Des héros de chez nous

Le retour du 22e Bataillon

(canadien-français) à Québec en mai 1919

Le retour au pays du 22e Bataillon (canadien-français) est célébré à la une. L’insigne de casquette du bataillon (en regard).

Pendant la Première Guerre mondiale, le célèbre 22e Bataillon (canadien-
français) endossa la charge de représenter non seulement une ville ou une région, mais bel et bien l’ensemble du Canada français. Les célébrations du retour au pays organi-sées par la Ville de Québec en l’honneur du 22e en mai 1919 illustrèrent à quel point le Canada français s’identifiait avec le bataillon et se réjouissait de son état de service à l’étranger.

Presque 800 hommes défilèrent triomphalement devant la foule en liesse qui avait envahi les rues là même où des émeutes anticons-cription les avaient agitées au printemps précédent. La réaction sans équivoque des habitants de Québec et de ses journaux à l’occasion du retour des hommes au pays montrèrent combien ils estimaient que les vrais héros de la guerre étaient ces jeunes hommes qui avaient servi, et surtout ceux qui y avaient sacrifié leur vie. 

Le 22e Bataillon avait été levé en octobre 1914 en recrutant principalement à Montréal. Il était arrivé au front en France en septembre 1915, et il avait participé à d’intenses combats pendant tout le reste de la guerre. Quelque 5 600 hommes passèrent par les rangs du bataillon, qui subit de lourdes pertes : 3 549 morts et blessés. Le 22e retourna en Angleterre après une période d’occupation en Allemagne début 1919, puis embarqua pour le Canada le 10 mai.

Le conseil municipal avait formé un comité d’accueil avec mandat de préparer un retour grandiose pour le bataillon. Les portes et les remparts du vieux Québec furent richement décorés, et l’édifice du Parlement, la mairie, ainsi que l’hôtel Château Frontenac se virent ornés de guirlandes, de drapeaux et de bannières. Six impressionnantes arches de la victoire furent dotées d’un affichage portant les messages « Gloire à nos héros », « Bienvenue aux héros de Courcelette et de Vimy » et « N’oublions pas les morts
héroïques ».

L’énorme paquebot Olympic accosta à Halifax le 16 mai. Le 22e, formé de 35 officiers et de 759 hommes d’autres rangs, était l’une des unités canadiennes à bord. Deux jours plus tard, à 8 h, deux trains de 15 voitures arrivèrent à Québec et, malgré la pluie, des dizaines de milliers de résidents firent le déplacement pour accueillir les soldats canadiens-français. 

Puis, à 9 h 20, les soldats coiffés de leur casque d’acier et fusil avec baïonnette à l’épaule, sortirent triomphalement de la gare en défilant devant un accueil enthousiaste. Les trains, les bateaux et les usines actionnèrent leurs sifflets, les églises firent sonner leurs cloches, et les klaxons de voiture retentirent alors que la foule en délire les acclamait et lançait fleurs, serpentins et confettis. 

Le bataillon passa par la basilique-cathédrale de Notre-Dame et le manège, puis il suivit la rue Saint-Louis jusqu’au monument à Samuel de Champlain près du Château Frontenac, où le maire, Henri-Edgar Lavigueur, prononça un discours émouvant. Faisant allusion à la discorde qui avait éclaté dans sa ville un an auparavant, il dit qu’il espérait que les hommes de retour seraient « les apôtres de l’entente cordiale […] dont nous avons tant besoin pour […] la grandeur du Canada ».

À 16 h, le 22e défila fièrement dans les rues étroites de « la vieille capitale ». Les gens du quartier populaire de Saint-Roch, dont les protestations contre la cons-cription avaient été les plus véhé-mentes en 1918, se montrèrent les plus allègres et accueillants. Le 22e s’engagea dans la rue
Saint-Vallier, généreusement ornée de drapeaux, de guirlandes, de fanions et de bannières d’accueil comme tant d’autres rues du quartier. 

Ce soir-là, lors d’un banquet au grand salon du Château Frontenac, les officiers du bataillon furent reçus en tant que « héros de chez nous, de notre race, de notre chair et de notre sang » par le premier ministre, Lomer Gouin.

Le bataillon, escorté d’une grande foule, prit le train pour Montréal peu après minuit. Ce jour-là, le 19 mai, le quotidien montréalais La Presse publia un éditorial avec des paroles fortes : « Depuis que le 22e est arrivé à Québec […] chaque Canadien français sent le cœur lui battre plus fièrement […] Pour nous, Canadiens-français, le Vingt-deuxième est quelque chose de très grand. » 

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