Le général Jean-Victor Allard fut l’un des soldats canadiens les plus influents, et pas seulement au champ de bataille. Toutefois, il n’a pas été sans susciter une certaine controverse au cours de ses 39 ans de carrière.
Né en 1913 à Sainte-Monique-de-Nicolet, au Québec, le général Allard intégra le Régiment de Trois-Rivières de la Milice active non permanente du Canada (celle des militaires à temps partiel volontaires) en 1930. Il fut nommé lieutenant en 1933 après avoir réussi le cours d’état-major de la Milice, donné en anglais. Quand son régiment, l’unité blindée, fut mobilisé au déclenchement de la guerre de 1939, il rentra dans la Force active du Canada, c’est-à-dire dans l’armée régulière.
Il savait que si l’armée ne fournissait pas de formation technique (nécessaire pour un régiment de chars d’assaut) en langue française, le recrutement au Québec serait naturellement difficile.
« Notre unité qui aurait dû parler français est peu à peu devenue quasiment anglophone », écrit-il par la suite. C’est quelque chose qu’il garda à l’esprit.
En aout 1943, il fut nommé commandant en second du Royal 22e Régiment qui combattait alors en Italie. Il passa enfin à l’action, et il s’y distingua. En janvier 1944, il prit le commandement du régiment pendant un an, après quoi il fut promu commandant de la 6e Brigade d’infanterie qui livrait bataille dans le nord-ouest de l’Europe.
Il fut l’un des seuls trois Canadiens français à obtenir le grade de brigadier en commandant sur le terrain pendant la guerre. L’Ordre du service distingué lui fut décerné trois fois, une rareté, pour son service extraordinaire et ses qualités exemplaires de meneur d’hommes.
Le général Allard resta dans l’armée et, en avril 1953, il prit le commandement de la 25e Brigade d’infanterie canadienne qui combattait alors en Corée. De 1961 à 1963, il commanda la 4e Division britannique qui était stationnée en Allemagne : c’était une première pour un Canadien, sa carrière prenait son essor.
En 1965, le général Allard fut nommé chef du Commandement de la Force mobile (l’armée). L’année suivante, il décrocha le poste de chef d’état-major de la Défense : il devint alors le premier Canadien français à assumer la fonction de commandant supérieur des Forces canadiennes.
Le général Allard trancha sur la délicate question de l’amalgamation des trois services en une structure militaire unifiée, et son poste lui permit aussi de faire augmenter l’usage du français dans les forces armées, ce qui conduisit à un meilleur recrutement et maintien en poste de francophones. En 1966, seuls 10 % des militaires étaient francophones, bien qu’ils constituaient 25 % de la population. Ce pourcentage était encore plus faible parmi les cadres supérieurs.
Le général Allard créa des unités de langue française dans toutes les branches des forces armées où les francophones pouvaient aspirer à servir et à progresser, notamment dans le 5e Groupement de combat basé à Valcartier, au Québec.
De nombreux postes d’employés d’officier supérieur ou de combat finirent par devenir bilingues impératifs et certains membres mécontents du personnel anglophone estimèrent que les promotions s’octroyaient en fonction du bilinguisme au lieu d’être basées sur le mérite. Le système n’était pas parfait et faire appliquer la politique de bilinguisme prit beaucoup de temps, mais la possibilité pour les francophones de servir dans leur propre langue est sans nul doute un leg durable du général Allard. Les forces armées, écrit-il, ont « acquis une identité bien canadienne ».
Le général Allard fut nommé Compagnon de l’Ordre du Canada « en reconnaissance de sa brillante carrière militaire ». Il mourut en 1996 à l’âge de 82 ans, à Trois-Rivières, au Québec.
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