Un retour bienvenu

Un ancien combattant s’apprête à déposer son coquelicot sur la Tombe du soldat inconnu à Ottawa après la cérémonie du jour du Souvenir
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Environ 15 000 personnes se sont rassemblées au Monument commémoratif de guerre du Canada le 11 novembre à Ottawa, un retour du public très attendu après des rues quasiment vides lors de la cérémonie de l’an passé.   

De petits groupes épars de gens emmitouflés dans des parkas ou des chandails malgré une météo étonnement clémente étaient déjà derrière les barrières érigées autour du monument à 8 h 30. Puis, coquelicot rouge à la poitrine, les spectateurs sont venus d’une même vague peu avant le début de la cérémonie qui commençait à 11 heures. Parmi ces milliers de personnes se trouvaient d’anciens combattants, des membres des forces armées en service, des parents de militaires, ainsi que de simples quidams sans lien avec l’armée qui s’étaient déplacés par marque de respect. 

« J’étais ici l’an dernier, nous étions cinq au bout de la rue », se souvient Adwin Gallant, vétéran de l’Aviation royale canadienne avec 28 ans de service. Il assiste à chaque cérémonie du jour du Souvenir à Ottawa depuis 1995, dit-il.

« La présence du grand public lui donne encore plus de poids […], il est ainsi témoin de l’hommage rendu à ce que des gens ont accompli avant nous. »

Le sergent Kyle Crego, vêtu de la veste verte fluo de premier intervenant, était arrivé tôt à la cérémonie. Bénévole à l’organisation Ambulance Saint-Jean depuis 10 ans et membre de la Réserve Governor General’s Foot Guards, il était venu proposer ses services en tant qu’ambulancier paramédical durant la cérémonie. Il y a eu peu de problèmes, selon lui, à l’exception de quelques malaises et chutes. Il était heureux d’être présent et d’offrir ses services à ses camarades militaires. 

« Je veux simplement être là pour les soldats qui portent l’uniforme, a-t-il dit. Le personnel médical sur place fait du bon travail, mais il n’est pas nombreux, alors je me fais un devoir de venir donner un coup de main.

« Pour moi, [le jour du Souvenir] est l’occasion de penser aux gens qui nous ont malheureusement quittés, aux personnes qui servent aujourd’hui, et à celles qui nous ont précédés. J’en ressens beaucoup de fierté. On voit plein de gens en uniforme avec des médailles à la poitrine qui sont autant d’histoires. Rien que de voir ce qu’ils ont accompli […] m’inspire toujours beaucoup. »

Un ancien combattant autochtone (en haut à d.) s’apprête à déposer un coquelicot sur la Tombe du soldat inconnu.
Trevor Oattes

Il n’y a pas eu de défilé d’anciens combattants cette année, à cause des restrictions liées à la pandémie. Les berlines et VUS noirs sont arrivés en retard : un problème de sécurité que la GRC a géré quelques minutes avant la cérémonie. Mary Simon, gouverneure générale; Justin Trudeau, premier ministre; Sophie Grégoire Trudeau; et Josée Simard, Mère de la Croix d’argent de 2021, ont vite gagné leur place. 

Mme Simard est la mère de feu la caporale Karine Blais, deuxième femme morte au combat en Afghanistan, tuée par une bombe enfouie en bordure de route en 2009. Le rôle de Mme Simard en tant que Mère de la Croix d’argent est de représenter toutes les mères canadiennes qui ont perdu un enfant lors de leur service dans les forces militaires.

Quand on lui demande de parler de sa fille, Mme Simard évoque des souvenirs heureux, les espoirs que la caporale Blais avait pour l’avenir, et les répercussions de son décès sur son entourage. 

« Karine adorait Noël. On faisait une maison en pain d’épice tous les ans. On se préparait un chocolat chaud à la première neige. Son rire était contagieux, elle respirait la joie de vivre.

« Elle voulait fonder une famille après sa mission – j’avais déjà acheté le berceau et tout – et continuer sa carrière dans l’armée. 

« Quand Karine est décédée, ma vie s’est arrêtée. Le temps s’est arrêté pour bien des gens. On reprend à vivre petit à petit, avec les années. »

Les quelques premières minutes de la cérémonie étaient en décalage en raison du retard des dignitaires : Mme Simard et les Trudeau ont gagné leur place après que les cloches ont retenti, et alors que la salve de 21 coups de canon avait commencé. La gouverneure générale est arrivée pendant les deux minutes de silence, le bruit des motos de la police troublant le calme. L’honorable Mary Simon a pris sa place après le survol de deux chasseurs à réaction CF-18 qui aurait dû avoir lieu 15 minutes après son arrivée. 

Le Chœur d’enfants d’Ottawa a entonné Ô Canada, suivi du Dernier appel, de l’Élégie et du Réveil. L’Acte du Souvenir a été lu en anglais par Bruce Julian, président national de la Légion royale canadienne; en français par Larry Murray, Grand Président; et en michif, langue autochtone, par Paul Pirie, ancien combattant métis. 

Le rabbin Idan Scher prononce la bénédiction annuelle, hono-rant les anciens combattants du Canada et rendant hommage à son prédécesseur, le rabbin Reuven Bulka
Trevor Oattes

Une absence a été remarquée à la cérémonie. Le rabbin Reuven Bulka, qui donnait sa bénédiction au jour du Souvenir depuis 1991, est décédé en juin au terme d’une lutte de six mois contre un cancer. 

En tant qu’aumônier honoraire de la Légion, M. Bulka a prononcé de nombreux discours où il parlait de la mort, du courage, de la camaraderie et du sacrifice. Ses mots ont ému bien des gens partout au pays, et son absence a ajouté au caractère sombre de la cérémonie. 

La Légion avait invité le rabbin Idan Scher pour prononcer la bénédiction de cette année. M. Scher est à bien des égards l’héritier du rabbin Bulka : il dirige la congrégation de Machzikei Hadas, synagogue du rabbin Bulka pendant presque 50 ans, et un article publié dans le Canadian Jewish News le décrit comme le protégé de feu M. Bulka. 

« Je ressens aujourd’hui une vive émotion, a déclaré M. Scher. L’histoire et le souvenir, d’hier ou de temps plus lointains, pèsent sur mon cœur […]. Je suis présent ici aujourd’hui pour réfléchir à ces récits et aux innombrables personnes qu’ils incarnent. »

M. Scher a abordé de nombreux thèmes que le rabbin Bulka affectionnait : les sacrifices et le courage dont ont fait preuve des hommes et des femmes, le combat constant pour la liberté aux quatre coins du monde, et le travail des militaires partout au Canada lorsqu’ils luttent contre les inondations et les incendies. Il a souligné en particulier les anciens combattants qui sont revenus « le corps intact », mais portant les « profondes blessures invisibles » des traumatismes et de maladies mentales. Il a terminé son allocution en citant un extrait de la dernière bénédiction prononcée par M. Bulka lors du jour du Souvenir de 2020, huit mois à peine avant son décès.

« “Continuons de faire en sorte que le Canada, pays défini par le respect, l’harmonie, l’inclusion, la responsabilité et la gentillesse envers autrui, soit digne du dévouement et des sacrifices continuels de nos anciens combattants.” »

Une interprétation bilingue de Que Dieu protège la reine a suivi le discours de M. Scher, mettant fin à la cérémonie officielle. Les dignitaires ont alors bavardé avec les anciens combattants et les invités d’honneur, dont un grand nombre portait des rangées de médailles à la poitrine, avant de déposer les coquelicots sur la Tombe du Soldat inconnu. 

Les spectateurs se sont ensuite approchés du cénotaphe et ont déposé délicatement leur coquelicot sur la tombe, la couvrant ainsi de rouge.

Robert Henry, vétéran de l’ARC avec trois décennies de service, a regardé son gendre, le maitre de 1re classe Jacob Russel, prendre la relève comme garde d’honneur au cénotaphe. Le jour du Souvenir occupe une place privilégiée dans son cœur, a-t-il expliqué, car il est issu d’une longue lignée de combattants, dont certains ne sont jamais rentrés au pays.

« Mon père a servi lors de la Seconde Guerre mondiale. J’ai des oncles qui ont servi lors de la Grande Guerre. Certains de mes oncles sont morts à l’étranger […]. Tout cela revêt beaucoup d’importance à mes yeux, car je suis moi-même militaire, conclut M. Henry. Je suis allé à Vimy. J’étais à Mons, en Belgique, à l’occasion du 100e anniversaire de l’Armistice […]. Le jour du Souvenir est un jour très important pour tout le monde. » 

Parmi les dignitaires, à la cérémonie du jour du Souvenir, se trouvaient la Mère de la Croix d’argent, Josée Simard, la gouverneure-générale, Mary Simon et le premier ministre, Justin Trudeau
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