L’ombudsman critique le progrès sur le stress opérationnel

Bien qu’il remarque qu’il y a eu du progrès au cours des six dernières années en ce qui a trait aux traumatismes liés au stress opérationnel (TSO) dans les Forces canadiennes, le rapport de décembre de l’ombudsman intérimaire, fait pour le ministère de la Défense nationale et les Forces canadien­nes, dit qu’il y a encore des militaires et familles qui n’obtiennent pas les services qu’il leur faut.

« Il est évident qu’il faut faire davantage », est-il écrit dans le rapport Un long chemin vers la guérison : le combat contre les traumatismes liés au stress opérationnel, de la protectrice du citoyen Mary McFadyen. Il s’agit du deuxième examen depuis que le rapport de l’ombudsman de 2002, où 31 recommandations ont été faites en vue d’améliorer l’évaluation et le traitement des TSO au militaire. Il n’y a que 13 de ces recommandations qui ont été mises en application et sept autres l’ont été en partie. La plupart des neuf recommandations du rapport de 2008 sont des répétitions des recommandations du rapport de 2002 qui n’ont pas été appliquées.

« Les Forces canadiennes et leur personnel sont au bord de l’épuisement », dit le rapport, à cause des pressions comme l’augmentation de l’engagement au combat en Afghanistan. Il insiste sur le besoin croissant d’un système durable pour identifier, prévenir et traiter les TSO et aussi pour identifier plusieurs questions « nouvelles et en évolution », comme les services de soins de santé mentale aux familles militaires et l’épuisement des professionnels en santé mentale et des soignants.

Bien que le rapport de 2008 remarque qu’il y a eu un « progrès important » en identification et traitement des TSO, y compris le passage au crible des soldats déployés, l’engagement envers le soutien social et l’augmentation du nombre de professionnels en santé mentale, certaines questions systémiques n’ont pas été réglées, surtout le leadership et la collecte de données, nous dit McFadyen.

La nomination d’un coordonnateur national des TSO, se rapportant au chef d’état-major de la défense, était une recommandation clé du rapport de 2002. À la place, un comité de direction a été nommé et deux conseillers spéciaux doivent s’occuper des TSO comme tâche secondaire. Mais au fil du temps, le comité s’est réuni de moins en moins souvent, le nombre de personnes qui y siégeaient a diminué et les conseillers spéciaux ne « pouvaient tout simplement pas s’occuper d’une tâche si grande et si importante tout en assumant leurs res­ponsabilités premières », dit le rapport.

En 2007, les FC ont nommé un conseiller spécial à temps plein pour diriger les programmes non cliniques et, en 2008, le comité directeur des TSO a été rétabli et augmenté. Mais aucun coordonnateur national n’a été nommé et le MDN répond que ces gestes « suffiront pour assurer la coordination générale des questions ayant trait aux TSO ».

« Je ne suis pas du tout d’accord avec ça », dit McFadyen. Non seulement un coordonnateur national assurerait la cohérence des politiques et des programmes des FC, mais sans lui le changement culturel nécessaire à l’élimination de la flétrissure des TSO sera plus dure et plus longue à obtenir, avertit le rapport. En conséquence, il y a encore des gens qui passent entre les mailles du filet, dit McFadyen, bien qu’on n’en sache pas le nombre. Le rapport fait remarquer qu’un seul c’est déjà trop, car les conséquences sont « souvent dévastatrices et durables ».

La plupart des établissements militaires au Canada ont été visités pendant les recherches pour le rapport et 19 unités aériennes, terrestres et navales ont été choisies. Les politiques, procédures et programmes pertinents ont été révisés et 360 interviews, menées. Une visite d’enquête à la Base des Forces canadiennes Petawawa, en Ontario (à 160 kilomètres au nord-ouest d’Ottawa), a permis de découvrir des divergences entre les niveaux de service offerts aux militaires et à leur famille et le stress et l’épuisement parmi les soignants en santé mentale.

Le rapport critique les Forces canadiennes du « leadership mitigé » qui permet à la flétrissure de subsister. « Certains leaders à l’échelon local n’admettent toujours pas que les problèmes de santé mentale sont des troubles réels », dit-il. En conséquence, il y a des membres des FC ayant subi des TSO qui n’osent pas demander de l’aide.

Mais il y a eu un « progrès énorme » depuis 2002, dit le lieutenant-colonel Stéphane Grenier, qui, en 2007, a été nommé conseiller spécial des TSO pour s’occuper de la création d’une campagne éducative et d’autres programmes servant à réduire la flétrissure par rapport aux questions de santé mentale. Il dit qu’il n’a pas été interviewé pour le rapport de 2008. Grenier, qui a souffert d’un TSO lui-même lors de son service au Rwanda, en 1994, fait remarquer la croissance des réseaux de soutien par les pairs et le développement des modules d’éducation et de formation pour tous les grades. Environ 8 000 mi­li­taires ont été formés en ce qui a trait aux questions de TSO; un bureau de conférenciers a été institué, qui sert à former tous les grades; les questions de TSO sont prises en considération lorsqu’on réécrit les politiques.

En outre, une équipe de santé mentale « puissante » est disponible lors des déploiements et les TSO font dorénavant partie du procédé de passage au crible qui a lieu après le déploiement, dit le lieutenant-colonel Rakesh Jetly, psychiatre et conseiller en santé mentale au MDN et aux FC.

Dans le but d’identifier les TSO rapidement, les soldats passent des tests de dépistage de TSO dans les six mois après leur retour et ils ont une réunion particulière avec un professionnel de la santé mentale. Les FC ont également augmenté le nombre de psychiatres de plus de 300 et on s’attend à ce qu’il y en ait 218 de plus au printemps. Le nombre de cliniques où l’on soigne les 65 000 réguliers et 25 000 réservistes a été augmenté à 11 et il y a six cliniques de TSO de plus à Anciens combattants Canada, où le personnel des FC peut aussi aller.

« On n’a pas encore d’approche nationale coordonnée, dit McFadyen, pour s’assurer qu’il y ait une surveillance efficace de toutes les questions concernant les TSO », dont les soins, le diagnostic, le traitement, la formation et l’entrainement réguliers. Son bureau va continuer de surveiller les progrès de cette question et de faire des rapports en conséquence.

La collection de données est une autre question systémique. Un logiciel de tenue de documents, qui devait être entièrement opérationnel en 2008, ne le sera pas avant 2011. « C’est malheureux, dit McFadyen, parce qu’il faut savoir quelle est l’étendue du problème. » Pour « assurer le ciblage des fonds et des ressources vers les bons endroits » il faut de bonnes données.

À la place, les enquêteurs ont trouvé « qu’il n’y a pas de mesure de perfor­mance efficace pour évaluer les approches régionales et locales des programmes ». À cause du manque de coordination nationale et des statistiques, « la qualité des soins de santé mentale offerts aux militaires manque de cohérence d’un endroit du pays à l’autre », dit le rapport. Par exemple, il n’y a qu’un psychologue et 80 p. 100 du temps d’un psychiatre, à la BFC Petawawa, où il y 5 100 militaires dont un grand nombre ont été déployés en Afghanistan, alors qu’il y a cinq psychologues et trois psychiatres à la BFC Edmonton au service de 6 600 militaires.

Mais que le système d’enregistrement des dossiers ne soit pas encore entièrement prêt, cela ne veut pas dire qu’on ne fait pas de recherches, dit Jetly. Par exemple, les FC ont découvert qu’il faut moins de temps qu’avant aux militaires pour demander de l’aide pour TSO. En 2002, « c’était cinq ou six ans, en moyenne ». La moitié de ceux qui ont été identifiés comme souffrant d’un TSO se font déjà soigner à leur retour au Canada, dit-il.

Mais les dossiers papier et les mé­thodes de recherche manuelle sont encore une entrave. « Quand on a fait la deuxième enquête, personne ne pouvait nous dire exactement combien de personnes souffrent d’un TSO, dit McFadyen. Les statistiques précises vont finir pas aider tout le monde à s’occuper de la question, y compris à Anciens combattants Canada, quand les gens ont pris leur retraite. »

Les statistiques précises sont nécessaires pour savoir si les militaires blessés ont suffisamment d’assistance, dit Sean Bruyea, officier du renseignement pendant 14 ans, qui a servi à la guerre du Golfe en 1990-1991. Un TSO s’est développé par la suite et il a souffert en silence pendant des années. « La flétrissure était si grave (en ce temps-là)… j’avais tellement peur de demander de l’aide, je préférais abandonner la carrière que j’aimais tellement. » Avec bien peu d’assistance et sans emploi, « j’étais un de ceux qui sont passés à travers les mailles du filet » durant les années 1990.

Pour savoir tout ce qu’un déploiement veut dire, il faut savoir combien vont couter les blessures physiques et psychologiques, dit-il. « On ne devrait pas envoyer les militaires en mission sans penser à l’argent, dit-il. C’est tout à fait injuste de dire à un soldat qui a rempli son contrat en sacrifiant sa vie ou sa santé : ‘Eh bien, on n’a pas assez de fonds’. »

Il dit que la planification nécessite de bonnes statistiques. Pour décider de la grandeur d’un engagement, il faut savoir combien de gens déployés vont souffrir physiquement ou psychologiquement, combien vont être affectés à vie, et de combien d’argent on va avoir besoin pour ces gens et pour s’occuper des familles, dit-il.

À quel point les familles sont affectées par les TSO est une des questions dont discute le rapport de 2008. En plus du stress concernant les soins d’un parent souffrant de TSO, les membres de la famille risquent de souffrir de problèmes mentaux eux aussi et la dynamique familiale risque d’en être bouleversée. Pourtant, il y a beaucoup de gens dans des établissements militaires isolés qui ont de la difficulté à obtenir des soins. Le rapport remarque que, bien que la responsabilité des services de santé pour les familles militaires appartienne aux provinces, les FC ont une « responsabilité morale » de s’assurer qu’elles aient accès aux bons services et soutien de santé mentale qu’il faut pour s’occuper des militaires souffrant de TSO.

« Le prix en dignité humaine (quand on ne donne pas de service aux familles) est immensurable, dit Bruyea. Le prix sur les enfants, l’alcool et les drogues, la colère. Cela divise les familles, ou bien elles restent ensemble de manières nuisibles. »

Bien que le MDN soit d’accord avec la recommandation d’instituer une organisation qui travaille avec les organismes d’État et le gouvernement à tous les paliers pour s’assurer que les familles aient accès à tous les services et à tous les soins dont elles ont besoin, il fait remarquer que la prestation des soins aux familles militaires ne fait pas partie de son mandat (sauf à Goose Bay, au Labrador). Il faudrait modifier la politique gouvernementale et un apport important de ressources pour ce faire.

Recommandations et réponses

Les suivantes sont des recommandations d’Un long chemin vers la guérison : Le combat contre les traumatismes liés au stress opérationnel par Mary McFadyen, protectrice du citoyen par intérim pour le ministère de la Défense nationale. La réponse du chef d’état-major de la défense concernant le deuxième rapport de suivi du Bureau sur les traumatismes liés au stress opérationnel suit chaque recommandation, en italiques.

• Que l’on crée un poste à temps plein de coordonnateur national en matière de TSO, relevant directement du chef d’état-major de la défense.
La nomination d’un lieutenant-colonel à temps plein pour surveiller les programmes de TSO ainsi qu’un comité consultatif des services de santé mentale suffiront pour assurer la coordination générale des questions ayant trait aux TSO.

• Que l’on crée une base de données qui contienne exactement le nombre de membres des FC affectés par des TSO.
Acceptée

• Qu’une enquête confidentielle et indépendante sur la santé mentale des membres anciens et actifs, réguliers et réservistes, soit menée.
Acceptée en partie. Les FC peuvent enquêter sur les forces régulières et de réservistes; Anciens combattants Canada est responsable des membres à la retraite.

• Modifier la politique de reclassement afin de satisfaire ceux qui, malgré des TSO, peuvent continuer leur service militaire à d’autres postes militaires.
Pas de réponse.

• Faire le nécessaire pour que la politique de satisfaction soit appliquée équitablement aux membres des FC, qu’ils aient des difficultés mentales ou physiques.
Pas de réponse.

• Établir une organisation nationale pour s’assurer que les familles militaires aient accès aux soins.
Acceptée.

• S’assurer du financement de l’identification, de la prévention et du traitement des TSO.
Acceptée, et élargie pour inclure toutes les maladies mentales, pas seulement les TSO.

• Surveiller les besoins en soins de santé supplémentaires au cas où les TSO continuent de croitre.
Acceptée.

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