12 Évènements militaires qui ont formé le Canada

. [ ]

.

Tout le monde aime les listes. Tout le monde fait des listes. Elles sont toujours sélectionnées par la personne, incomplètes et éminemment discutables, mais elles peuvent servir à se concentrer sur des points importants qui risqueraient de passer inaperçus.Cette liste de 12 évènements et enjeux militaires ne se concentre pas sur des batailles importantes, même s’il y en a quelques-unes. Elle ne concerne pas les grands leadeurs, bien que quelques-uns y figurent. Il s’agit plutôt du choix d’une douzaine d’occurrences clés qui ont eu des conséquences militaires à long terme et qui ont façonné le Canada et l’armée canadienne au cours des années qui ont succédé à la Confédération.

Je sais bien que certains lecteurs ne seront pas d’accord avec quelques-uns de mes choix, et que d’autres s’opposeront farouchement à ce que tel ou tel évènement ait été omis. Qu’en est-il de la bataille de la crête de Vimy? diront-ils. Comment pourrait-on passer Ortona sous silence? Et pourquoi la liste penche-t-elle tellement vers l’armée? Toutes ces questions sont bonnes, et certaines trouveront réponse ci-dessous.

Le chef métis Louis Riel témoigne à son procès pour trahison, en 1885, à Regina. [PHOTO : O.B. BUELL, BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA — C001879]

Le chef métis Louis Riel témoigne à son procès pour trahison, en 1885, à Regina.
PHOTO : O.B. BUELL, BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA — C001879

1. La Rébellion du Nord-Ouest, 1885

L’expansion du Canada dans les Prairies a été moins brutale que celle qui a eu lieu au sud, mais les Métis et les Premières nations ont quand même eu des craintes légitimes pour leur survie à cause des chemins de fer et des implantations. Le chef métis Louis Riel avait mené une rébellion à la rivière Rouge en 1869-1870, et il revint au Canada en 1884-1885 pour en diriger une autre, cette fois-ci dans les territoires du Nord-Ouest (c.-à-d. en Saskatchewan). Les tireurs d’élite métis se terraient dans des trous de tirailleur, et, au début, ils ont plus que tenu bon contre le petit nombre de miliciens et de membres de la Police à cheval du Nord-Ouest. Seulement, Ottawa leva la force de campagne du Nord-Ouest, en confia le commandement au major-général Frederick Middleton, officier général commandant la milice canadienne, et l’envoya à l’ouest. Les soldats canadiens novices éprouvèrent des difficultés face aux hommes de Riel et aux indiens dans un certain nombre d’escarmouches, mais la supériorité numérique et la puissance de tir finit par l’emporter : à Batoche, en mai 1885, la rébellion fut effectivement étouffée. Bien que Riel fut certainement insensé, il fut jugé et pendu, comme le furent huit chefs autochtones; l’exécution de Riel éveilla la colère au Québec et créa une division politique tenace.

Les Canadian Mounted Rifles se préparent à aller en guerre en Afrique du Sud en 1900. [PHOTO : BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA — PA028895]

Les Canadian Mounted Rifles se préparent à aller en guerre en Afrique du Sud en 1900.
PHOTO : BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA — PA028895

2. La guerre d’Afrique du Sud

Le Canada anglais a été entrainé dans l’impérialisme britannique de la fin de l’ère victorienne, l’opinion publique obligeant littéralement le gouvernement libéral de sir Wilfrid Laurier à lever des troupes pour la première vraie mission militaire outre-mer. Les Afrikaners d’Afrique du Sud faisaient la guerre pour empêcher les intérêts commerciaux britanniques de s’emparer du Transvaal et de l’État libre d’Orange où l’on parlait l’afrikaans. Ce n’était pas une guerre du Canada, surtout pas d’après les Canadiens français, mais le Royal Canadian Regiment (RCR), formé à la va-vite de la petite force régulière canadienne et de recrues ralliées au pied-levé, se retrouva au combat dans le veldt. Le RCR se distingua à Paardeberg en février 1900 et il participa à la prise de Bloemfontein et de Pretoria. Mais lorsque la guerre se transforma en escarmouches de guérilléros, le RCR repartit et de nouveaux contingents de fantassins, d’artilleurs et de cavaliers vinrent du Canada. Le conflit se poursuivit jusqu’en 1902, les Canadiens y subissant à peu près 500 morts et blessés (sur les 7 368 qui y servirent). La guerre d’Afrique du Sud démontra que les Canadiens pouvaient faire bonne figure sur le terrain, mais elle prouva aussi à la population québécoise que même un premier ministre francophone ne pouvait pas résister aux réclamations des anglophones d’appuyer la Grande-Bretagne.

Un défilé anticonscription passe au centre-ville de Montréal en 1917. [PHOTO : BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA — C006859]

Un défilé anticonscription passe au centre-ville de Montréal en 1917.
PHOTO : BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA — C006859

3. La conscription en 1917

Le Canada français a démontré à maintes reprises qu’il ne soutenait pas « l’impérialisme » britannique, et pour bien des Québécois, la Grande Guerre de 1914-1918 était une guerre de la Grande-Bretagne, pas du Canada. Le Corps expéditionnaire canadien travaillait en anglais et l’enrôlement des francophones était peu élevé et lent; il l’était aussi, en 1917, dans les provinces anglophones. Les nombreuses pertes du Corps canadien ne pouvaient plus être remplacées au moyen de l’enrôlement volontaire, et le gouvernement conservateur de sir Robert Borden, sachant très bien les difficultés qu’il éprouverait, prit le taureau par les cornes et présenta un projet de loi sur la conscription, en mai, qui devint loi en aout. Le projet de loi divisa la nation, et il mena à la formation d’un gouvernement unioniste et à une élection remplie d’amertume que remporta Borden. La conscription, qui avait comme objectif la levée de 100 000 hommes en renforts, entra en vigueur au début de 1918. Au moment de l’armistice, quelque 24 000 conscrits avaient été dans les rangs du CEC dont ils avaient maintenu les effectifs au complet pendant les derniers mois de la guerre. Le Corps canadien aurait pu maintenir ses effectifs même si la guerre s’était poursuivie en 1919, ce à quoi on s’attendait. Cependant, le service obligatoire avait renforcé l’antimilitarisme du Canada français.

Un peloton canadien entre à Valenciennes au début de novembre 1918. [PHOTO : WILLIAM RIDER-RIDER, BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA — PA003377]

Un peloton canadien entre à Valenciennes au début de novembre 1918.
PHOTO : WILLIAM RIDER-RIDER, BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA — PA003377

4. Les 100 jours

La victoire du Corps canadien à la crête de Vimy, en avril 1917, capte encore l’attention des Canadiens. Le succès de l’attaque ordonnée à Vimy, à Pâques, donna au Corps son élan et sa fierté nationaliste, mais elle n’affecta pas beaucoup la conduite de la guerre. Ce qui mena les alliés à la victoire, ce fut les 100 jours. En mars 1918, les Allemands lancèrent la première d’une série de grandes attaques au front de l’ouest. Les alliés chancelèrent, mais ils finirent par tenir, et le 8 aout, les Britanniques, les Français et les Américains étaient prêts à l’attaque. L’attaque de sir Douglas Haig à Amiens, le 8 aout, corps canadien et australien en tête, fut le « jour noir » de l’armée allemande. Les Canadiens de sir Arthur Currie ne cessèrent de progresser vers l’est pendant une longue succession de batailles, fracassant la ligne ennemie fortifiée de Drocourt-Quéant, traversant le canal du Nord, prenant Valenciennes, et finissant la guerre, le 11 novembre, à Mons, en Belgique, où les Britanniques s’étaient mesurés aux Allemands pour la première fois depuis le début de cette guerre, en 1914. Malgré les 45 000 victimes subies depuis aout, le Corps avait gagné un immense territoire, battu les divisions ennemies en grand nombre, établi sa réputation en tant que corps d’élite, et joué le rôle le plus grand et le plus décisif au combat de toutes les troupes canadiennes.

Le premier ministre Mackenzie King vote lors du plébiscite de 1942 sur la conscription. [PHOTO : BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA — C022001]

Le premier ministre Mackenzie King vote lors du plébiscite de 1942 sur la conscription.
PHOTO : BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA — C022001

5. Le plébiscite sur la conscription de 1942

La crise de la conscription de la Grande Guerre a divisé âprement les Canadiens français et anglais. À ce moment-là, pendant la Seconde Guerre mondiale et alors que l’Allemagne et le Japon gagnaient au début de 1942, beaucoup de gens au Canada exi-geaient la mise en vigueur du service outre-mer obligatoire, bien qu’avant la guerre, les libéraux et les conservateurs eussent promis au pays qu’il n’y aurait pas de conscription. L’armée n’avait pas encore été engagée, excepté au désastre de Hong Kong, en 1941, mais cela ne faisait rien aux yeux des partisans de la conscription. Plutôt que de se soumettre, le premier ministre Mackenzie King organisa un plébiscite (non contraignant), mais la campagne pour la conscription au Québec, le seul endroit où le vote importait vraiment, fut inconséquente. Le résultat était prévisible : les Canadiens anglais étaient fortement en faveur de la conscription et les francophones s’y opposaient en grand nombre. Le gouvernement libéral vacilla, mais le rusé King s’en sortit grâce à sa célèbre expression, « pas nécessairement la conscription, mais la conscription si nécessaire ». Ce n’est qu’à la fin de 1944 qu’on la jugea nécessaire, et même alors on n’envoya que 16 000 conscrits outre-mer.

En Italie, un soldat canadien se sert de jumelles pour balayer le champ de bataille alors que d’autres attendent derrière une partie de mur, en décembre 1943. [PHOTO : FREDERICK G. WHITCOMBE, BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA — PA136332]

En Italie, un soldat canadien se sert de jumelles pour balayer le champ de bataille alors que d’autres attendent derrière une partie de mur, en décembre 1943.
PHOTO : FREDERICK G. WHITCOMBE, BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA — PA136332

6. La Première Armée canadienne

La Première Armée canadienne, créée en avril 1942 et commandée par le général Andrew G.L. McNaughton, fut la plus grande formation de campagne canadienne de tous les temps. Cette armée, comprenant les 1er et 2e corps canadiens, formée de trois divisions de fantassins et de deux divisions de blindés ainsi que de deux brigades blindées supplémentaires, était une force puissante. Toutefois, les troupes n’ont pas combattu ensemble avant la fin de la guerre, la 1re Division d’infanterie et la 1re Brigade blindée, et par la suite la 5e Division blindée et l’état-major du 1er Corps, étant déployés à la campagne d’Italie et à une succession de batailles couteuses et épuisantes à Ortona et aux lignes Hitler et Gothic. Le 2e Corps canadien s’est battu en Normandie et sur les berges de l’Escaut, subissant de lourdes pertes alors qu’il poussait en direction de l’est au long flanc gauche de l’avancée alliée. Les deux corps furent réunis aux Pays-Bas en avril 1945 et, commandés par le général Harry Crerar, la Première Armée canadienne contribua considérablement à la rupture de la résistance des nazis. La formation canadienne, que certains appelaient « la meilleure petite armée de tous les temps », a surmonté les problèmes et les difficultés liés aux renforts qu’elle avait avec Ottawa et avec le feld-maréchal Montgomery pour mériter sa grande réputation.

Les joyeux citoyens hollandais tendent la main à un soldat canadien en célébration de la libération, en mai 1945. [PHOTO :  ALEXANDER STIRTON, BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA — PA134376]

Les joyeux citoyens hollandais tendent la main à un soldat canadien en célébration de la libération, en mai 1945.
PHOTO : ALEXANDER STIRTON, BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA — PA134376

7. La libération des Pays-Bas

C’est tout un honneur que de libérer un pays de la tyrannie, et le Canada peut se targuer à juste titre d’avoir libéré les Pays-Bas en 1945. Les soldats canadiens, aux côtés des forces britanniques et américaines, entrèrent dans le territoire hollandais en automne 1944, mais les grandes villes d’Amsterdam, de Rotterdam et de La Haye, et les centres plus petits comme Groningue et Apeldoorn, étaient toujours sous le joug des nazis. Les Hollandais, brutalisés par la Gestapo, furent affamés délibérément pendant le terrible « hiver de la faim » de 1944-1945 alors que les alliés se battaient avec les féroces légions d’Hitler en Rhénanie. Mais au début d’avril, la Première Armée canadienne se tourna vers le nord et prit Arnhem, Apeldoorn et Groningue au cours de combats qui étaient souvent très durs. Le 28 avril, les Allemands, ayant peur que leurs leadeurs soient exécutés en tant que criminels de guerre, permirent à des convois de nourriture de traverser les lignes et à des bombardiers de parachuter des approvisionnements pour les Hollandais. Le 5 mai, après le suicide d’Hitler dans son bunker berlinois, la Wehrmacht se rendit au lieutenant-général Charles Foulkes, commandant du 1er Corps canadien. Pour les Hollandais, le spectacle des colonnes canadiennes s’avançant le long de leurs routes et d’avions de l’Aviation royale canadienne (ARC) les survolant était un cadeau du ciel. Enfin la nourriture, la liberté et la paix.

À la suite d’une patrouille nocturne en Corée, le soldat Heath Matthews du 1er Bataillon du Royal Canadian Regiment attend pour se faire soigner à côté d’un poste de secours régimentaire, en juin 1952. La guerre de Corée, autorisée par Moscou avec l’accord de la Chine communiste, mena au réarmement de l’Ouest. [PHOTO : PAUL TOMELIN, BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA — PA128850]

À la suite d’une patrouille nocturne en Corée, le soldat Heath Matthews du 1er Bataillon du Royal Canadian Regiment attend pour se faire soigner à côté d’un poste de secours régimentaire, en juin 1952. La guerre de Corée, autorisée par Moscou avec l’accord de la Chine communiste, mena au réarmement de l’Ouest.
PHOTO : PAUL TOMELIN, BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA — PA128850

8. La guerre froide

Elle a commencé par la défection d’un chiffreur de l’ambassade soviétique à Ottawa, en septembre 1945, et s’est terminée par la chute du mur de Berlin et de l’Union soviétique. Elle a duré plus de 45 ans et a mené le monde au bord de l’anéantissement nucléaire lors de la crise des missiles de Cuba en 1962 et de la tension causée par la descente d’un avion de ligne coréen par les Soviétiques en 1983. La guerre froide obligea le Canada à se rapprocher militairement et économiquement des États-Unis; à devenir membre de l’OTAN et à affecter des troupes et des chasseurs à réaction outre-mer en « temps de paix »; à consacrer les ressources de la Marine royale canadienne (MRC) à la lutte anti-sous-marine; à envoyer des soldats, des marins et des aviateurs à la guerre de Corée; et à créer une armée qui s’est élevée à 120 000 soldats réguliers et a couté jusqu’à sept pour cent du PIB, étonnamment, pendant les pires années de réarmement qu’ont été les années 1950. Le Canada et les autres démocraties occidentales ont gagné la guerre froide, et le monde aurait surement été bien différent si ce n’avait pas été le cas.

Lester B. Pearson montre son prix Nobel de la paix, en décembre 1956. [PHOTO : ASSOCIATED PRESS]

Lester B. Pearson montre son prix Nobel de la paix, en décembre 1956.
PHOTO : ASSOCIATED PRESS

9. Suez 1956

Le Canada avait apporté une petite contribution lors des opérations de maintien de la paix des Nations Unies avant la crise du canal de Suez de 1956, mais ce n’est qu’après, dans l’esprit du public, que le maintien de la paix devint une spécialité canadienne. La crise commença par un assaut surprise des Israéliens sur les forces égyptiennes dans le désert du Sinaï, et par l’intervention prévue de la Grande-Bretagne et de la France pour « protéger » le canal de Suez qui venait d’être nationalisé par Le Caire. Londres et Paris n’avaient pas compté sur l’indignation mondiale qui suivit leur tentative de renverser le président Nasser d’Égypte; non les moindres étant celle de Moscou, qui menaçait de déclen-cher une guerre nucléaire, et celle de Washington, alors en pleine élection qui fit fermer les robinets financiers. Même le Canada officiel fut horrifié, mais Lester B. Pearson, ministre des Affaires étrangères, essaya de sauver les métropoles de leur déraison. Sa suggestion d’une Force d’urgence des Nations Unies (FUNU) qui s’interposerait entre les combattants et qui permettrait aux envahisseurs anglais et français de quitter l’Égypte, fut vite acceptée à New York. Mais Pearson fut choqué que Le Caire vît le Canada comme étant trop britannique et désira empêcher sa participation à la FUNU. Il fallut des efforts extraordinaires pour obtenir une place pour les troupes de logistique canadiennes, mais l’enthousiasme du public pour le maintien de la paix s’épanouit quand Pearson obtint le prix Nobel de la paix pour ses efforts. Il l’est encore tout autant aujourd’hui.

Le nouveau drapeau canadien est hissé en 1965 à un établissement de la marine. Pendant la même décennie, il y a eu l’unification des forces, ce qui a mené à un uniforme commun et à une structure de grades commune. [PHOTO : MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE]

Le nouveau drapeau canadien est hissé en 1965 à un établissement de la marine. Pendant la même décennie, il y a eu l’unification des forces, ce qui a mené à un uniforme commun et à une structure de grades commune.
PHOTO : MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

10. L’unification des Forces canadiennes

Paul Hellyer devint ministre de la Défense en 1963, décidé à rationaliser l’armée canadienne qui, étant donné ses trois services, avait une structure lourde et pas de plan en commun. Le premier stade de l’intégration du ministre ambitieux fut la création d’un chef d’état-major dirigeant de nouveaux commandements fonctionnels qui ferait fi des lignes des services et réduirait la triplication. Il y eut de nombreuses difficultés, mais l’intégration représentait une étape dont on avait grandement besoin. Hellyer, encouragé, institua une mesure en novembre 1966 qui unifiait les services en remplaçant l’Armée, la MRC et l’ARC par les Forces canadiennes, lesquelles auraient les mêmes uniformes et une structure de grades commune. Ce fut tout un tollé, les hauts gradés démissionnant en grand nombre. Hellyer persista et son projet de loi fut adopté le 1er février 1968, mais l’espoir qu’il avait de devenir premier ministre s’évapora dans le tumulte. Nombre de changements de Hellyer furent acceptés peu à peu, mais les FC amorcèrent bientôt un progrès lent vers le statu quo ante.

Un vendeur de journaux dans les rues d’Ottawa en octobre 1970. [PHOTO : PETER BREGG, LA PRESSE CANADIENNE]

Un vendeur de journaux dans les rues d’Ottawa en octobre 1970.
PHOTO : PETER BREGG, LA PRESSE CANADIENNE

11. La crise d’octobre

Au cours des années 1960, les factions séparatistes au Québec prenaient part à des actes de terrorisme sporadiques contre les installations fédérales. En octobre 1970, toutefois, des cellules du Front de libération du Québec kidnappèrent James Cross, délégué commercial de Grande-Bretagne à Montréal, et Pierre Laporte, ministre québécois du Travail. Ottawa répondit en déployant des milliers de soldats dans les rues d’Ottawa et du Québec afin d’essayer de calmer la tension publique. Les troupes firent leur travail extrêmement bien, dans les patrouilles et les postes de contrôle, se servant de leur service de renseignements dans une atmosphère où la ferveur révolutionnaire allait en augmentant, mais le 16 octobre, selon l’accord entre Ottawa et Québec, le premier ministre Trudeau invoqua la Loi sur les mesures de guerre pour mettre fin à « une crainte d’insurrection ». L’arrestation de centaines de personnes s’ensuivit, ainsi que le meurtre de Laporte. Ce n’est qu’au début de décembre que Cross fut retrouvé et libéré, et les membres du FLQ qui l’avaient séquestré obtinrent un sauf-conduit inexplicable vers Cuba. Les meurtriers de Laporte furent jugés et incarcérés. Trudeau fut acclamé pour sa réponse dure; toutefois, au fil du temps, une grande partie du public conclut que sa réaction avait été excessive.

Des soldats en patrouille au Kandahar, en 2006. [PHOTO : ADAM DAY, REVUE LÉGION]

Des soldats en patrouille au Kandahar, en 2006.
PHOTO : ADAM DAY, REVUE LÉGION

12. Kandahar 2006

Après les attaques d’al-Qaïda, le 11 septembre, aux États-Unis, le Canada a déployé un groupe opérationnel naval, des forces spéciales et des fantassins en renfort des opérations américaines en Afghanistan contre le régime islamiste des talibans. Les Forces canadiennes ont eu un rôle majeur, à partir de 2003, dans la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) qui a sa base à l’OTAN, à Kaboul d’abord et au Kandahar, lieu de naissance des talibans, à partir du début de 2006. Les groupements tactiques cana-diens, ne s’attendant pas à des affrontements intensifs, se sont vus combattre dans une série d’engagements avec des forces d’insurgés dans la contrée autour de Kandahar, la première bataille étendue depuis la guerre de Corée. Les combats dans les opérations comme Méduse, pendant la deuxième moitié de 2006, ont entrainé le déploiement d’artillerie, de chars d’assaut et d’hélicoptères, et de ressources de la FIAS et de l’aviation états-unienne. La plupart des 158 morts des Forces canadiennes en Afghanistan ont eu lieu pendant les féroces combats entre 2006 et 2010, dont 37 d’entre eux, y compris un diplomate, en 2006. Bien que les groupements tactiques étaient en sous-effectif, ils ont vaincu l’ennemi lors d’importantes confrontations et ils ont tenu le Kandahar presque tout seuls jusqu’à ce que la FIAS et les É.-U. envoient d’autres troupes à la province, en 2009.

Tout le monde aime les listes. Tout le monde fait des listes. Elles sont toujours sélectionnées par la personne, incomplètes et éminemment discutables, mais elles peuvent servir à se concentrer sur des points importants qui risqueraient de passer inaperçus.

Cette liste de 12 évènements et enjeux militaires ne se concentre pas sur des batailles importantes, même s’il y en a quelques-unes. Elle ne concerne pas les grands leadeurs, bien que quelques-uns y figurent. Il s’agit plutôt du choix d’une douzaine d’occurrences clés qui ont eu des conséquences militaires à long terme et qui ont façonné le Canada et l’armée canadienne au cours des années qui ont succédé à la Confédération.

Je sais bien que certains lecteurs ne seront pas d’accord avec quelques-uns de mes choix, et que d’autres s’opposeront farouchement à ce que tel ou tel évènement ait été omis. Qu’en est-il de la bataille de la crête de Vimy? diront-ils. Comment pourrait-on passer Ortona sous silence? Et pourquoi la liste penche-t-elle tellement vers l’armée? Toutes ces questions sont bonnes, et certaines trouveront réponse ci-dessous.


Search
Connect
Listen to the Podcast

Leave a Reply