Éditorial : Juillet/Aout 2015

Les soldats ne sont pas des accessoires

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la Légion royale canadienne a été fondée par les soldats de retour au pays qui s’étaient rendu compte qu’ils ne recevaient pas l’aide gouvernementale que, selon eux, ils avaient méritée. Ils se sont regroupés pour représenter leurs intérêts parce qu’ils croyaient que personne d’autre ne le ferait.

Nous consacrons beaucoup de place à l’histoire militaire du Canada dans la Revue Légion, et le présent numéro ne fait pas exception. Il comprend des articles sur le rôle du Canada au théâtre du Pacifique à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, une série d’images commémorant le début de la bataille d’Angleterre et un regard sur le rôle de la Princess Patricia’s Canadian Light Infantry, à Ypres, en Belgique, en 1915.

Cependant, nous rapportons aussi les problèmes auxquels se sont heurtés les soldats quand ils sont rentrés chez eux après les combats. Au cours des quelques dernières années, nous avons suivi la lutte incessante des anciens combattants d’aujourd’hui pour obtenir les soins et l’assistance qu’ils méritent de par leur service. Cette lutte a atteint son paroxysme au cours de la dernière année; la qualifier de révolte n’est pas exagéré.

Il est clair que le gouvernement fédéral a également suivi cette colère qui va s’enflammant, et ces derniers mois, il s’est mis en action afin de désamorcer de nombreux points où l’énervement et la frustration des anciens combattants sont au plus fort. À l’approche des prochaines élections fédérales, l’ordre du jour est, de toute évidence, de réprimer la révolte des anciens combattants. Cela nous convient parfaitement, tant que les solutions sont réelles et permanentes, et tant qu’on reconnait vraiment que le service aux anciens combattants du Canada laisse à désirer.

Le ministre des Anciens combattants, Erin O’Toole, a dit à notre comité de rédaction en avril que ce qui le pousse à aider les anciens combattants, c’est qu’il « s’en veut » d’avoir quitté les Forces armées canadiennes au moment où elles allaient à leur première guerre depuis 50 ans. Comme facteur de motivation, nous pensons qu’un tel sentiment de culpabilité, c’est un bon début. Mais permettez-nous de douter qu’il conduise à des changements permanents. Le choix du moment et la faiblesse des efforts visant à résoudre les problèmes des anciens combattants, qui ont duré des années avant ces élections, n’inspirent guère la con-fiance. Un adage des soldats convient ici : « les politiciens ne visent que la réélection. »

Soyons francs, alors que les soldats endossent l’uniforme et qu’ils se battent pour le pays, les politiciens, eux, se déplacent n’importe où dans le monde pour une séance de photos, mais apparemment, les soldats leur sont moins utiles quand ils sont vieux. Les soldats à la retraite et ceux qui ont été blessés ne semblent pas être très dési-rables, politiquement parlant, à part aux cérémonies de commémoration. Nous sommes aux prises avec cette dynamique au Canada depuis presque 100 ans. Les soldats glorieux et le drame des combats servent au théâtre politique de façon admirable, mais les soldats brisés sont trop faciles à mépriser. Il est décevant que, même après presque un siècle, les anciens combattants de chaque nouvelle ère doivent livrer bataille à nouveau pour leurs droits et leurs compensations.

Notre rapport détaillé à la page 4 sur les problèmes actuels et les solutions potentielles à Anciens combattants Canada martèle ce point. Et notre entrevue avec le ministre O’Toole devrait servir à faire la lumière sur les défis auxquels fait face son ministère et sur les mesures qu’il dit avoir prises pour y remédier.

Les soldats sont plus que des accessoires. Ils s’engagent à combattre et éventuellement à mourir pour le pays. Ils prennent tous les risques pour défendre le Canada. En contrepartie de ce service, l’obligation du gouvernement de s’occuper d’eux est plus qu’une responsabilité, bien plus qu’une simple question de droit. C’est une obligation sacrée.

Tout gouvernement qui ne tient pas compte de cette obligation le fait à ses risques et périls. Les Canadiens ne tolèrent pas que l’on maltraite leurs anciens combattants.

 

Lisez  le reportage spécial « Un système fissuré »
Lisez l’entrevue intégrale avec le ministre des Anciens combattants, Erin O’Toole
Search
Connect
Listen to the Podcast

Comments are closed.