Un héros du front intérieur

L’association du Génie militaire canadien

Le rôle de Walter Leja au début de la lutte contre le terrorisme urbain à Montréal lui valut la plus haute distinction, mais au prix fort.

Entre 1963 et 1970, le Front de libération du Québec (FLQ), un mouvement marxiste indépendantiste, tenta de renverser l’ordre politique du Québec par la force. Ses membres commirent notamment une soixantaine d’attentats à la bombe dans la région de Montréal, principalement contre des symboles de l’élite anglophone de la ville et des cibles du gouvernement fédéral comme les manèges, le quartier général de la Gendarmerie royale du Canada et des édifices de bureaux. La ville était constamment sur ses gardes.

André Sima/Bettmann Archive/Getty

En mai 1963, les terroristes du FLQ placèrent au moins 10 bombes, chacune armée de quatre bâtons de dynamite dans des boîtes postales à Westmount, une enclave aisée principalement anglophone de Montréal. Cinq des bombes explosèrent le 17 mai à 3 h. Il fallait vite trouver les autres et les désamorcer. C’est là que le sergent-major Leja entra en scène.

Leja était né en Pologne en 1921 et avait immigré au Canada en 1935. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il avait servi outre-mer dans le Corps du génie royal du Canada (CGRC) en tant que démineur. En 1951, il reprit du service dans le 3e Régiment du génie du CGRC, une unité de milice basée à Westmount. Comme l’expertise de l’unité était le désamorçage de bombes, ses membres étaient en alerte au printemps 1963 pour épauler les policiers de Montréal.

Lorsque les bombes explosèrent à Westmount, il fallut examiner les autres boites postales, à la recherche de colis suspects. Leja et un autre soldat du CGRC furent dépêchés sur place. Mains nues et sans protection corporelle, Leja découvrit deux bombes qu’il désa-morça sans problème. Dans un cas, il risqua sa vie en transportant une bombe jusqu’à un champ en plein air pour minimiser les effets d’une éventuelle explosion.

« Mains nues et sans protection corporelle, Leja découvrit deux bombes qu’il désamorça sans problème. »

Le sergent-major Walter Leja fut blessé gravement lorsqu’une bombe qu’il tentait de désamorcer explosa. Le gouverneur-général Georges Vanier lui remit la Médaille de George en 1964.
BAC/4063162; spink.com

Leja désamorçait une autre bombe, au croisement des avenues Lansdowne et Westmount, lorsqu’elle explosa. La déflagration lui arracha l’avant-bras gauche et le défigura sévèrement. Sa poitrine et son torse subirent le souffle de l’explosion. Il survécut avec des dommages irréparables au cerveau et paralysé au côté droit. Il ne reparla plus jamais. 

« Il y a eu une grosse détonation et des morceaux de la boite aux lettres ont volé au-dessus de nos têtes, se souvient le photographe Garth Pritchard de la Gazette de Montréal. On l’a vu étendu par terre quand la fumée s’est dissipée. »

Leja survécut et « d’un stoïcisme difficile à appréhender, [il] passa les vingt-neuf années suivantes à l’hôpital où il finit ses jours », comme le souligne L’association du Génie militaire canadien sur son site web. Westmount institua un fonds de fiducie de 30 000 $ pour sa famille, et des membres de son unité continuèrent à lui rendre visite, surtout à l’occasion du jour du Souvenir.

Le gouverneur général Georges Vanier décerna la Médaille de George à Leja en mars 1964, décoration remise aux civils en reconnaissance d’« actes de grande bravoure » ou aux militaires pour la présence d’un courage exemplaire ailleurs qu’en présence de l’ennemi. La citation officielle note qu’il « a fait preuve d’un grand courage et d’un dévouement exceptionnels. Son geste, en plus d’inspirer et de rassurer les gens qui étaient obligés de rester près de lui, a clairement montré qu’il se souciait bien plus de la sécurité des autres que de la sienne. »

En 2013, l’Assemblée nationale du Québec a rendu hommage à Leja pour son geste et son sacrifice. Un arbre et une plaque commémoratifs situés sur les lieux de l’explosion rappellent dorénavant les hauts faits de Leja aux passants. Leja quitta ce monde à l’hôpital pour anciens combattants de Sainte-Anne en 1992.

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