La symétrie de Mons

Un poste de secours avancé du Canada (ci-dessous) à l’ancienne ligne allemande à l’est d’Arras, en septembre 1918. Le 42e bataillon défilant dans la Grand-Place de Mons, en Belgique (en regard), le matin du 11 novembre 1918.
MDN/BAC/PA-003248

LA REPRISE DE LA VILLE OÙ LA GRANDE-BRETAGNE
ET L’ALLEMAGNE S’AFFRONTÈRENT POUR LA PREMIÈRE FOIS

Le 4 aout 1914, l’armée allemande mit en œuvre son plan Schlieffen contre la France. Conformément au plan, les deuxième et troisième armées allemandes passèrent par la Belgique pour rejoindre la frontière française. Le 23 aout, elles entrèrent en contact avec le corps expéditionnaire britannique (CEB) à Mons, en Belgique. Le CEB avait débarqué en France six jours auparavant et s’était déplacé vers l’est, où il avait pris des positions le long du canal de Mons.

Il résista pendant une journée contre des forces ennemies beaucoup plus nombreuses mais fut contraint d’amorcer une retraite longue et difficile vers Paris. L’avancée allemande fut stoppée à la Marne, et le conflit devint une guerre de tranchées. Mons allait demeurer aux mains des Allemands jusqu’à la fin de la guerre.

Le Corps canadien fut chargé de libérer la ville les 10 et 11 novembre 1918. Les soldats du Corps savaient qu’ils avaient infligé d’importantes défaites à l’ennemi lors des grandes batailles qu’ils avaient menées depuis leur avancée du 8 aout à Amiens. Ils savaient que les Allemands étaient prêts à se rendre, mais rares étaient ceux qui faisaient confiance à un ennemi qui avait mené une guerre brutale, utilisé du gaz toxique, s’était livré à une guerre de sous-marins sans restriction et avait brutalisé les civils dans les territoires qu’il avait occupés. De plus, les ordres des états-majors étaient clairs : maintenir la pression jusqu’à ce que l’ennemi capitule.

Rien ne semblait indiquer une reddition imminente des Allemands. Ils s’étaient battus férocement à la ligne Drocourt-Quéant et au canal du Nord en septembre, et leurs mitrailleurs avaient souvent résisté jusqu’à leur dernier souffle en octobre et en novembre. L’ennemi était en pleine déroute à la première semaine de novembre, mais il essayait toujours de freiner les Canadiens.

Les cornemuses de la paixLe corps de cornemuses du 42e bataillon joue dans les rues de Mons, en Belgique, le 11 novembre, annonçant aux citoyens que la guerre était finie. Plus tard ce jour-là, le corps mena les soldats à leurs casernements, puis il prit part à un défilé.
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Le lieutenant-général Arthur Currie, commandant canadien, avait reçu l’ordre de prendre Mons, et il en chargea le Royal Canadian Regiment (RCR) et le 42e Bataillon (Royal Highlanders of Canada) de la 3e division le 9 novembre. La ville était entourée de canaux et les artilleurs allemands couvraient les endroits où l’on pouvait les traverser.

« La garnison ennemie, la nuit du 10 novembre, se composait uniquement de tireurs d’élite et de mitrailleurs postés aux étages des maisons et aux autres endroits où ils avaient vue sur les routes et les approches, écrivit le lieutenant-colonel C. Beresford Topp du 42e Bataillon. L’avancée a commencé en plein jour et les Highlanders ont tout de suite été pris en cible, en particulier par les mitrailleuses, et il était évident qu’une tentative d’entrer dans la ville pendant le jour serait couteuse. Tout déplacement a été remis au soir, et Mons a finalement été prise par un peloton de la compagnie D qui a traversé la gare ferroviaire à pied et qui est entré dans la ville sans tirer un seul coup de feu. »

À 23 heures, le 10 novembre, des éléments du 42e et une compagnie du RCR qui avaient traversé le canal se trouvaient dans la ville. Deux compagnies du RCR s’y introduisirent plus tard.

« La ville était extrêmementcalme, écrivit Topp. Rien ne bougeait, rien n’indiquait la présence de civils, et aucun coup de feu n’a été tiré. On n’entendait que le crépitement provenant des quelques bâtiments incendiés par des explosions d’obus. »

À 7 heures, le 11 novembre, le corps de cornemuses du 42e défila à travers la ville pour réveiller les 60 000 citoyens qui descendirent vite dans la rue en brandissant des drapeaux pour acclamer leurs libérateurs. « De grandes célébrations, écrivit le soldat Harold Davey dans son journal. Tout le monde se réjouissait. Flânait […]. »

L’état-major du Corps canadien avait appris à 6 h 30 que les Allemands avaient accepté les conditions des Alliés et que l’armistice devait entrer en vigueur à 11 h. Certaines unités ne furent mises au courant du cessez-le-feu qu’après 9 h, alors que les civils et les soldats faisaient déjà la fête. Le dernier Canadien tué, le soldat George Lawrence Price, mourut d’une balle tirée par un tireur d’élite quelques instants à peine avant 11 h.

Currie avait compris qu’il y avait une importante symétrie dans la libération de Mons. Quatre ans et trois mois après que le CEB avait été forcé de battre en retraite, les Canadiens, soldats de la colonie – des hommes dont les efforts avaient forgé une nation – libérèrent la ville belge. La Grande Guerre avait changé le monde et avait aidé le Canada à se réinventer.

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