Sur l’honneur

Hommage aux disparus, aux blessés et à leur famille en ce jour du Souvenir à Ottawa

Des Canadiens déposent des coquelicots et des drapeaux sur la Tombe du Soldat inconnu. [PHOTO : METROPOLIS STUDIO]

Des Canadiens déposent des coquelicots et des drapeaux sur la Tombe du Soldat inconnu.
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À peine après 11 h, le 11 novembre, quatre avions rugissent au-dessus du Monument commémoratif de guerre du Canada, au centre-ville d’Ottawa, signal manifeste que la 11e heure du 11e jour du 11e mois est arrivée.

Malgré le froid et la neige, la foule se masse le long de la rue Elgin, se presse dans l’étroite rue Sparks et se perche sur tous les points d’observation possibles.

Autrefois sobre, la cérémonie en l’honneur de l’armistice qui a mis un terme à la Grande Guerre est devenue un peu plus prestigieuse au cours des 95 dernières années : elle comprend maintenant des fanfares, des chorales, le Mur virtuel d’honneur et de souvenir, et de nombreuses rangées d’anciens combattants, jeunes et vieux, ainsi que de vétérans de conflits dont le nombre est plus élevé que ce qu’on aurait bien voulu croire à la fin de la guerre qui devait mettre fin à toutes les guerres.

La mère de la Croix d’argent, Niki Psiharis, est escortée par le président de la Direction nationale, Gordon Moore. [PHOTO : METROPOLIS STUDIO]

La mère de la Croix d’argent, Niki Psiharis, est escortée par le président de la Direction nationale, Gordon Moore.
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Environ 35 000 Canadiens venus de toutes parts assistent à la cérémonie. Ils sont venus se souvenir et commémorer les plus de 116 000 Canadiens qui ont quitté leur foyer pour aller se battre pour leur patrie et ne sont jamais revenus.

La cérémonie est très vive, parfaitement réglée.

Les avions grondent dans le ciel au moment où le président national de la Légion, Gordon Moore, récite l’Acte du Souvenir en anglais. L’acte est ensuite lu en français par le grand président de la Légion, Larry Murray, terminant par la phrase habituelle : « Quand viendra l’heure du crépuscule et celle de l’aurore, nous nous souviendrons d’eux. » Et puis il est lu en inuktitut par Julia Kimmaliardjuk.

Le groupe vice-royal. [PHOTO : METROPOLIS STUDIO]

Le groupe vice-royal.
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« Nous sommes tellement reconnaissants aux hommes et aux femmes qui nous ont précédés », dit à la foule John Fletcher, brigadier-général, aumônier général des Forces armées canadiennes et aumônier honoraire de la Direction nationale de la Légion. « À ceux qui se sont sacrifiés pour la nation afin qu’elle puisse se faire un exemple de paix et de justice pour tous. »

L’aumônier honoraire de la Direction nationale, le rabbin Reuven Bulka, prononce la bénédiction par la suite.

Le groupe vice-royal dépose des couronnes pendant que chante le Chœur d’enfants d’Ottawa. Il s’agit du gouverneur général David Johnston; de la mère de la Croix d’argent, Niki Psiharis; du premier ministre, Stephen Harper; du chef d’état-major de la défense, Tom Lawson; du président du Sénat, Noël Kinsella; du ministre des Anciens Combattants, Julian Fantino; du président national de la Légion, Gordon Moore; et des gagnants des concours littéraires et d’affiches de la Légion, Owen Brown, Ginny Hsiang, Daniela Gallardo et Katelyn Hogan.

Des membres de la garde du drapeau de la Direction nationale. [PHOTO : METROPOLIS STUDIO]

Des membres de la garde du drapeau de la Direction nationale.
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Les cadets exceptionnels de l’année choisis par la Légion remettent les couronnes au groupe vice-royal : la première maitresse de 1re classe Lindsay Kehoe, l’adjudante-chef Srosh Hassan et l’adjudante de 2e classe Rachèle Paquet.

Psiharis dépose une couronne au nom des femmes qui ont perdu un enfant en service commandé. Son fils, le sergent Chris Karigiannis du 3e Bataillon du Princess Patricia’s Canadian Light Infantry (PPCLI), a été tué au combat, au Kandahar, en 2007.

La mère de la Croix d’argent se souvient du moment où elle a appris que son fils était mort. Il lui semblait que des flammes la brulaient de l’intérieur, dit-elle. Et elle les ressent encore; elle a simplement appris à les tolérer.

Le contingent de la GRC s’approche de la plateforme du salut. [PHOTO : METROPOLIS STUDIO]

Le contingent de la GRC s’approche de la plateforme du salut.
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Dans la foule se trouvent des anciens combattants et des militaires actuellement en service venus non seulement rendre hommage aux milliers d’hommes et de femmes qui les ont précédés, mais se souvenir de leurs amis et de leurs camarades morts en service commandé.

Les Canadiens ne sont pas venus remercier seulement les anciens combattants qui se trouvent dans la foule, même s’ils ne le savent pas. Le caporal Tyler Falt est la sentinelle de l’Armée cette année, en poste tout juste derrière la Tombe du Soldat inconnu. Comme Karigiannis, Falt a servi en Afghanistan en tant que membre du 3e Bataillon du PPCLI, et il y a été victime d’un EEI (engin explosif improvisé) aussi.

Malgré que sa colonne vertébrale ait été cassée, et malgré l’éclat d’une bombe qu’il a encore dans la tête, Falt est venu en ce 11 novembre froid se tenir comme du granite, sous le monument, durant toute la cérémonie, baissant la tête et se rappelant les amis perdus en Afghanistan. « J’avais de la difficulté à comprendre ce qui se passait pendant la cérémonie, dit-il, alors j’ai eu beaucoup de temps seul dans ma tête pour penser aux amis qui ne sont jamais rentrés. C’était une journée bien triste. »

Un enfant dépose un coquelicot sur la Tombe du Soldat inconnu. [PHOTO : METROPOLIS STUDIO]

Un enfant dépose un coquelicot sur la Tombe du Soldat inconnu.
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Falt, âgé de 29 ans, est couvert des cicatrices de son service : colonne vertébrale fracturée, coccyx brisé deux fois, vertèbre L5 pulvérisée, nerfs d’une jambe coupés, perte d’audition, et éclat de bombe dans la tête. Et il ne se plaint pas de la douleur qu’il a probablement éprouvée. « Je sais ce que ça signifie d’être choisi pour se tenir là, dit-il. Je veux bien ressentir un petit peu de douleur pour l’honneur de toute une vie quand on y représente l’Armée. »

Falt, qui est considéré comme handicapé pour toujours, lutte vigoureusement pour demeurer militaire. Il y a des gens qui voudraient qu’il soit déclaré inapte, mais il est douteux qu’ils trouvent quoi que ce soit à redire sur son sens du devoir, et aucun d’entre eux n’aurait certainement osé lui demander d’enlever son uniforme en ce jour du Souvenir.

La guerre en Afghanistan est peut-être finie pour les Forces armées canadiennes, mais elle n’est pas encore devenue un simple souvenir, loin de là. Le 11 novembre, pendant toute la journée, des militaires se rendent au Cimetière militaire national, à Ottawa, en l’honneur de leurs amis et de leurs camarades qui y gisent. Ce n’est pas du tout pour assister à une cérémonie seulement symbolique que ces centaines, voire ces milliers, de soldats sont venus, en autobus, se mettre en rang autour des tombes, parmi les tombes.

La foule attend patiemment que la cérémonie commence. [PHOTO : METROPOLIS STUDIO]

La foule attend patiemment que la cérémonie commence.
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Le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry aussi a réglé une cérémonie régimentaire au Beechwood, à l’intérieur de la salle principale de l’atrium qu’on appelle « l’endroit sacré ». Des dizaines de membres actuels ou anciens du régiment s’y sont retrouvés, aux côtés d’élèves de l’école secondaire Laval Liberty qui portent une chemise blasonnée du nom de Karigiannis ou de Dawe. Ce sont des jeunes de la vieille école secondaire de Chris Karigiannis qui font partie du programme de leadership inspiré par lui et par le sacrifice d’un autre membre de la PPCLI tué en Afghanistan, le capitaine Matthew Dawe.

Là, Kathleen Mills lit un texte qu’elle a composé quand son mari, le lieutenant-colonel Darryl Mills, était à l’étranger. « Sur l’honneur, nous irons à l’endroit où tu reposes et nous nous souviendrons de toi, dit-elle. Sur l’honneur, nous prendrons le flambeau de la liberté et le porterons pour toi. Sur l’honneur, tu ne seras pas un souvenir silencieux, nous parlerons de toi souvent afin que le monde sache ce que tu as fait. »

Pendant ce temps, à la clôture de la cérémonie du Monument commémoratif de guerre du Canada, des Canadiens de tous les coins du pays se mêlent aux anciens combattants.

Des membres des Forces armées canadiennes honorent leurs amis et leurs camarades au Cimetière militaire national à Ottawa. [PHOTO : ADAM DAY]

Des membres des Forces armées canadiennes honorent leurs amis et leurs camarades au Cimetière militaire national à Ottawa.
PHOTO : ADAM DAY

Jim Newell, âgé de 90 ans, est un vétéran de la Seconde Guerre mondiale qui a servi à la campagne de Birmanie. « Je ne voudrais rien changer, malgré tout ce qui m’est arrivé, dit-il. Je n’aurais pas manqué cela pour tout l’or du monde, et j’ai connu de merveilleux jeunes hommes, dont certains qui ne sont pas revenus. »

Après avoir servi en Birmanie, Newell s’est joint au Black Watch et a servi en Europe du Nord-Ouest. « Je suis venu les saluer dans le silence, dit-il, rendre hommage aux copains qui ont été tués. »

Richard Mittermeier et son épouse Camille sont venus de Toronto avec leurs fils Richard et Jack parce qu’ils s’y sentaient obligés. « Il est important pour les enfants de voir la cérémonie d’Ottawa au moins une fois, dit Camille. Ces gens ont donné leur vie; ils font partie des rares modèles du devoir et de l’honneur qu’il reste, de la persévérance et de l’abnégation qui nous définissent en tant que nation. »

Les gagnants des concours littéraires et d’affiches, Ginny Hsiang, Daniela Gallardo, Katelyn Hogan et Owen Brown, et le cadet de l’aviation de l’année, l’adjudante de 2e classe Rachèle Paquet. [PHOTO : METROPOLIS STUDIO]

Les gagnants des concours littéraires et d’affiches, Ginny Hsiang, Daniela Gallardo, Katelyn Hogan et Owen Brown, et le cadet de l’aviation de l’année, l’adjudante de 2e classe Rachèle Paquet.
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Son fils Jack ajoute : « Je pense qu’on devrait se souvenir de ces soldats parce qu’ils ont protégé notre pays, et ils méritent qu’on les remercie. »

Au cimetière militaire national, la cérémonie est terminée; les soldats remontent dans les autobus, et la foule se disperse.

Il ne reste que quelques personnes endeuillées parmi les tombes que couvre la neige.

– d’après les dossiers de la rédactrice attitrée Sharon Adams

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