Le coquelicot prend racine

une vieille photo d’anciens combattants fabriquant des couronnes et des coquelicots à Montréal. [PHOTO : musée canadien de la guerre—19720228-001]

une vieille photo d’anciens combattants fabriquant des couronnes et des coquelicots à Montréal.
PHOTO : musée canadien de la guerre—19720228-001

Les explosions causées par l’artillerie et les mines pendant la Première Guerre mondiale ont tellement retourné la terre que le mélange de cultures et de végétation n’arrivaient à croitre. Une fleur sauvage fleurissait toutefois dans cette terre agitée : le coquelicot. Sa couleur rappelait aux soldats le sang versé à même le sol et elle inspira le Canadien John McCrae à écrire son poème fameux Au Champ d’honneur.

Le poème a inspiré, à son tour, la campagne du coquelicot de la Légion royale canadienne telle que nous la connaissons aujourd’hui. Chaque année, pendant les deux semaines qui précèdent le jour du Souvenir, quelque 19 millions de coquelicots sont distribués au Canada.

Le coquelicot pour revers est un morceau de plastique rouge modelé couvert d’un flocage (qui ressemble à du velours). L’épingle, dans le centre noir, sert à le fixer au vêtement. Le coquelicot conçu à l’origine était noir au centre, mais en 1980, cette couleur a été remplacée par du vert. Le centre est redevenu noir en 2002, comme l’est le centre des coquelicots des Flandres.

Les légionnaires de ce qui était alors Fort William (Ont.) distribuaient des coquelicots aux écoliers. [PHOTOS : ARCHIVES DE LA REVUE LÉGION]

Les légionnaires de ce qui était alors Fort William (Ont.) distribuaient des coquelicots aux écoliers.
PHOTOS : ARCHIVES DE LA REVUE LÉGION

Comme toujours, ils sont distribués gratuitement. Quand une personne fait un don à la campagne annuelle, c’est strictement son bon vouloir. Les fonds ramassés servent à assister ceux qui ont servi ou qui se trouvent dans le besoin. La campagne est souvent vue comme « l’aide aux vivants par les morts ». En 2007, on a ramassé 16,4 millions de dollars.

Bien que l’auteur d’Au Champ d’honneur était canadien, la campagne du coquelicot trouve ses origines en France et aux États-Unis.

En novembre 1918, Moina Michael, qui travaillait au siège des Secrétaires militaires d’outre-mer du YMCA à New York, inspirée par le poème de McCrae, acheta des coquelicots en soie qui seraient portés à l’Armistice. Elle s’est ensuite mise à promouvoir le port du coquelicot à chaque Armistice.

Deux années plus tard, la Française Anna E. Guérin était aux États-Unis pour ramasser des fonds pour les orphelins. Elle conçut l’idée d’une campagne du coquelicot qui servirait à ramasser des fonds pour ceux qui avaient été dépouillés par la guerre. De retour en France, elle alla voir des anciens combattants blessés qui se mirent à fabriquer des coquelicots à distribuer, en échange de dons.

Elle s’en alla en Grande-Bretagne où elle convainquit le maréchal Earl Haig d’employer les soldats blessés pour faire des coquelicots à porter au revers. Il encouragea aussi la British Legion à marquer sa première campagne du coquelicot, en 1921, avec des coquelicots achetés en France.

Les dames auxiliaires de Peterborough (Ont.) distribuent des coquelicots au début des années 1970. [PHOTO : ARCHIVES DE LA REVUE LÉGION]

Les dames auxiliaires de Peterborough (Ont.) distribuent des coquelicots au début des années 1970.
PHOTO : ARCHIVES DE LA REVUE LÉGION

Cette même année-là, Guérin vint en Ontario, à Port Arthur (actuellement une partie de Thunder Bay), où elle assista à un congrès de la Great War Veterans Association (association des vétérans de la Grande Guerre), le plus grand des groupes d’anciens combattants qui allaient former la Légion canadienne. « La GWVA a vite accepté la suggestion que le coquelicot soit porté à l’Armistice et, le 11 novembre 1921, les coquelicots fabriqués par les femmes et enfants de France étaient distribués au Canada, sous le parrainage de la GWVA, pour la première fois », écrivait Clifford Bowering dans Service, une histoire de la Légion royale canadienne publiée en 1960.

En 1922, le ministère fédéral du Rétablissement civil des soldats parvenait à un accord avec Vetcraft Industries Inc. pour produire les coquelicots pour la campagne du coquelicot de 1922. Vetcraft employait des anciens combattants invalides pour la manufacture de divers objets artisanaux.

La campagne du coquelicot aurait trois objectifs : servir de signe visible du souvenir, ramasser des fonds pour les anciens combattants dans le besoin et donner du travail aux anciens combattants invalides. « De façon appropriée, au Canada, la manufacture des répliques en soie s’était concentrée peu à peu entre les mains des hommes qui avaient été brisés par le conflit. Les hommes qui ne pouvaient se faire embaucher dans le monde du commerce ordinaire trouvaient dans la manufacture de ces petites fleurs une tâche sacrée et agréable. Leurs doigts ne sont peut-être pas agiles et leur rendement est peut-être modeste, mais ils s’appliquent pour un résultat que les procédés de fabrication commerciaux rapides ne peuvent certainement pas couvrir », écrivait-on dans le Legionary, le prédécesseur de la revue Légion.

La princesse Alice (au c.), épouse du gouverneur général canadien, le comte d’Athlone, lance la campagne annuelle du coquelicot pendant la Seconde Guerre mondiale. [PHOTO : ARCHIVES DE LA REVUE LÉGION]

La princesse Alice (au c.), épouse du gouverneur général canadien, le comte d’Athlone, lance la campagne annuelle du coquelicot pendant la Seconde Guerre mondiale.
PHOTO : ARCHIVES DE LA REVUE LÉGION

En 1925, le Canada était le pays d’accueil du congrès de la Ligue des anciens des armées du Commonwealth britannique où il fut décidé que le coquelicot serait dorénavant l’emblème universel du souvenir partout dans l’Empire britannique.

La campagne du coquelicot a grandi chaque année depuis, surtout ces dernières années. « D’après moi, elle a commencé à vraiment grandir lors de l’établissement de la Tombe du Soldat inconnu (en 2000) et de la vague des deux minutes de silence (en 1999) », dit le président du Comité national du coquelicot et du souvenir Gordon Moore. « Les trois ou quatre dernières années, conséquence de l’Afghanistan, les gens vont aux cénotaphes en grand nombre assister aux services. »

Les coquelicots ont été fabriqués par Vetcraft Industries Ltd. jusqu’en 1996, l’année où Anciens combattants Canada a cessé de patronner la société. La Légion a alors pris la responsabilité des coquelicots et des couronnes et adjugé le contrat à une société fermée de Toronto.

Les dames auxiliaires en visite à une école dans le cadre de la campagne du coquelicot au milieu des années 1970. [PHOTO : ARCHIVES DE LA REVUE LÉGION]

Les dames auxiliaires en visite à une école dans le cadre de la campagne du coquelicot au milieu des années 1970.
PHOTO : ARCHIVES DE LA REVUE LÉGION

Le coquelicot à revers cause bien de la frustration car il se perd facilement; il peut se faire décrocher par une ceinture de sécurité ou par quelque autre objet. La Direction nationale a lancé récemment les coquelicots collants — sans épingle — lesquels sont distribués dans les établissements de soins de longue durée où les épingles sont des inconvénients. Ils y sont très populaires.

« Il me faut une dizaine de coquelicots à chaque période du jour du Souvenir. Ça me dérange pas de donner 5 $ de plus pour en remplacer un », dit Moore. « Une fois, j’ai dis à une dame dans une résidence pour aînés que si on enfonce l’épingle dans une gomme à crayon, ça l’empêche de tomber, dit Moore. Elle m’a répondu : “Merci du conseil et voici un autre don de 5 $”. »

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