Le Corps canadien, dans ses préparations à l’attaque de la crête de Vimy, était appuyé par la I Brigade du Royal Flying Corps. Les avions de quatre escadrilles du Corps aidaient à dresser les cartes des défenses allemandes et à localiser les batteries de l’ennemi. Le 9 avril 1917, 180 des 212 batteries avaient été localisées précisément et leurs coor-données, indiquées sur les cartes. La I Brigade avait aussi quatre escadrilles de chasseurs pour défendre les avions du Corps et décourager la reconnaissance de l’ennemi au front. C’était une tâche sombre, car l’aviation allemande comprenait des chasseurs Albatross supérieurs armés de mitrailleuses qui étaient supérieurs à la plupart de leurs homologues du RFC. Les escadrilles du Corps se composaient d’avions de reconnaissance biplaces BE-2; même les modèles les plus nouveaux frisaient l’obsolescence.
L’escadrille No 16 avait reçu l’ordre d’appuyer directement le Corps canadien. L’unité prit part à la reconnaissance préliminaire des systèmes de tranchées de l’ennemi et dirigea le feu de l’artillerie, mais elle dût aussi se spécialiser en patrouilles de contact lorsque l’attaque commença. L’amère expérience avait montré que lorsque les troupes avaient quitté leurs tranchées pour passer à l’attaque, les commandants n’avaient guère de renseignements pour savoir jusqu’où elles s’étaient avancées. Les fils de téléphone étaient facilement coupés, les pigeons étaient trop lents et il n’existait pas de radio à laquelle on puisse se fier. Alors les avions alliés descendaient à travers la fumée et les obus pour surveiller le progrès de l’infanterie et faire état des positions ennemies. La communication entre l’infanterie et les équipes d’aviateurs s’effectuait au moyen de lampes de signalisation, de klaxons, de fusées éclairantes et de messages largués. Jusqu’au 7 avril, l’escadrille No 16 inscrivait à ses registres des « patrouilles d’exercices de contact » avec les brigades canadiennes qui duraient 90 minutes en moyenne.
Fait surprenant, rares furent les appareils de l’escadrille No 16 qui furent attaqués par les avions ennemis juste avant ou pendant l’action à Vimy, probablement parce que les éclaireurs du RFC tenaient
les chasseurs Albatross occupés.
À partir du printemps de 1917, une douzaine de ses pilotes et de ses observateurs étaient Canadiens, ainsi qu’au moins un mécanicien (Harry Towson de Vancouver). Le lieutenant Cecil George Durham, sur-nommé « Bull », était l’un des observateurs. Né en Angleterre, il habitait à Drumheller, en Alberta, lorsqu’éclata la guerre, et il s’enrôla dans le 19th Alberta Dragoons, puis fut transféré au Lord Strathcona’s Horse. Il fut blessé en 1916, reçut la Médaille militaire et fut muté au Royal Flying Corps. Ses collègues disaient de lui que c’était un « personnage » qui roulait ses cigarettes avec du tabac Bull Durham (d’où son surnom). Il lui arrivait souvent de réciter The Shooting of Dan McGrew. Il était observateur dans l’escadrille No 10, puis dans la No 16, et la Croix de guerre lui a été décernée par la France.
L’escadrille No 16 eut des pertes canadiennes même avant la bataille. Le lieutenant Duncan John McRae de Prescott (Ont.), un observateur, fut tué le 1er février 1917, quand son BE-2E fut abattu. Un pilote canadien, le lieutenant James William Boyd de Toronto, mourut de ses blessures le 5 février 1917. Le Lieutenant Geoffrey Joseph Brichta de North Battleford (Sask.), observateur lui aussi, fut tué le 6 mars 1917; son pilote et lui furent abattus par Manfred von Richthofen. Richard Hilton Lloyd de Wingham (Ont.) fut blessé le 28 mars 1917. Le 6 avril, faisant un vol de reconnaissance au-dessus d’un secteur saturé d’obus d’artillerie et de balles de mitrailleuses allemandes, un BE-2E abattu par le feu antiaérien emporta deux Canadiens : le sous-lieutenant Ubalde Hormisdas Séguin d’Ottawa et le lieutenant Osbert Richmond Knight, CM, qui bien que né en Grande-Bretagne, s’était enrôlé dans le CEC en 1914.
Fait surprenant, rares ont été les appa-reils de l’escadrille No 16 qui furent attaqués par les avions ennemis juste avant ou pendant l’action à Vimy, probablement parce que les éclaireurs du RFC tenaient les chasseurs Albatross occupés. Quoi qu’il en soit, le lieutenant Frederic Lawrence Baker de Vancouver et son observateur britannique furent attaqués par deux chasseurs allemands, le 2 avril, pendant qu’ils dirigeaient le feu d’une batterie de siège. Son réservoir avant fut percé et il dût rebrousser chemin sans terminer le « tir ».
Le sous-lieutenant Frederick Baguley de Toronto eut une expérience éprouvante le 7 avril alors qu’il essayait de voir les canons au sol.
Son pilote britannique rapporta : « pendant qu’on cherchait des bandes au sol, un Nieuport à cercles étranges est passé à côté d’un ballon et s’est approché à moins de 100 verges de nous. Nous l’avons évité en plongeant et lui avons fait signe de la main. En retournant, nous avons vu deux parachutes descendre du ballon et le ballon derrière Saint-Éloi s’est enflammé. Nous avons viré de bord et suivi l’appareil qui s’éloignait. Un chargeur-tambour de l’affut du pilote fut tiré de loin. L’appareil plongea à environ 1 500 pieds en traversant les lignes devant Roclincourt. Des obus antiaériens ont explosé près de lui. La dernière fois qu’on l’a vu, il s’éloignait vers l’est au sud de Bailleul. » Le « Nieuport » était de toute évidence un appareil ennemi que ni Baguley, ni son pilote n’avaient reconnu.
Les vols de reconnaissance se poursuivirent jusqu’au dernier moment. Le 9 avril, premier jour de l’attaque, le redoutable « Bull » Durham et son pilote britannique, le lieutenant C.M. Crow, furent envoyés examiner les barbelés de l’ennemi. Leur rapport était encourageant : beaucoup de barbelés détruits et quelques tranchées anéanties.
Les opérations du 9 avril furent restreintes à cause des nuages bas, de la brume, de la neige et même de la grêle. Bien qu’il y eût des patrouilles de contact, elles ne furent pas aussi essentielles que prévu, car les transmetteurs du Corps canadien réussirent à maintenir le contact téléphonique et visuel entre le front et l’arrière durant l’assaut. Les pertes du RFC furent causées principalement par le feu terrestre. Le 13, la 4e Division canadienne trouva deux officiers britanniques de l’escadrille No 16 blessés dans un abri allemand. On leur avait tiré dessus le 9 pendant une patrouille de contact.
Les aviateurs de l’escadrille No 16 n’étaient pas les « chevaliers de l’air » tant aimés par les auteurs de Hollywood. C’étaient des pilotes et des observateurs dont la tâche était de faire des sorties banales jour après jour, dans des avions modestes, faisant de leur mieux pour les pauvres fantassins.
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