Selon le site Web du gouvernement du Canada, le conflit en Syrie est « la pire crise humanitaire que connaisse actuellement le monde ». On y cite des chiffres de l’ONU : 13,5 millions de personnes en Syrie ont besoin d’une aide urgente, plus de 250 000 morts, des centaines de milliers de blessés, quelque cinq millions de réfugiés.
C’est une catastrophe qui empire de jour en jour. Les efforts déployés pour l’endiguer reviennent à essayer de faire rentrer un génie dans sa lampe.
« À ce jour, en réponse à la crise qui sévit en Syrie, le Canada s’est engagé à verser près de 1 milliard de dollars au titre de l’assistance humanitaire et de l’aide au dé-veloppement et à la sécurité, » dit Affaires mondiales Canada.
Le problème, c’est que le Canada – tout comme la communauté internationale – agit trop peu et trop tard pour avoir un impact réel en Syrie et dans la région. Le génie est sorti de sa lampe et personne ne sait quels ravages il causera encore.
Sans aucun doute, le Canada devrait répondre à la crise des réfugiés et prendre part aux efforts humanitaires, mais de telles mesures seraient inutiles si le Canada et ses alliés avaient agi résolument dès le début pour mettre fin aux excès du président Bachar al-Assad, à l’essor de l’ÉI et à l’engagement de la Russie.
Le Canada devrait être présent,
partout où les combats le mèneront,
car l’ÉI est notre ennemi à tous.
Cela dit, il est encore possible d’enrayer la vague de misère et de destruction. Le Canada devrait être présent, partout où les combats le mèneront, pour affaiblir l’ÉI, car ce dernier est notre ennemi à tous.
Le conflit en Syrie, découlant des protestations de 2011 contre le gouvernement, n’est plus une guerre civile. C’est maintenant une insurrection comprenant un embrouillamini de combattants dont les motifs et les buts comprennent des intérêts ethniques, religieux et politiques qui risquent de plonger toute la région, déjà fort instable, dans le chaos.
Les principaux combattants ont pratiquement tous le même ennemi : l’État islamique dont l’objectif déclaré est de contrôler le monde, ni plus, ni moins. Il n’y a pas moyen de négocier avec de tels fanatiques, rejetons d’al-Qaïda.
Leurs méthodes – décapitations filmées, esclavage et immolation de captifs, sont encore plus cruelles et barbares que celles d’al-Qaïda.
Si l’on se débarrassait des extrémistes, il y aurait sûrement moyen de trouver une voie vers la paix, si difficile soit-elle. Le président de la Russie, Vladimir Poutine, profitant de l’apathie des alliés occidentaux et prétendant apporter une solution, s’est précipité pour combler le vide. Ses bombardements aveugles ont tué ou blessé des milliers de civils innocents tout en minant délibérément les objectifs de l’Ouest.
Pour être partie prenante à la solution, le Canada doit contribuer davantage à la lutte. Nous assumons actuellement les conséquences du manque d’engagement décisif de la part de la communauté internationale. Mais si le Canada est effectivement un leader et un exemple, comme le croient les Canadiens, il ne peut pas tourner le dos à une tragédie que l’on aurait pu prévenir.
Une action militaire déterminée sauvera la vie à des innocents, préservera les sites anciens et les antiquités, découragera l’opportunisme de Poutine et servira à stabiliser une situation qui s’envenime.
L’armée canadienne est loin d’être la plus nombreuse ou la mieux équipée. Cependant, il n’y a pas de meilleurs soldats que les siens, et elle accomplit souvent bien plus que sa taille le laisserait présumer.
Le Canada a déjà mis la main à la pâte dans la région. Bien qu’il ait mis fin à ses bombardement en Iraq et en Syrie, ses forces d’opérations spéciales sont en train de former et de conseiller les troupes iraquiennes dans des opérations militaires contre l’ÉI, et elles se battent à leurs côtés.
Il peut, et doit, faire davantage.
Le Canada devrait retirer son armée du théâtre de Syrie/Iraq et arrêter de déployer ses soldats en nombre dérisoire dans certains points chauds choisis autour du monde. Vu qu’il n’y a pratique-ment aucun danger près de nos frontières, nous envoyons des soldats se battre à l’étranger depuis la guerre d’Afrique du Sud de 1899 pour assumer les responsabilités liées à nos alliances. Cependant, nous devrions veiller à ce que nos engagements militaires soient assez conséquents pour faire une différence concrète. Nous n’accom-plissons ni l’un, ni l’autre, lorsque nous dispersons trop notre petite armée de terre régulière d’un peu moins de 22 000 hommes et femmes de-ci de-là pour des objectifs symboliques.
Depuis son élection en octobre 2015, le gouvernement libéral a mis fin à la participation du Canada aux attaques aériennes contre l’ÉI, mais il a déployé à peu près 600 soldats pour « former » les forces kurdes qui se battent contre l’ÉI. En outre, le gouvernement a annoncé que 400 soldats seront déployés en Lettonie et on s’attend à ce que 600 autres soient envoyés en Afrique. Cela fait déjà environ 1 500 soldats en tout, ce qui est dangereusement près des quelque 2 500 qui constituent la ligne de combat de notre armée de terre.
Pendant la guerre froide, la plus grande partie de l’armée de terre déployée était constituée du 4e Groupe-brigade mécanisé du Canada, déployé en Allemagne. Les trois autres brigades du Canada n’étaient pas conçues pour être « mobilisées » et envoyées
à l’étranger.
Pourquoi ce nouveau gouvernement
administre-t-il les soldats à la petite cuillère?
Les coupures budgétaires importantes du début des années 1990 ont éliminé la 4e Brigade et retiré environ 5 000 soldats à l’armée de terre. Lorsque le Canada déployait des soldats en mission de maintien de la paix, les groupements tactiques envoyés étaient essentiellement des bataillons formés de sapeurs de combat, de spécialistes des communications et d’autres soldats de métier auxiliaires. L’armée de terre était à la limite de ses capacités à cause de tous ces déploiements.
Lorsque des terroristes ont attaqué les États-Unis le 11 septembre 2001, le gouvernement libéral du premier ministre Jean Chrétien et le ministre de la Défense nationale, Art Eggleton, s’en sont tenus à l’idée de ne pas envoyer de petits groupes de soldats canadiens se battre contre al-Qaïda et les talibans. C’est pour cela qu’ils ont refusé de se joindre à la mission menée par les Britanniques qui visait à assurer le service de police à Kaboul, capitale afghane, après que les talibans en avaient été chassés cet automne-là. Les Britanniques voulaient quelques centaines de spécialistes, mais Ottawa a refusé. Si le Canada devait prendre part au combat de l’OTAN, il enverrait une grande formation, sinon, rien du tout. Les Canadiens voulaient y prendre part alors le gouvernement a envoyé au Kandahar le 3e Groupement tactique du PPCLI. Les déploiements suivants à Kaboul, en 2003 et au Kandahar, en 2005, ont tous été des groupements tactiques.
Alors pourquoi ce nouveau gouvernement administre-t-il les soldats à la petite cuillère? Le monde est dangereux ces jours-ci à cause des conflits tragiques et sanglants en Afrique et des guerres sans merci qui risquent d’exploser ailleurs. Ne devrions-nous pas plutôt préparer une contribution importante à l’OTAN plutôt que d’essayer de sauver le monde à l’aide de soldats dont le nombre ne remplirait pas plus que le stade de hockey d’une petite ville? Si nous voulons sauver des peuples opprimés ou nous tenir avec nos alliés de manière qui vaille la peine, augmentons le budget de la défense et accroissons notre armée, surtout l’armée de terre; sinon, ne nous leurrons pas sur nos réelles capacités.
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