Mark Zuehlke dit que OUI
Le 7 juin 1944, la 3e Division d’infanterie canadienne qui avait débarqué à la Juno Beach se battit avec des unités de panzers.
Kurt Meyer, Standartenführer (chef d’étendard, équivalent de colonel) du 25e Régiment de la 12e Division de panzers SS des Hitlerjügend (jeunesses hitlériennes), avait établi son quartier général à l’abbaye d’Ardennes située à trois kilomètres à l’ouest de Caen, en France, pour diriger les contrattaques des Allemands.
Pendant la bataille de 5 jours qui s’ensuivit, plusieurs bataillons canadiens furent submergés et quelque 156 prisonniers furent assassinés par des soldats de la 12e SS. Dix-huit furent tués à l’abbaye le soir du 7 juin ou le lendemain.
Au bout d’une enquête d’un an, en décembre 1945, cinq chefs d’accusation furent déposés contre Meyer devant la Commission canadienne des crimes de guerre. Premièrement, il aurait incité ses soldats à massacrer les soldats alliés qui se rendaient; deuxièmement, il aurait été responsable des jeunes hitlériens qui avaient tué 23 prisonniers à Buron et à Authie; troisièmement, il aurait ordonné le meurtre de sept prisonniers à l’abbaye vers le 8 juin; quatrièmement, il aurait été responsable de ces meurtres; cinquièmement, pendant cette journée-là, il aurait été responsable de 11 autres meurtres commis par ses soldats.
Il fut reconnu coupable des premier, quatrième et cinquième chefs d’accusation. Selon la condamnation prononcée par le major-général Harry Foster, président du tribunal, il aurait dû être passé par les armes.
Cependant, avant que la sentence ne soit exécutée, le major-général Christopher Vokes, commandant de la Force d’occupation de l’Armée canadienne, devait examiner la procédure pour confirmer ou infirmer la sentence. Le 31 décembre, Vokes confirma les conclusions et la condamnation à mort, disant qu’il ne pouvait « trouver moyen de réduire la punition administrée par la cour ».
La peine de mort était injustifiable.
Un avocat allemand engagé par l’épouse de Meyer adressa alors une demande à Vokes où il interjetait appel de la sentence de mort. Cela coïncidait avec le conseil d’officiers de l’état-major canadien de Londres selon lequel la loi exigeait un deuxième examen.
Vokes prit l’avion pour Londres où il rencontra Vincent Massey, haut-commissaire du Canada, un conseiller juridique d’Affaires étrangères et plusieurs officiers supérieurs de l’état-major.
Selon le procès-verbal, le groupe conclut à l’unanimité « que la peine de mort ne se justifierait que dans le cas où il serait prouvé que l’infraction découlait soit d’un acte direct du commandant, soit d’un acte d’omission alors qu’il savait qu’un crime de guerre serait commis s’il n’agissait pas. »
Bien que Vokes confirmât que le verdict final relevait de sa seule responsabilité, « le cas à l’étude justifiait de commuer la peine de mort en réclusion perpétuelle et […] que ce serait la position qu’il adopterait. »
Massey écrivit que, s’il était à la place de Vokes, il « commuerait la sentence ».
Étant donné le manque de preuves que Meyer avait ordonné les meurtres, la peine de mort était injustifiable. La prison à vie au pénitencier Dorchester au Nouveau-Brunswick aurait été un châtiment suffisant, d’autant plus que, aux dires de son fils, Meyer trouvait dégradant de côtoyer « des criminels, des assassins et des pervers ».
Son transfert à une prison d’Allemagne de l’Ouest en 1951, puis sa libération le 7 septembre 1954 sont regrettables. Toutefois, Vokes ne prit aucune part à ces décisions.
J.L. Granatstein dit que NON
Les soldats qui tuent des prisonniers au champ de bataille agissent ainsi parce qu’ils sont furieux qu’un ami ait été tué ou parce qu’ils ne pensent pas pouvoir escorter un prisonnier vers l’arrière. De tels actes surviennent dans toute guerre. Il est certain que des soldats canadiens ont tué des Allemands qui se rendaient.
Mais il y a une différence entre des actes de violence isolés au champ de bataille et la froide exécution calculée d’un grand nombre de prisonniers. Les premiers sont regrettables, mais justifiables, et peuvent mener à des poursuites judiciaires. Le deuxième est incontestablement un crime de guerre.
Le Standartenführer Kurt Meyer commandait le 25e Régiment de panzers de la 12e SS Hitlerjügend lors des combats tout près des plages du jour J (il prit le commandement de la division le 14 juin). Le 7 juin, un grand nombre de Canadiens du North Nova Scotia Highlanders et du 27e Régiment blindé furent faits prisonniers à Authie et à Buron, et au moins 23 d’entre eux furent assassinés.
Cette nuit-là et la suivante, les prisonniers canadiens furent amenés au quartier général de Meyer, à l’abbaye d’Ardenne, où 18 autres furent exécutés, dont sept d’une balle derrière la tête. Ces meurtres furent commis à quelques mètres de l’endroit où se trouvait Meyer.
Plus de 150 Canadiens furent assassinés par les jeunes soldats SS et leurs sous-officiers, la plupart étant des vétérans endurcis du front de l’Est : 26, au poste de contrôle d’un bataillon de reconnaissance SS; sept, par un bataillon de sapeurs SS; 33, en masse alors qu’ils étaient escortés vers les arrières par des SS Panzergrenadiers; et d’autres.
Le 5 aout, le général H.D.G. Crerar, commandant de la Première Armée canadienne, avertit ses soldats que se rendre aux SS, c’était la mort. Tout à son honneur, Crerar ordonna aussi à ses hommes de ne pas tuer de prisonniers allemands par vengeance.
En fin de compte, Meyer était responsables de leurs actes.
Meyer fut capturé puis jugé par un tribunal militaire canadien en décembre 1945. Il prétendit qu’il n’avait pas ordonné les meurtres, et qu’il n’était pas au courant des exécutions. Au bout de deux semaines et demie de délibérations, le tribunal le condamna à mort.
L’officier de réexamen, le major-général Chris Vokes, remarqua que Meyer n’était qu’indirectement responsable des assassinats et prononça une peine d’emprisonnement à vie. En outre, au moins deux membres du tribunal savaient que des Canadiens aussi avaient tué des prisonniers.
Vokes eut tort de commuer la condamnation à mort de Meyer. Ce dernier avait formé ses hommes et en fin de compte, il était responsable de leurs actes. Il n’est pas crédible de dire qu’il n’avait pas ordonné les exécutions commises si près de son quartier général. Il avait, au moins, fermé les yeux.
La plupart des meurtres qui suivirent furent commis par des soldats dirigés par ses subalternes, et Meyer doit en assumer une certaine responsabilité. Un commandant digne de son grade aurait enseigné à ses subordonnés la bonne manière d’agir. C’est d’ailleurs ce que fit Crerar le 5 aout, mais Meyer ne le fit jamais.
Kurt Meyer aurait dû faire face à un peloton d’exécution. Ses crimes de guerre ne méritaient rien de moins.
MARK ZUEHLKE est historien militaire et auteur des 13 tomes de la série Canadian Battle ainsi que du Canadian Military Atlas. Il a reçu le prix d’histoire du Gouverneur général de 2014 pour les médias populaires : le prix Pierre-Berton.
J.L. GRANATSTEIN a écrit de nombreux livres, dont Who Killed Canadian Military History? et Canada’s Army: Waging War and Keeping the Peace. Il a été directeur et chef de la direction du Musée canadien de la guerre.
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