La Conférence devrait s’attendre à de la puissance intelligente de la part des É.-U.

Il n’y a vraiment qu’une seule chose à Ottawa, à la fin février : la réunion générale annuelle de la Conférence des associations de la défense — dans ce cas-ci la 72e — qui, au fil du temps, est devenue la conférence militaire prééminente au Canada.

Les orateurs, dont le ministre de la Défense nationale Peter Mackay, celui des Affaires étrangères Lawrence Cannon et une panoplie de généraux canadiens et états-uniens les plus haut gradés, comme toujours, étaient illustres. La CAD est un groupe qui englobe nombre d’associations militaires, dont la Légion royale canadienne est la plus grande. Quelque 400 personnes, y compris plusieurs ambassadeurs, ont pris part à l’évènement les 26 et 27 février.

Le thème du premier jour de séminaires annoncé était Les relations Canada-États-Unis :  la dimension sécurité, mais les discours ont eu trait à un grand éventail de sujets, des rôles du Canada et de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord en Afghanistan à l’essor de la puissance navale chinoise, en passant par la nature du conflit au Moyen-Orient.

Le ministre des Affaires étrangères Cannon a prononcé le discours-programme au début de la conférence. Cannon lui-même a parlé principalement de la relation entre le Canada et les États-Unis, remarquant que non seulement sa nouvelle homologue, la secrétaire d’État américaine, Hilary Clinton, faisait un excellent travail, mais elle a vraiment une approche différente de celle de l’ancienne, Condoleezza Rice.

« On peut s’attendre à une approche de coopération multilatérale renouvelée », disait Cannon par rapport au nouveau gouvernement américain, « une nouvelle approche envers l’Afghanistan et l’avènement de ce que Mme Clinton appelle la “puissance intelligente”. »

Cannon a longuement parlé du besoin de trouver un équilibre entre les questions de sécurité à la frontière Canada-États-Unis et le besoin de maintenir la circulation économique efficacement. « Nos voisins américains savent qu’une frontière sûre […] est la clé de notre prospérité commune, dit-il. Depuis le 11 septembre, nous avons cherché à équilibrer les soucis légitimes concernant la sécurité et le besoin de garder la frontière ouverte, ce qui est fondamental pour la prospérité de nos deux pays. »

D’après Cannon, plus d’un milliard de dollars en commerce traverse la frontière chaque jour, « près d’un million de dollars la minute, sur lequel sont établis sept millions d’emplois aux États-Unis, dit-il. L’empâtement de la frontière réduit le commerce ».

Cannon avait comme toile de fond pour ses remarques des études récentes aux États-Unis qui indiquaient que la frontière Canada-États-Unis serait pro­-bablement impliquée en ce qui a trait à de nouvelles attaques. Ainsi, les paroles de Cannon faisaient partie d’une discussion publique entre les deux pays sur la meilleure manière de gérer les risques.

Cannon a ensuite parlé du rôle du Canada en Afghanistan et aux Antilles, où les Forces canadiennes participent de plusieurs façons à l’interdiction des drogues.

« Nous nous défendons contre les risques à notre sécurité longtemps avant qu’ils apparaissent à nos frontières », dit Cannon, rappelant un vieux stratagème qui a fait ses preuves par rapport à la défense nationale. « Nous voulons déce­-ler, dissuader, interrompre et vaincre les menaces militaires et terroristes aussi loin de nos frontières que possible. »

Dernière note sur ce sujet, Cannon dit à la foule que le Canada a déboursé récemment 10 millions de dollars pour aider les États-Unis à sécuriser des matériaux nucléaires en Russie et en Ukraine, dans le cadre de l’effort de non-prolifération constant, afin d’empêcher ce genre d’armes de tomber entre les mains des terroristes.

L’ancien chef d’état-major de la défense et ancien président du comité militaire de l’OTAN, Ray Hénault, a pris ensuite la parole à propos de L’OTAN à 60 ans : une perspective militaire.

Hénault a offert une estimation optimiste sur l’alliance de l’OTAN à bout, qui a subi des pressions très fortes ces temps-ci. Non seulement l’OTAN a beaucoup de difficultés à cajoler les pays membres pour qu’ils fournissent des soldats à la mission en Afghanistan, mais la structure de commandement de cette dernière est mal en point. L’alliance a aussi de la difficulté à négocier avec ses partenaires de l’Union européenne, les Nations Unies et la Russie qui est devenue récalcitrante dernièrement.

Malgré cela, ou peut-être pour cela, Hénault a déclaré que l’OTAN est la « l’alliance prééminente de défense et de sécurité » au monde aujourd’hui et il a argumenté, en général, en faveur du succès de l’organisation, mais il a admis que ce succès n’est pas arrivé sans « une certaine agitation à l’intérieur de l’alliance ».

« Il est difficile d’arriver à un consensus des 26 alliés, dit-il. Le processus est souvent diviseur. »

Quant aux problèmes avec l’Union européenne, une question provenant de l’audience à la fin de son discours a poussé Hénault à entrer dans les détails par rapport à l’indifférence de l’Union européenne envers l’OTAN, qui en serait au point où les représentants européens n’assistent plus aux réunions.

Les deux organisations, dit Hénault, sont « quelque peu contrariées dans leurs desseins de collaborer à cause de leurs approches politiques. Il leur faut un consensus et ce consensus n’a pas pu avoir lieu pendant que j’y ai siégé ».

Il y a 21 nations qui font partie de l’OTAN ainsi que de l’Union européenne, mais Hénault ne voyait pas la politique commune de défense de l’Union comme étant un danger pour l’OTAN. Certains suggèrent qu’un grand nombre de ces pays européens sont en train de former leur propre alliance, mais Hénault n’est pas d’accord.

« Le problème va durer pendant un certain temps, dit Hénault, mais je ne pense pas que l’OTAN soit en danger. Personne n’essaie de quitter l’OTAN, il y a cependant des pays qui essaient d’en faire partie. »

Un autre questionneur voulait connaitre la nature du déclin de la relation entre l’OTAN et la Russie.

Tout allait bien, dit Hénault, et puis la bulle a éclaté. « Depuis aout dernier, il y a eu très peu de réunions OTAN-Russie. Elle temporise. »

Le dernier questionneur était le major-général canadien Lewis MacKenzie, qui n’a pas eu peur des mots en posant sa question. « J’aimerais bien être optimiste comme vous, dit-il, mais je me sens plus pessimiste. Je pense que l’OTAN est voué à l’échec en Afghanistan du Sud et des soldats canadiens sont en train d’y mourir. L’OTAN n’a pas affecté les ressources fondamentales à la mission. Si l’incapacité de trouver des soldats pour l’Afghanistan n’est pas une indication d’échec, qu’est-ce que ça peut bien être? »

De répliquer Hénault, « oui, il y a eu des difficultés et c’était surtout à cause de différences politiques. Il va falloir les régler pour améliorer le partage du fardeau parmi les alliés.  L’OTAN est une organisation basée sur le consensus et cela signifie qu’il y aura des compromis ».

Hénault faisait essentiellement remarquer que parmi les nombreux alliés de l’OTAN, le soutien politique, concernant l’envoi de troupes au combat, est limité.

Ensuite, la conférence s’est réunie à nouveau et une série d’orateurs ont discouru sur Les Canadiens et la sécurité en Asie-Pacifique.

Le colonel australien John Blaxland a prononcé un discours intéressant sur le rôle de l’Australie en Afghanistan. L’Australie opère en Oruzgan, au nord du Kandahar, en tant que partenaire auxi­liaire de la force opérationnelle dirigée par les Hollandais. Ils n’ont qu’un peu plus de 1 000 soldats là-bas, qui s’occupent de mentorat, de reconstruction, d’opérations spéciales et d’artillerie.

Bien que l’Australie soit de loin le plus grand collaborateur de la mission qui ne fait pas partie de l’OTAN et un des rares qui acceptent d’envoyer des soldats se battre dans les régions des Pashtuns, Blaxland disait en conclusion que « l’Australie reconnait que malgré le fait que les engagements contre-insurrectionnels puissent durer longtemps, on peut les gagner. Toutefois, les efforts mi­-li­taires ne suffiront pas en Afghanistan ».

Lors d’un des derniers discours de la journée, l’analyste états-unien de la défense Norman Friedman a parlé des relations de pouvoir en Asie. Le point principal de Friedman était que l’agitation au Moyen-Orient est en fait le résultat de réformes religieuses dans le monde islamique pas très différentes des réformes (souvent violentes) qui ont eu lieu dans l’histoire des religions occidentales. La situation, dit Friedman, est fondamentalement une guerre civile islamique et il pense que les troubles et le militantisme va durer au moins 50 ans.

Il croit que la meilleure chose que puisse faire l’Ouest, c’est d’étayer les gouvernements islamiques stables et d’empêcher les foules furieuses et les terroristes de tuer nos citoyens.

« Je pense qu’il va y avoir beaucoup de morts avant que cela s’améliore; désolé d’être désagréable », dit Friedman en conclusion.

Le vendredi matin, le sujet est passé à L’évolution des Forces canadiennes en cette ère de changement : une nouvelle stratégie de défense et le premier orateur était le ministre de la Défense nationale Peter MacKay.

MacKay, qui a parlé avec un charisme expansif plus caractéristique d’une campagne que d’une conférence militaire, a parlé aux auditeurs d’un effort sans précédent en vue de reconstruire entièrement les Forces canadiennes.

« Les meilleurs soldats ont besoin du meilleur équipement, dit MacKay, mais il faut du temps pour bâtir le militaire. »

Il dit à la foule que les nouveaux navires, nouveaux véhicules et nouveaux avions sont tous en train. « Nous acquérons un nouvel équipement, à tire-larigot, comme on dit à certains endroits : de l’équipement à tire-larigot!

« Nous essayons aussi d’améliorer l’acquisition de défense, et il y a là matière à amélioration », dit-il, faisant une litote qui a fait se pâmer de rire et applaudir la foule.

Sur l’Afghanistan, MacKay était à nouveau franchement optimiste malgré l’augmentation de violence exponentielle. « Le progrès est lent, mais il y en a, dit-il. Il est visible pour tous. Il n’arrive peut-être pas aussi vite qu’on voudrait, mais il arrive. »

« Il y a 22 écoles en construction, du progrès par rapport aux grands projets comme le barrage Dhala. Il y a des enfants qui se font immuniser contre le fléau qu’est la polio et, le plus important, du progrès en ce qui concerne les forces de sécurité nationales afghanes. Pendant ces quelques derniers mois, une brigade afghane a planifié et mené sa première opération indépendante. »

« La mission de combat des Forces canadiennes doit se terminer en 2011, mais cela ne veut pas dire que le Canada va arrêter de leur prêter main-forte d’autres manières”, dit MacKay en conclusion.

Après lui, c’était le tour du général chef d’état-major de la défense, Walter Natynczyk, qui a commencé en faisant un rappel, grave par inadvertance, du vieillissement des anciens combattants du Canada. Quand Natynczyk a demandé que tous les vétérans de la Seconde Guerre mondiale se lèvent, il a semblé n’y en avoir qu’un seul. Et quand il a demandé aux vétérans de la Corée de se lever, il a semblé n’y en avoir que deux.

Là-dessus, Natynczyk a donné un aperçu général actuel de l’état des Forces canadiennes. Il a mentionné toutes sortes de choses, des difficultés de recrutement à celles de sécuriser un territoire arctique qui est plus étendu que l’Europe au complet, en passant par le brocard comme quoi une des unités états-uniennes qui vont renforcer les Forces canadiennes au Kandahar a reçu sa première inscription au drapeau à Queenston Heights, pendant la guerre de 1812.

La session s’est terminée par des exposés du lieutenant-général chef d’état-major de l’Armée de terre Andrew Leslie, du vice-amiral chef d’état-major de la Force maritime Drew Robertson et du lieutenant-général chef d’état-major de la Force aérienne Angus Watt, sur leurs commandements.

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