Une foule inattendue

Le révérend Andrew Gates s’adresse à l’assemblée au cénotaphe du Canadian Scottish Regiment. La Christ Church Cathedral est en arrière-plan.
Mark Zuehlke

Une foule de gens à Victoria a célébré le jour du Souvenir malgré la pandémie et le temps pluvieux

Le révérend Andrew Gates a posé le regard sur la grande foule qui s’était massée autour du cénotaphe sur le domaine de l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique, à Victoria. Il bruinait par intermittence, mais le temps était doux et un peu venteux. On notait une certaine distanciation physique, mais avec plus de 3 000 personnes, il y avait foule.   

Le jour du Souvenir est un jour férié en Colombie-Britannique, donc il n’y avait que deux groupes de la petite école. En revanche, il y avait de nombreux enfants de tout âge avec leurs parents. La foule débordait du domaine, bloquait la rue Belleville et s’étendait en une large colonne le long de la rue Government entre le port et l’hôtel Fairview Empress jusqu’au quartier commercial du centre-ville. 

« Nous n’avons imprimé que 200 programmes, car nous pensions qu’il n’y aurait qu’une cinquantaine de personnes tout au plus, a déclaré M. Gates devant le public. C’est merveilleux de vous voir. »

La foule était vraiment inattendue, a convenu M. Angus Stanfield, président du fonds du coquelicot du comité du jour du Souvenir de Victoria. Les organisateurs, espérant réduire l’exposition possible du public à la COVID-19, avaient annoncé un programme restreint et demandé aux gens de regarder chez eux l’évènement diffusé sur une chaine locale. 

« On dirait que les gens sont résolus à rendre hommage aux forces militaires après n’avoir pas pu participer aux cérémonies du Souvenir l’an dernier à cause de la pandémie. Nous respectons cela », a noté M. Stanfield.

Avec un taux de vaccination dans la région métropolitaine de Victoria qui oscille entre 88 et 92 %, les Victoriens paraissaient confiants du fait qu’ils pouvaient assister aux cérémonies en toute sécurité. La participation du public, que ce soit à Esquimalt, à Langford, à Sidney ou ailleurs, a effectivement dépassé les attentes. La cérémonie à la Croix du Sacrifice dans le secteur de la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth du cimetière Ross Bay n’attire habituellement que quelques dizaines de personnes. Cette année, des centaines de spectateurs se sont présentés. Certains ont ainsi expliqué qu’ils voulaient éviter les évènements plus achalandés.

« D’autres personnes plaçaient leur coquelicot sur la pierre grise, donnant ainsi l’impression qu’elle était parsemée de gouttelettes rouges. »

Des enfants déposent leur coquelicot sur le BC Afhanistan Memorial.
Mark Zuehlke

L’une des premières cérémonies a eu lieu à 9 h 45 au BC Afghanistan Memorial, derrière le palais de justice provincial et en face de la Christ Church Cathedral. Il s’agit d’un mémorial en granite avec l’image d’un soldat canadien et d’un enfant afghan se tendant la main, et sur le socle duquel sont inscrits les noms et dates de décès de militaires et de fonctionnaires canadiens morts à la guerre en Afghanistan. L’image s’inspire d’une photo du lieutenant canadien Michael McCauley prise le 13 juillet 2007 par Finbarr O’Reilly, photo-
graphe de Reuters, dans le sud de l’Afghanistan.

Jamie Hammond, colonel à la retraite qui a servi durant plus de 18 mois en Afghanistan et y a commandé la force d’opérations spéciales en 2002, présidait la cérémonie.

« Cette année, le […] mémorial revêt encore plus d’importance qu’avant, a-t-il noté. Oui, l’engagement envers autrui des personnes mortes au combat […] va nous inspirer. Mais, avec le retrait d’Afghanistan des forces militaires de la coalition et le rétablissement du régime des talibans, il y a lieu de se demander : cela en valait-il la peine? »

Le colonel Hammond a répondu par un « oui » retentissant. Il a souligné que 25 millions d’Afghans âgés de moins de 25 ans ont fait des études entre 2001 et 2014, que les soins médicaux ont été grandement améliorés, et qu’une « nouvelle génération de jeunes femmes est consciente de ses droits ». Il n’y a pas de retour possible aux années 1990, et les talibans le savent. « Les Canadiens ont donné une nouvelle génération à l’Afghanistan. C’est aux Afghans de décider ce qu’ils vont faire. » 

Ceux qui sont morts pendant la guerre « ont servi sans connaitre l’issue finale, a déclaré le colonel Hammond. Mais, ils se sont battus corps et âme parce qu’ils croyaient aux valeurs intangibles que sont le devoir et le respect d’autrui, et aux valeurs canadiennes encore plus difficiles à saisir. Voici l’étoffe des personnes héroïques : elles font ce qui s’impose même quand le chemin est dangereux et ardu, ou quand l’objectif est lointain. »

M. Bing Chow faisait partie de la foule d’environ 150 personnes. Il était membre de l’Équipe provinciale de reconstruction du Canada en 2008. Il est venu par marque de respect, a-t-il expliqué, et pour que ses deux filles, Katie et Ellie, apprennent ce qu’est la guerre. « Elles sont assez grandes pour comprendre, maintenant. » 

Lorsque la cérémonie officielle a pris fin, M. Chow et ses filles se sont recueillis devant le monument, et il a pointé les noms du doigt. Ils ont ensuite déposé un bouquet de fleurs devant, tandis que d’autres personnes plaçaient leur coquelicot sur la pierre grise, donnant ainsi l’impression qu’elle était parsemée de gouttelettes rouges.

La plupart des gens qui se trouvaient à l’Afghanistan Memorial ont marché sous la bruine pendant un petit quart d’heure pour se rendre au cénotaphe de l’Assemblée législative juste avant le début de la cérémonie. Elle n’a duré qu’une trentaine de minutes, moins longtemps que d’habitude, sans le défilé traditionnel qui démarre à l’Assemblée législative et passe devant une tribune faisant face au port. Mais, tous les éléments essentiels y étaient : Ô Canada, la Dernière sonnerie, le moment de silence, l’Élégie jouée par un cornemuseur, ainsi qu’un hymne, une prière et une bénédiction.

En parlant de la grippe espagnole de 1918, le révérend Gates a dit « Ô tout puissant, cette pandémie est différente, bien qu’aussi mortelle, mais peu de choses ont finalement changé en un siècle. Nous pleurons toujours les personnes disparues […]. Même nos prières sont presque pareilles, et nous les répétons année après année. Apprends-nous l’amour qui mettra fin à cela. »

Le pasteur a alors donné ce qu’il a appelé une « bénédiction paradoxale » qui s’est conclue par l’espoir que les gens soient bénis « de la folie de croire qu’on puisse être utiles dans le monde, pour faire ce que d’autres vous disent qu’il est impossible de faire. »

Seules huit couronnes ont été déposées, par Janet Austin, lieutenante-gouverneure de la Colombie-Britannique; Sheila Fynes, Mère de la Croix d’argent de la Colombie-Britannique; deux représentants des Forces canadiennes; Anthony Rawlins, Deputy Chief Major General de l’armée australienne; deux représentants politiques; et M. Stanfield, au nom de la Division de la C.-B.–Yn de la Légion royale canadienne. 

Sourire en coin et l’œil sur la foule inattendue, le révérend Gates a annoncé la fin du programme officiel. Ensuite, de nombreuses personnes se sont avancées pour déposer un coquelicot sur le socle du cénotaphe.

Bien des gens sont revenus à pied vers la Christ Church Cathedral, où se trouve le
cénotaphe du Canadian Scottish Regiment, à côté de la place Pioneer. Ce cénotaphe était à l’origine une croix de bois qui avait été érigée sur la crête de Vimy après la bataille. Elle a été installée sur la place en 1938, puis remplacée en 1951 par la croix de pierre actuelle; celle en bois est conservée au manège de la rue Bay. C’est là que le régiment se rassemble chaque année, le 11 novembre, après la cérémonie à l’édifice de l’Assemblée législative.

L’évènement est habituellement bien annoncé, mais cette année, le régiment n’avait pas lancé d’invitation au public. Et pourtant, il était au rendez-vous. Un petit groupe du Canadian Scottish en uniforme et en kilt et d’anciens membres portant le couvre-chef du Glengarry n’ont pas tardé à arriver. 

Le révérend Gates, apparemment indifférent à la pluie qui tombait de plus en plus dru, a pris sa place devant le cénotaphe en tant qu’aumônier de l’association régimentaire. Un contingent réduit de l’orchestre de cornemuses et tambours du régiment a ensuite défilé de la cathédrale jusqu’au cénotaphe.

Plus de 250 personnes, dont beaucoup étaient de jeunes gens en civil, se sont massées là, sous des parapluies ou faisant fi de la pluie qui trempait vêtements et têtes. Les cornemuseurs et les tambours se sont retirés après une petite cérémonie présidée par le révérend Gates. Les gens se sont alors approchés du cénotaphe pour déposer un coquelicot sur le socle. 

Un homme tout de noir vêtu avec masque noir assorti a traversé la rue vers l’Afghanistan Monument. Il s’est penché pour ajouter son coquelicot à ceux déjà bien alignés sur le rebord du monument sous l’inscription : « Named in remembrance are those who made the supreme sacrifice » (Nommé en souvenir de ceux qui ont fait le sacrifice suprême, NDT). Puis il s’est redressé et a longuement regardé le mémorial avant de repartir. 

M. Angus Stanfield, président du fonds du coquelicot du comité du jour du Souvenir de Victoria se recueille devant le céno-taphe situé devant l’Assemblée législative après y avoir déposé une couronne de la part de la Division de la C.-B.—Yn et de la jeunesse de la Colombie-Britannique.
Mark Zuehlke
Search
Connect
Listen to the Podcast

Comments are closed.