Un tournée d’apprentissage

Les étudiants au mémorial de Terre-Neuve contemplent le champ de bataille à Beaumont-Hamel. [PHOTO : SHARON ADAMS]

Les étudiants au mémorial de Terre-Neuve contemplent le champ de bataille à Beaumont-Hamel.
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Le silence prolongé est sans doute l’expression de l’être humain qui saisit le mieux l’essence de la commémoration. Quand la Première Guerre mondiale s’est terminée, il y a 90 ans, le 11 novembre 1918, aucune célébration tonitruante ne s’est élevée des tranchées; c’était plutôt le calme plat.

Les gens qui n’étaient pas là-bas et qui n’ont donc pas fait l’expérience des horreurs inexprimables d’une guerre où environ 10 millions de personnes ont été tuées et des millions d’autres, blessées, ne comprennent pas vraiment la nature de ce silence. En décembre 2008, il ne restait qu’un bien petit nombre de ceux qui y ont servi et le Canadien Jack Babcock en était un.

Quoi qu’il en soit, la nature de ce silence peut effectivement être ressentie aujourd’hui et c’est sûr qu’il peut servir à nous connecter aux hommes et aux femmes qui y étaient, au besoin de se souvenir de leur ser-vice et de leurs sacrifices.

La tombe du soldat George Lawrence Price. [PHOTO : SHARON ADAMS]

La tombe du soldat George Lawrence Price.
PHOTO : SHARON ADAMS

Le 11 novembre dernier, des centaines de personnes en deuil se sont rassemblées à un cimetière de la ville belge de Mons, en l’honneur des 68 000 Canadiens qui ont donné leur vie à la Première Guerre mondiale. Et bien que ce fusse 90 ans après la fin de la Grande Guerre, à la minute près, les émotions étaient encore toutes fraiches sur leur visage. Des vétérans des guerres et des conflits plus récents, ainsi que des membres des Forces canadiennes et d’autres de la Gendarmerie royale du Canada ont honoré leurs anciens frères d’armes qui ont fait l’ultime sacrifice. Les jeunes Canadiens et les parlementaires, dont certains avaient les larmes aux yeux, se souvenaient de parents qui ont péri alors que les résidants locaux inclinaient la tête en remerciement de la liberté dont ils profitent aujourd’hui.

Il s’agissait de la première de trois occasions, le jour du Souvenir — parmi les nombreuses de la semaine — où les émotions refoulées des membres de la délégation d’Anciens combattants Canada, qui assistaient aux activités de commémoration en France et en Belgique, ont été ravivées. « Nous sommes venus ici pour nous souvenir de ce que le passé écrit ne peut rappe­ler; et pour nous tenir aux endroits où le Canada a mûri », disait le ministre des anciens combattants Greg Thompson, le 10 novembre, lors d’une cérémonie au Mémorial Le Quesnel (France). Les 13 étudiants canadiens étaient le noyau de la Tournée d’apprentissage d’ACC où, durant une semaine, on leur a montré les champs de bataille, mémor­iaux et cimetières de la Première et de la Seconde guerres mondiales.

Bien que le Canada, jeune pays, fût entré en guerre en tant que membre junior du Commonwealth, il a obtenu le droit d’apposer sa signature sur le Traité de Versailles en reconnaissance du grand nombre de ses exploits et de ses sacrifices. Plus de 619 000 Canadiens — sur une population de moins de huit millions — avaient servi à la guerre. Plus d’un sur 10 avaient trouvé la mort et 172 950 avaient été blessés.

Andrew Sheppard à Beaumont-Hamel. [PHOTO : SHARON ADAMS]

Andrew Sheppard à Beaumont-Hamel.
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Il n’y a nul doute que les citoyens de la France et de la Belgique se souviennent de ces sacrifices. « Je viens tous les ans pour me souvenir », dit le résidant de Mons Jean Pirson. Mons avait été occupée par l’Allemagne pendant plus de quatre ans quand, le dernier jour de la guerre, les Canadiens l’ont libérée. Pendant plusieurs générations, parents et enseignants ont appris aux enfants belges à entretenir la tradition de reconnaissance pour la liberté, dit Pirson. « C’est important de se souvenir et de transmettre ce souvenir aux jeunes gens, pour qu’il vive. »

Ainsi, l’émotion gagne facilement le peuple, à la place moderne de la ville, après le service réglé au cimetière de Mons et les défilé et cérémonie orga­nisés par la ville de Mons au Monument canadien. Il y avait dans l’assistance des représentants de la Belgique, du Canada, de la Grande-Bretagne, de la Russie, de l’Italie, du Portugal, de la Grèce et des États-Unis, ainsi que des membres d’organisations d’anciens combattants canadiennes, dont la Légion royale canadienne, les anciens combattants de l’armée, de la marine et des forces aériennes au Canada (ANAVETS) et le Conseil national des associations d’anciens combattants.

« Les Canadiens ont créé cette histoire », dit le capitaine Rick Towey du Royal Regiment of Canada de Toronto. « Je suis fier de faire partie d’une armée que l’histoire a retenu, et qui a libéré une ville. »

Les vétérans de la Seconde Guerre mondiale Bill Story et John Henderson se joignent à l’inspecteur Yvon de Champlain et au ministre des anciens combattants Greg Thompson. [PHOTO : SHARON ADAMS]

Les vétérans de la Seconde Guerre mondiale Bill Story et John Henderson se joignent à l’inspecteur Yvon de Champlain et au ministre des anciens combattants Greg Thompson.
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« Je suis très fier d’être ici », dit le caporal-chef et photographe des Forces canadiennes Serge Tremblay. C’est à Mons que le premier soldat a été tué à la Première Guerre mondiale et où le dernier soldat canadien a été tué quatre ans après. » Ce dernier, le soldat George Lawrence Price du Saskatchewan Regiment, a été tué par un tireur d’élite deux minutes avant le cessez-le-feu et il a été enterré au cimetière militaire de Saint-Symphorien.

Le jour du Souvenir, les résidants locaux déposent des fleurs coupées sur sa tombe. Le même soir, à l’occasion de la cérémonie de la dernière sonnerie, sous les arches commémoratives de la Porte de Menin, à Ypres (Belgique), les Belges ont à nouveau démontré leur reconnaissance. Excepté lors de l’occupation, durant la Seconde Guerre mondiale, la circulation est interrompue sous les arches et les clairons jouent la dernière sonnerie tous les soirs, à 20 h, depuis le 11 novembre 1928.

La foule, qui avait commencé à se rassembler des heures avant la cérémonie du jour du Souvenir, a rempli la salle du Souvenir et s’est étendue le long de la rue jusqu’à la place. Les acclamations ont éclaté quand le contingent des Forces canadiennes est arrivé au monument. Peu après, quand un cornemuseur a commencé à jouer Amazing Grace, la foule s’est mise à fredonner et puis à chanter. « J’étais au garde-à-vous, alors je ne pouvais pas regarder autour de moi. J’entendais la foule qui soupirait et haletait, qui manifestait l’émotion qui m’était interdite parce que j’étais au garde-à-vous », dit le caporal-chef Marc Jacobs des Rocky Mountain Rangers de Kamloops (C.-B.). « Quand la foule s’est mise à fredonner, j’en ai eu des frissons. »

Jessica Roberts dépose une croix. [PHOTO : SHARON ADAMS]

Jessica Roberts dépose une croix.
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« Je ne pouvais plus me retenir », dit Marie-Josée Chapleau, recruteuse des Forces canadiennes et commandante de la garde du drapeau durant la cérémonie. Quand les larmes ont commencé à couler, « j’étais si fière que ça ne faisait rien. » Elle n’était pas la seule. « Les larmes me sont montées aux yeux », dit le caporal-chef Richard Hicky du First Newfoundland Regiment de St. John’s. « En entendant ça, on ressent la fierté », ajoutait le caporal Anthony Edwards du Toronto Royal Regiment. « Je ne me suis jamais senti aussi Canadien, aussi fier », dit le bombardier-chef Kimberley Loucks du 2e Royal Canadian Horse Artillery.

« Je n’ai pas pu prendre plaisir à toutes les chansons et à la musique parce que je ne peux pas entendre, mais le visage des gens montrait qu’ils étaient très affectés », témoignait le délégué de la jeunesse Jamie Routledge d’Halifax qui est  sourd.

Nolan Janvier bavarde avec le vice-président de la Légion Erl Kish. [PHOTO : SHARON ADAMS]

Nolan Janvier bavarde avec le vice-président de la Légion Erl Kish.
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La chorale de garçons de l’école Crescent de Toronto a suscité un autre moment d’émoi chez les Canadiens qui se trouvaient dans la foule en chantant Au champ d’honneur, et puis les clairons du corps de pompiers volontaires local ont utilisé les instruments en argent que leur ont donné les filiales Brussels et Antwerp de la Royal British Legion pour jouer la dernière sonnerie.

Le contingent canadien a déposé les premières couronnes à côté de celles qui avaient été déposées avant, dans la journée. Il s’agissait du député Kevin Sorenson, de la part du Canada; du vice-président de la Légion Erl Kish pour la Légion; de William Story de la part du Conseil national des associations d’anciens combattants; de Gord Marsh pour ANAVETS; de Ron Griffis de l’Association canadienne de Vétérans des forces de la paix des Nations Unies de la part des anciens combattants du Canada; et des délégués de la jeunesse Jonathan Jampies de St. Catharines (Ont.) et Andrea Omilgoitik d’Iqaluit (Nunavut) de la part de la jeunesse canadienne.

Il y a deux escaliers dans la salle du Souvenir centrale. Au-dessus se trouve l’inscription suivante : « Ici sont inscrits les noms d’officiers et d’hommes qui sont tombés au saillant d’Ypres mais pour qui la fortune de la guerre a refusé l’enterrement honorable qu’ont eu leurs cama­­­­rades mortuaires. » Les noms d’environ 55 000 soldats du Commonwealth, dont 6 940 Canadiens, ont été gravés sur les murs. Parmi eux se trouve Lee Wood, qui s’était enrôlé à 18 ans et qui a été tué à Passchendaele à 21 ans. C’est l’arrière-grand-oncle du délégué de la jeunesse d’ACC Sam Wood de Fredericton (N.-B.) . Il a laissé un coquelicot à côté en souvenir.

« Voir les noms sur le mur… Je vois toujours la tristesse dans les yeux de ma grand-mère quand elle parle des frères qu’elle a perdus », dit le sergent William MacDougall des Cameron Highlanders d’Ottawa.

Des porteurs portent le cercueil du soldat Ralph Ferns. [PHOTO : SHARON ADAMS]

Des porteurs portent le cercueil du soldat Ralph Ferns.
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« C’est pas la même chose d’entendre ça quand on est au Canada que quand on l’entend ici en voyant tous ces noms. » Il s’agissait d’un leitmotiv durant les activités de la semaine alors que les délégués d’ACC, jeunes et vieux, intériorisaient les histoires de la Première Guerre mondiale, de batailles gagnées et de vies perdues, de la force de caractère de ceux qui ont vécu et qui sont morts dans les tranchées.

« Notre jeune nation avait une division de soldats citoyens, sous le commandement d’un général britannique, au début de la guerre », dit le député Kevin Sorenson, à la crête de Vimy, le 9 novembre, à la première manifestation de la semaine. « Il l’a finie avec une force de combat superbe sous le commandement d’un de ses propres fils et une réputation de courage, de force et de détermination. »

Le soleil a percé le ciel de plomb au-dessus des deux grands pylônes jumeaux pendant que Sorenson parlait. Le nom des 11 285 soldats canadiens qui ont été déclarés « disparus, présumés morts » en France a été gravé sur les remparts. Une brise fraiche, qui soufflait dans le microphone, semblait ponctuer ses paroles de coups de feu éloignés. « L’histoire de la crête de Vimy, c’est celle de dizaines de milliers d’individus, de gens ordinaires, comme vous et moi, qui ont défendu ce en quoi nous croyons tous : la paix et la liberté. »

C’était la journée où les gens de l’endroit assistent à leur cérémonie du souvenir et quelque 300 personnes se sont jointes aux soldats et aux représentants des gouvernements britannique, français et allemand pour présenter leurs respects. Il y avait des Canadiens dans l’assistance, dont Eleanor Saunders d’Ottawa, accompagnée de son fils Stephen et de son petit-fils Max, qui a presque deux ans. « C’était merveilleux de voir que les gens de la place viennent encore après 90 ans. »

L’achèvement de la guerre a commencé, une heure avant l’aube du 8 aout 1918, quand « plus de 100 000 Canadiens ont apparu à l’horizon pour une bataille qui allait entrer dans l’histoire », dit le ministre des anciens combattants Greg Thompson à l’occasion d’une cérémonie au monument Le Quesnel, le 10 novembre. Cette attaque surprise, menée à bien, fut le début de la bataille d’Amiens, le début des derniers cent jours de la Première Guerre mondiale, quand les soldats canadiens ont montré ce dont ils étaient capables.

Amiens était un tournant. Le Corps canadien fit 5 000 prisonniers et s’empara de 161 canons, mais le nombre de ses victimes s’élevait à 4 000. C’est pour les honorer que huit membres de l’équipe canadienne multidisciplinaire d’aide aux victimes  du Centre médical régional Landstuhl (Allemagne), où sont soignés les soldats canadiens grièvement blessés en Afghanistan, ont conduit, pendant 12 heures, pour assister au service commémoratif. De dire la commandante Julie Bédard, basée à Winnipeg mais au milieu d’une affectation de six mois en Allemagne : « C’était important pour nous de venir commémorer le 90e anniversaire. Le service a été si émouvant. C’est épatant que les jeunes gens puissent voir ce qui a été fait par notre militaire et parler aux anciens combattants de leurs expériences. »

« On entend souvent les gens dire qu’ils sont fiers d’être Canadien », ajoutait Andrea Omilgoitok, qui a eu l’honneur de lire la promesse du souvenir des jeunes. « Mais c’est la première fois de ma vie que j’ai ressenti cette fierté jusqu’au plus profond de moi. »

Les anciens combattants et les jeunes examinent les pierres tombales. [PHOTO : SHARON ADAMS]

Les anciens combattants et les jeunes examinent les pierres tombales.
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Les étudiants ont eu l’occasion de visiter une grande partie des 30 cimetières militaires où gisent plus de 7 000 Canadiens. Par la suite, la même journée, ils ont placé des croix en bois sur les tombes près du Mémorial du Bois de Bourlon. C’est là qu’ils ont vraiment compris à quel point beaucoup des hommes qui ont donné leur vie étaient jeunes. Quand Jessica Roberts d’Abbotsford (C.-B.) regardait lentement les nombreuses pierres tombales, ses yeux ont été attirés par celle qui marque la dernière demeure du caporal J.A. Morrison, fantassin canadien mort à 26 ans. « Il a les mêmes initiales que mon frère; on l’appelle Jam (confiture). Il a 14 ans et il parle déjà de s’enrôler. Je me demandais : et s’il allait à la guerre et mourrait comme cet homme? »

« Beaucoup de ceux qui sont morts avaient 18, 19 ans; comme nous », dit Joshua Jenning de Haines Junction (Yukon). « Je pensais à tous nos amis chez nous et à aller à la guerre avec eux tous; et qu’ils meurent autour de moi. » Cela préoccupait beaucoup Andrew Sheppard de Glovertown (T.-N.) qui a reconnu sur le Mémorial terre-neuvien de Beaumont-Hamel le nom de beaucoup de familles qui ont perdu des fils à la bataille de la Somme. Il y a un grand caribou en bronze, l’emblème du Royal Newfoundland Regiment, sur un tertre entouré de pierres et d’arbustes natifs de Terre-Neuve, qui surmonte les tranchées et le sol où tant d’hommes ont péri.

Sheppard y a perdu un arrière-grand-oncle, John Saunders, qui se serait enrôlé au Newfoundland Regiment à 22 ans et qui serait mort, croit sa famille, à la bataille de Cambrai, le 3 décembre 1917. Andrew a appris que son arrière-grand-oncle faisait partie d’une famille de pêcheurs pauvres. S’enrôler était alors une façon de se sortir de la misère dans une collectivité où la nourriture venait à manquer. « La vie était si difficile », dit Andrew.

Les histoires comme celle d’Andrew ont empêché le voyage de se transformer en un récit assommant de dates de bataille et de noms de héros morts il y a longtemps. « On essaie de ne pas s’arrêter sur les noms et les dates », dit Carl Kletke, historien de la Direction – Histoire et patrimoine du ministère de la Défense nationale. On avait assigné le nom d’un soldat mort à chacun des étudiants, et ils ont fait une présentation sur lui dans le cimetière où il a été enterré ou au monument près d’où il est mort.

Kletke faisait des exposés sur les tactiques militaires, les mouvements de troupes, au fur et à mesure que l’autocar voyageait entre les cimetières, les champs de bataille et les monuments, et les étudiants suivaient sur les cartes qu’on leur avait données. « Si nous ne comprenons pas pourquoi ces mémo­riaux sont là, ce ne sont plus que des morceaux de pierre, dit Kletke. Si nous ne comprenons pas pourquoi ces cimetières sont là, ce ne sont plus qu’un assortiment de pierres tombales. Mais ils sont bien plus que ça; ils font partie du patrimoine canadien. » Kletke s’est assuré d’inclure les bataillons de la ville de chaque étu­diant, ou du soldat sur lequel il avait fait des recherches, pour que la connexion soit plus évidente. Ils ont eu un aperçu des distances, visualisé le progrès des troupes, se sont représenté les batailles.

Harry Quarton, Ron Griffis, Karl Morel, John Henderson et Phil Etter à Vimy. [PHOTO : SHARON ADAMS]

Harry Quarton, Ron Griffis, Karl Morel, John Henderson et Phil Etter à Vimy.
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Cela a été facilité par les excursions aux tranchées où les Terre-Neuviens se sont battus le premier jour de la bataille de la Somme et aux tunnels du champ de bataille autour du Monument commémoratif du Canada à Vimy, où le Canada, à la bataille de la crête de Vimy, a eu 10 600 victimes entre le 9 et le 12 avril 1917.

Et la connexion a aussi été renforcée grâce aux rapports avec les anciens combattants qui les accompagnaient. Kletke a réussi à relier l’expérience des délégués des anciens combattants et des Forces canadiennes aux exploits de ceux qui sont passés à l’histoire, quoiqu’ils eussent été soldats à la Seconde Guerre mondiale, aux conflits plus récents ou aux opérations de maintien de la paix. « De dire le général Andrew McNaughton, qui commandait l’artillerie au moment de l’armistice : “pourquoi ne pas les repousser jusqu’en Allemagne? Si on ne le fait pas, il va falloir revenir dans 25 ans.” Et comme de raison, McNaughton commandait la 1re Division d’infanterie canadienne quand elle y est allée en 1939; il revenait, 20 ans après, avec un autre groupe de jeunes Canadiens. » Les étudiants ont eu l’occasion de parler à certains de ces Canadiens, qui sont maintenant de vieux soldats, marins et aviateurs.

Ils ont entendu Phil Etter de Belleville (Ont.), commissaire adjoint dans la marine marchande canadienne, aujourd’hui âgé de 88 ans, parler du devoir à bord des navires hôpitaux qui sillonnaient l’Atlantique-Nord; et Eldon McCallum de Woodstock (N.-B.), qui a participé à 36 missions en bombardier Halifax, parler de la vie dure qu’était celle d’un mitrailleur dorsal. Ils ont entendu Bill Story, qui vit actuellement à Moneta (Virginie), parler du service dans la 1re Force de Service spécial, surnommée la brigade du Diable. Le lieutenant-colonel Harry Quarton à la retraite, qui avait menti à propos de son âge, en 1940, pour s’enrôler dans le South Alberta Regiment, a parlé de l’avance à travers la France. Les jeunes gens ont aussi entendu l’ancien soldat Karl Morel, dont le service en tant que réserviste a compris une affectation de six mois en Égypte, raconter les dangers du maintien de la paix.

Ils ont aussi entendu parler ceux qui avaient des relations familiales à la Grande Guerre. « Mon grand-oncle et mon grand-père sont passés par ici en 1916 et 1917 », nous expliquait le vice-président de la Légion Erl Kish, qui a trouvé la tombe de son grand-oncle Andrew Kish, du 4e Bataillon canadien de fusiliers à cheval, au cimetière communal d’Aubigny, au nord-ouest d’Arras. « J’ai apporté un peu de terre pour la tombe de mon grand-père », dit-il. Kish lui-même a servi dans le Corps royal de l’intendance de l’Armée canadienne et dans le Corps royal canadien des ingénieurs électriciens et mécaniciens entre 1953 et 1983.

Les étudiants avec des fleurs à la cérémonie réglée à Vimy. [PHOTO : SHARON ADAMS]

Les étudiants avec des fleurs à la cérémonie réglée à Vimy.
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Les étudiants ont aussi été témoins du respect et de l’honneur des anciens combattants et des membres des Forces canadiennes durant les funérailles du soldat Ralph Tupper Ferns du Royal Regiment of Canada, tué le 14 aout 1944. Ses restes ont été retrouvés en 2005 et il a été identifié au printemps 2008 et inhumé avec tous les honneurs militaires, le 14 novembre 2008, au cimetière militaire canadien de Bretteville-sur-Laize. Son neveu Gary Ferns et sa nièce Janice Basilone assistaient aux funérailles, ainsi que des citoyens locaux, dont Valérie et Christian Guilloux de Cintheaux (France), qui avaient sorti leurs enfants Laurine et Quentin de l’école.

Le sergent Andrew Savoie à Mons. [PHOTO : SHARON ADAMS]

Le sergent Andrew Savoie à Mons.
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« Le plus impressionnant, c’est de se trouver ici, avec les anciens combattants, dit Jamie Routledge. C’est pas tout le monde de mon âge qui a la chance de les côtoyer. Quand je serai plus vieux, ils auront disparu et j’aurai pas la chance d’entendre leurs histoires. » Le grand-oncle de Caitlyn Delwel d’Edmonton, qui a été à la Seconde Guerre mondiale, y a perdu son meilleur ami, dit-elle et il répugne à parler de ses expériences. « C’est extra de pouvoir entendre d’autres vétérans en parler, dit-elle. C’est raconté à la première personne du singulier. »

Harry Quarton (à g.) et Ron Griffis saluent. [PHOTO : SHARON ADAMS]

Harry Quarton (à g.) et Ron Griffis saluent.
PHOTO : SHARON ADAMS

Tout au long du pèlerinage, l’ancien combattant Phil Etter a souvent récité : « Il se peut que j’oublie ce qu’on me dit et il se peut que je me souvienne de ce qu’on me montre; mais c’est sûr que je comprendrai si on m’implique. »

Les étudiants ont visiblement changé, un par un, durant leur « Tournée d’apprentissage ».

À la fin de la semaine, c’était évident : Ils comprennent.


Une conduite jusqu’à Vimy

Quand les Canadiens débraillés descendent du train à la gare de Vimy (France) pour aller visiter Le Monument commémoratif du Canada à Vimy, ils sont souvent reçus par un gentilhomme français jovial âgé de 85 ans qui leur offre de les y conduire.

Georges Devloo. [PHOTO : SHARON ADAMS]

Georges Devloo.
PHOTO : SHARON ADAMS

Il n’existe pas de service de transport jusqu’au mémorial de Vimy, alors, depuis 12 ans, Georges Devloo, enseignant à la retraite, offre ses services, en tant que chauffeur et guide bavard, aux Canadiens en rade.

Il dit qu’il reconnait les Canadiens immédiatement à leur descente du train parce qu’ils étudient leurs cartes et leurs guides et puis ensuite « ils regardent vers la gauche et vers la droite et ils s’avancent lentement ».

C’est alors que Devloo offre ses services, en français d’abord et s’ils ne répondent pas, en anglais hésitant. « Je leur dis “Je vais au mémorial” et j’ouvre la portière. »

Il est bel homme avec son béret noir et son imperméable, un peu à la Maurice Chevalier. Sa bonhommie triomphe de la retenue traditionnelle des Canadiens et de la crainte par rapport à monter dans la voiture d’un étranger. « Je leur donne des leçons d’hospitalité », dit-il.

Il a conduit environ 1 200 visiteurs canadiens au mémorial et n’a jamais demandé un sou pour ce service (bien qu’il accepte les biscuits à l’érable que lui envoient souvent ses passagers de retour chez eux).

Pourquoi fait-il ça? « C’est une question de solidarité », dit-il par l’entremise de l’interprète Brianne Watson, guide en chef au mémorial. C’est un exemple des nombreuses façons que le peuple français remercie les Canadiens de sa libération. Devloo fait partie des meubles au mémorial et il est très estimé des jeunes guides canadiens, à qui il offre des gâteries de son jardin. Il se rend utile aussi en réparant leur bicyclette ou en leur montrant à conduire un véhicule à transmission manuelle. Les guides l’appellent le grand-père du mémorial de Vimy.

Devloo a reçu un certificat d’appré­ciation, que le ministre d’Anciens combattants Canada, Greg Thompson lui a présenté, le 12 novembre, de la part du peuple canadien.

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