pour renflouer les rangs, qui ont permis au Canada de résister puis de défaire l’armée allemande au front occidental. Ce qui est certain, c’est que si la guerre avait continué en 1919, comme le prévoyaient les Alliés, les conscrits auraient tous été nécessaires, et de toute urgence. Le Canada était prêt à soutenir ses troupes à l’étranger, quoi qu’il lui en coute.

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