Les mains gagnantes à Grand Bend

Les Championnats nationaux de cribbage de la Légion de 2008 ont été un de ces événements où tous les éléments, la météo, les gens, l’ambiance, s’unissent pour créer une expérience parfaite.

Les joueurs de cartes qui se sont assemblés à la filiale Grand Bend (Ont.), à l’occasion de ces championnats qui ont eu lieu du 25 au 27 avril, ont souvent souhaité, de vive voix, que la manifestation dure plus longtemps; rien que pour pouvoir s’amuser encore. Il y a quand même eu quelques parties sérieuses, une compétition féroce, avant que la côte Est, la côte Ouest et les Prairies recueillent les lauriers.

Grâce à la planification attentionnée du Comité des préparatifs locaux dirigé par le président Ron Crown de la filiale Grand Bend, les organisateurs étaient calmes, confiants qu’ils parviendraient à s’occuper de tout imprévu. « Nous avons commencé la planification de cet événement le lendemain du jour où il a été approuvé », plus d’un an avant les championnats, dit Crown. Alors les petites broutilles ont été vite réglées. La pluie menace le défilé? On le fait à l’intérieur. Les jeux durent plus longtemps que prévu? On fait plusieurs services pour nourrir tout le monde. Quelqu’un désire visiter la ville à l’improviste? On a vite fait de trouver un chauffeur.

Les plages blanches de la côte est du lac Huron à Grand Bend, 45 minutes environ de London, charment les touristes depuis longtemps. La population permanente d’environ 1 000 personnes devient 25 fois plus grosse tous les étés, quand les gens des chalets s’agglutinent autour du lac et de ses environs : la Huron County Playhouse, les quelques rares habitats du parc provincial Pinery, le Grand Bend Motorplex, le casino avoisinant, la douzaine de terrains de golf des alentours.

« Il faut des dizaines de bénévoles pour un événement comme ça », dit Crown qui, de peur d’oublier quelqu’un, hésite à commencer à les nommer. L’ancien président Bob Chapdelaine était l’un des chauffeurs bénévoles qui sont allés chercher les équipes au fur et à mesure qu’elles arrivaient à l’aéroport de London. « Je me suis vraiment bien occupé des gens de l’Alberta », dit cet ancien Albertain qui a déménagé à Grand Bend au milieu des années 1960.

Les joueurs ont étés déposés à leur hôtel pour se rafraichir ou faire une sieste réparatrice, et puis ils ont été conduits à la filiale où ils ont bavardé avec les membres locaux. Des dizaines de membres de la filiale sont arrivés pour un souper au jambon, servi, dans une ambiance chaleureuse, avec un gratin dauphinois, qu’on a fait suivre par le tirage au sort de viande populaire du vendredi et les divertissements musicaux.

L’équipe albertaine de la filiale Chapelhow de Calgary, que Lorne Weselak, James et Joyce Grewcutt et Mark Gourdeau composaient, avait dû triompher d’une grosse chute de neige, de deux dégivrages d’avion et d’un vol de nuit, mais ses membres ont été ragaillardis par le beau temps. Le duo mère-fille Judy et Lorrain Austin, membres de l’équipe ontarienne de la filiale Kapuskasing qui avait dû rouler plus de 12 heures, réparties durant deux jours, étaient contentes du temps et de l’hospitalité.

Les manifestations à la filiale, samedi après le déjeuner, ont commencé par l’inscription et le défilé. « Nous, membres de la Légion, sommes tous ici pour nous amuser », dit le représentant Norm Shelton du Comité national des sports, et il demanda aux joueurs de faire preuve de camaraderie et de sportivité durant le tournoi. La vice-présidente Marg Emery de la Division de l’Ontario a souhaité la bienvenue aux joueurs. Crown a invité les joueurs à écrire un mot de salutation sur une casaque rouge qu’il allait envoyer aux membres des Forces canadiennes en ser­vice en Afghanistan.
Après une courte réunion des capitaines d’équipe, Crown a prononcé les mots qu’attendaient les équipes de doubles : « comme on dit au Texas Hold ’Em : “mélangez et distribuez” ».

Les doubles, les simples et les équipes ont eu neuf tours, et deux parties par tour. Chaque partie gagnée méritait un point, sauf celles qui se terminaient par un ‘skunk’, lesquelles en valaient deux. « C’est ainsi qu’on a des égalités », dit Crown et, en effet, il a fallu jouer des belles pour établir qui seraient les champions dans les catégories des doubles et des simples.

Bien que la Nouvelle-Écosse avait pris de l’avance au début de la compétition des doubles, grâce à deux skunks contre la Colombie-Britannique au deuxième match, il y en a qui ont réussi à reprendre du terrain. À la deuxième moitié des jeux, au moins deux équipes étaient ex æquo en première place à la fin de chaque tour.

Les équipes de Pilot Mound (Man.), Windsor (N.-É.) et Riverhead (T.-N.), étaient à égalité, à 12 points, au début du dernier tour. L’équipe néo-écossaise a perdu ses deux dernières parties, alors Terre-Neuve et le Manitoba se sont retrouvés ex æquo à 14 points. Barry et Margaret Heaver de la filiale Pilot Mound ont remporté le bris d’égalité lors d’un match rapide où il fallait ga­gner deux parties sur trois. Bien qu’ils jouaient sérieusement, les joueurs des deux équipes se sont bien amusés durant leurs parties, comme l’indiquaient leurs rires incessants.

Quand on lui demandait quelle stra­tégie elle avait employée pour gagner, Margaret répondait : « Stratégie? »

Et de dire Barry : « Ce n’était que la chance. On a perdu une fois par un skunk et on a perdu deux parties d’affilée. À un moment donné, même si on avait gardé les cinq cartes, on n’aurait pas pu compter de points. Mais durant nos deux dernières parties, on a recommencé à gagner. On a eu un skunk; ça aide. »

Bien que leur petite filiale n’a pas de jeux de cribbage régulier, ils avaient joué régulièrement aux compétitions de district. Ils se sont qualifiés une couple de fois aux provinciaux, mais c’est la première fois qu’ils se rendaient à l’échelon national. « Je n’aurais jamais cru qu’on irait si loin » dit Margaret. « J’étais si heureuse de venir ici. »

« On a joué avec une bonne équipe », dit le compétiteur Paul Corcoran. « Ils nous ont battus à la fin. » Il dit aussi de la filiale Dermot Lee Memorial qu’elle est petite, et c’est la troisième fois qu’il se rend aux championnats nationaux.

Il s’agissait aussi du troisième voyage de Jim Kay de la filiale Port Coquitlam (C.-B.), gagnant de l’épreuve des simples, qui a fait une longue remontée avant de remplacer le meneur, Lorne Weselak, de la filiale Chapelhow de Calgary, aux deux derniers tours.

Weselak était premier durant six des huit tours, mais il n’a obtenu aucun point contre ses deux derniers adversaires.

Kay dit que son calme est une des raisons de sa victoire. « Je n’ai pas regardé le tableau indicateur une seule fois. Si je gagne, ça va. Si non, ça va quand même. » Mais l’importance qu’il attache à la victoire était évidente quand ses yeux se sont mis à briller lorsqu’il disait que c’est la troisième fois qui a été la bonne, car il était allé aux championnats nationaux deux fois auparavant.

« Ça s’est bien passé jusqu’à la toute fin », dit Weselak, qui, lui, étudiait le tableau indicateur entre les parties. « C’était vraiment les mains chanceuses », dit-il. « J’ai commencé à avoir de bonnes cartes après avoir perdu quatre parties de suite. » Il a gagné contre le Saskat­che­wannais Butch Richardson de la filiale Alameda, laquelle se trouve à quelque 240 kilomètres au sud-est de Regina, qui est “mort d’un skunk” à la dernière main.

« Si on pouvait embouteiller cette fin de semaine », dit Richardson, « on n’aurait plus de problèmes d’adhésion. » Il a beaucoup fait pour l’ambiance de kermesse : ses danses de victoire, son sourire incessant, son énergie inépui­sable, ont amusé les autres joueurs durant toute la fin de semaine. « On l’amène aux grandes occasions », dit un des autres Manitobains, membre de la filiale Watson, durant les cérémonies de remise des prix.

Rares sont les joueurs de cribbage qui pourraient témoigner qu’on peut voir un des 10 plus beaux couchers de soleil de la terre à Grand Bend, comme on l’a écrit dans la revue National Geographic. Il y avait des choses divertissantes à faire tous les soirs. Les repas préparés par Sheila Tiedeman, Wynne Elmore et leur équipe de bénévoles, de véritables banquets, étaient assortis à des divertissements qui retenaient la plupart des gens à la filiale. Le samedi soir, un orchestre a fait danser les gens. La petite amusette au milieu de l’après-midi, c’était la course de chevaux — avec les chevaux en bois dont on se sert au jeu de dés « crown and anchor ». Une des invitées, Wanda MacArthur de Windsor (N.-É.), a pris nombre de photos du jeu, avec l’espoir de le renouveler, et l’amusement aussi, aux filiales des autres divisions.

« J’ai eu de bons résultats », en jouant aux chevaux, dit-elle.

Le dimanche, deux skunks au premier tour ont donné une bonne distance devant le peloton à l’équipe de la Nouvelle-Écosse/Nunavut de la filiale Hants County de Windsor : MacArthur, Brian Stewart, Raymond Church et Lyman Shanks. Elle battait l’équipe de la filiale George Pearkes VC de Summerside (Î.-P.-É.) à 6-1. Mais les skunks ont changé de direction au deuxième tour, ce qui a permis à l’Île de se rapprocher jusqu’à 7-9.

Au cinquième tour, l’équipe de l’Île a remporté toutes ses parties, alors que la Nouvelle-Écosse ne réussissait qu’à en gagner une seule, alors, au diner, l’Île avait 15 points et la Nouvelle-Écosse, 13.

L’équipe de Summerside, Ivan O’Brien, Nelson Blanchard, Ray Rushton et Cliff Gallant, maintenu son leur avance durant le reste de l’après-midi, finissant avec 29 points alors que la Nouvelle-Écosse n’en avait que 26. « On a eu de la chance », dit Rushton en se détendant après les efforts de la journée. « C’est pas tout à fait vrai », dit son coéquipier Blanchard. « On a eu beaucoup de chance. »

Rushton insistait : « On s’est appliqués sans cesse. Ils ont pris deux points d’avance à un moment donné et je pensais qu’on allait perdre. Mais on a fait une remontée. » L’équipe de Windsor « savait ce qu’elle faisait. On ne gagne pas à ce jeu rien qu’avec la main qu’on reçoit », dit-il. « Il faut savoir ce qu’on doit faire avec les cartes. »

Vu qu’ils jouent ensemble depuis bien des années, ses coéquipiers le savent, ce qu’il faut faire avec les cartes. Ils se sont rendus aux championnats nationaux plusieurs fois au cours des années, en divers arrangements, et ils ont l’intention de se rendre à encore plus de compétitions. « On peut encore faire une partie, les gars », dit O’Brien.

Stewart dit que, « si on avait gagné, ça aurait été en prime ». Il s’est fait fermier en Nouvelle-Écosse à cause de la blessure à la colonne vertébrale qui a écourté sa carrière dans les Forces canadiennes. « On est venus ici pour s’amuser et on a eu une fin de semaine extra », dit-il.

Des amitiés sont nées durant cette fin de semaine, et nombre d’invitations ont été faites aux camarades de partout à travers le pays.

« Je ne pense pas qu’il me soit déjà arrivé de rire autant », dit Ken Desjardins de Fort Frances (Ont.). « Je veux dire : les membres de mon équipe sont amusants, mais je ne savais pas que c’était pareil à travers tout le pays. »

Bien des joueurs ont promis de retourner à Grand Bend profiter des plages. Et, s’ils réussissent à résister à l’appel de la filiale, peut-être verront-ils un de ces fameux couchers de soleil.

Résultats

Équipes : Î.-P.-É. (fil. George Pearkes VC de Summerside), 29; N.-É./Nunavut (fil. Hants County de Windsor), 26; C.-B./Yukon (fil. Qualicum Beach), 24; Qc (fil. Pointe-Gatineau de Gatineau), 23; Ont. (fil. Kapuskasing) et Alb./T. N.-O. (fil. Chapelhow de Calgary), 21; Sask. (fil. Watson) et T.-N. (fil. Dermot Lee Memorial de Riverhead), 19; N.-B. (fil. Hillsborough), 16; Man./N.-O. O. (fil. Fort Frances (Ont.)), 15.

Doubles : Man./N.-O. O. (Barry Heaver et Margaret Heaver, fil. Pilot Mound), 14; T.-N. (Paul Corcoran et Willie Corcoran, fil. Dermot Lee Memorial), 14 (vice-cham­pions); C.-B./Yukon (Marilyn Cantrill et Leroy Olson, fil. K. Knudtson d’Osoyoos), 13; N.-É./Nunavut (Brian Stewart et Raymond Church, fil. Hants County), 12; Ont. (Judy et Lorrain Austin, fil. Kapuskasing) et Qc (Germain Leduc et Raymond Duguay, fil. Pointe-Gatineau), 11; Î.-P.-É. (Ivan O’Brien et Nelson Blanchard, fil. George Pearkes VC) et Alb./T. N.-O. (James et Joyce Grewcutt, fil. Chapelhow), 8; Sask. (Pat Daly et Verda Hoppe, fil. Nipawin), 7; N.-B. (Neil et Austin Doughwright, fil. Hillsborough), 6.

Simples : C.-B./Yukon (James Kay, fil. Port Coquitlam), 16; Alb./T. N.-O. (Lorne Weselak, fil. Chapelhow), 13; Sask. (Butch Richardson, fil. Alameda), 13; N.-B. (Joseph Milton, fil. Hillsborough), 12; Man./N.-O. O. (Paul Shalley, fil. Fort William de Thunder Bay (Ont.)), 11; N.-É./Nunavut (Lyman Shanks, fil. Hants County) et Î.-P.-É. (Raymond Rushton, fil. George Pearkes VC), 10; T.-N. (Kenny Whelan, fil. Dermot Lee Memorial), 9; Qc (Raymond Rodier, fil. Pointe-Gatineau) et Ont. (Jack Bantten, fil. Kapuskasing), 8.

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