Les bandes molletières bleues

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MANIFESTE: Des soldats du Newfoundland Regiment et une estafette portant des bandes molletières bleues sur une carte postale de 1914.
The Rooms/A 49-7

Les bandes molletières servaient à soutenir les chevilles et empêchaient la gadoue, les débris et les insectes de s’introduire dans les bottes.

Le gouverneur de Terre-Neuve répondit à l’appel aux armes lancé par la Grande-Bretagne en 1914 par une promesse : le dominion lèverait un régiment et enrôlerait les 500 premiers soldats dans le mois. Toutefois, vu la situation de Terre-Neuve – 241 000 habitants seulement, économie déprimée et dernière unité militaire basée sur l’ile dissoute en 1870 – comment le comité de citoyens qui en était chargé pouvait-il recruter, former et équiper le Newfoundland Regiment?

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Les bandes étaient roulées quand on ne les portait pas.
The Rooms A 8-90

« Votre roi et votre pays ont besoin de vous! Répondrez-vous à l’appel de votre pays? » demandait-on dans une annonce publiée le 22 aout pour encourager les hommes de 19 à 35 ans à s’enrôler « pour la durée de la guerre, mais pour un an au maximum ». La solde était d’un dollar par jour, rations en sus. Le 2 septembre, 743 hommes avaient répondu à l’appel, les First Five Hundred (cinq-cents premiers, NDT) – qui étaient 537 en réalité – avaient été acceptés, et leur formation commençait.

La quête effrénée de moyens pour les équiper s’ensuivit. Vu l’insuffisance de tissu kaki pour les bandes molletières, des bandes bleues, utilisées par la Church Lads Brigade, furent utilisées. La raison de cette décision est encore débattue aujourd’hui, dit Kerri Button, conservatrice des First World War Projects de The Rooms, à St. John’s. Était-ce strictement l’insuffisance de tissu kaki, ou était-ce en l’honneur d’une brigade d’élite qui les avait portées à la guerre des Boers?

Et pourquoi des bandes molletières? On les doit à l’Empire britannique. Les tribus hima-layennes portaient des jambières appelées « patti », mot hindi qui veut dire « bandages ». Les bandes molletières furent adoptées progressivement au cours du XIXe siècle, parce que les soldats britanniques à cheval se trouvant dans des situations tendues en Inde s’étaient aperçus que le kaki (mot hindi voulant dire « terre ou poussière ») offrait un meilleur camouflage que leurs uniformes colorés et leurs bottes qui brillaient.

Come Along, Boys! Enlist Today. 1914-1918 poster
Les bandes molletières contribuent à l’élégance de l’uniforme sur les affiches de recrutement.
BAC/e010697370

Les bandes molletières servaient aussi de soutien pour les chevilles et empêchaient la gadoue, les débris et les insectes d’entrer dans les bottes. Elles tenaient les jambes au chaud même quand elles étaient mouillées, ce qui était utile dans les champs de bataille emboués, les tranchées détrempées et les cratères transformés en mares de la Première Guerre mondiale. Et elles avaient l’air mieux soignées que les bas de pantalon lâches.

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Les uniformes des sculptures du Monument commémoratif de guerre du Canada comprennent des bandes molletières.
LM

Les bandes molletières faisaient partie de l’uniforme britannique à la guerre des Boers, et la mode se propagea aux autres armées. Elles étaient meilleur marché que les bottes à tige haute ou que les guêtres, et leur faible cout était une bénédiction quand il s’agissait de chausser des millions de soldats. Même les Allemands qui portaient des bottes hautes se sont tournés vers les bandes molletières lorsque le cuir vintà manquer.

Pour les mettre, les soldats pliaient le bas des pantalons et enroulaient des bandes de neuf pieds de longueur à partir des chevilles, dans le sens des aiguilles d’une montre sur une jambe et dans le sens inverse sur l’autre, jusqu’à deux doigts en dessous des genoux. Elles étaient attachées au moyen de rubans d’un demi-mètre.

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Une bande dessinée d’Abian Walgren montre à quel point les bandes molletières agaçaient les soldats américains, qui n’avaient pas encore la technique, à la Première Guerre mondiale.
The Stars and Stripes, 1918

Bien que le régiment ait gardé son surnom de Blue Puttees, ou de Blues, durant toute la guerre, dit Button, les Britanniques distribuèrent des bandes molletières kaki aux Terre-Neuviens peu après leur arrivée en Angleterre, en octobre.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les 48th Highlanders of Canada portaient des bandes molletières bleues lorsqu’il n’y avait pas de chevillières, ce qui leur a valu le sobriquet de « Glamour Boys ». Le roi George VI admira les bandes molletières bleues lors d’une inspection et dit au régiment qu’il devrait les garder.

À partir de la Seconde Guerre mondiale, l’armée canadienne remplaça progressivement les bandes molletières par des chevillières en toile, puis par des bottes de combat hautes.

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