En l’honneur de ceux qui ont servi en mer

À bord du HMCS Sackville, une planche à inhumation couverte par un pavillon blanc est utilisée pour confier les cendres d’un marin à la mer. [PHOTO : DAN BLACK]

À bord du HMCS Sackville, une planche à inhumation couverte par un pavillon blanc est utilisée pour confier les cendres d’un marin à la mer.
PHOTO : DAN BLACK

Cette histoire ne commence pas durant la Seconde Guerre mondiale; elle commence cette année-ci, le premier dimanche du mois de mai, quand Arthur Taylor, un homme de 85 ans, se tient à bord du HMCS Sackville, une rose rouge et une partie de petit bouquet à la main.

Ce vieux marin de Terre-Neuve n’avait pas les fleurs quand il est arrivé à bord de la corvette qui remonte à la guerre. Elles lui ont été données par des gens qui sont heureux de le rencontrer et qui lui témoignent leur respect pour ce qu’il a fait, avec des milliers d’autres marins, durant la bataille la plus longue de la Seconde Guerre mondiale : la Bataille de l’Atlantique.

Et maintenant, au large du parc Point Pleasant d’Halifax, une vieille casquette de baseball enfoncée sur la tête et un manteau gris boutonné presque jusqu’au col, M. Taylor, natif de St. John’s se penche par-dessus le bastingage. Il a déjà remarqué que la houle est inexis­tante en ce beau jour de prin-temps, pas plus qu’il ne peut voir quelque danger qui viendrait d’en dessous ou d’un endroit lointain de l’horizon argentin. Rien qu’une faible brise, assez fraiche pour rappeler à tout le monde à bord qu’il fait toujours froid là-bas, même sous le plus ensoleillé des cieux.

Arthur Taylor reste au soleil à bord du HMCS Sackville. [PHOTO : DAN BLACK]

Arthur Taylor reste au soleil à bord du HMCS Sackville.
PHOTO : DAN BLACK

Les gens qui le connaissent et ceux qui se sont donné la peine de bavarder avec lui pourraient s’attendre à ce que la trame de cette histoire vire au passé, soudainement, au moment exact où il laisse tomber les fleurs à mer. Mais ce sont-là des instants privés pour les hommes comme lui : les vétérans de la guerre qui ont été témoins des pires moments et des meilleurs. Il va nous expliquer, bien plus tard, à St. John’s, qu’à ce moment précis, à bord du Sackville, il se rappelle le 5 novembre 1940, et certains de ses copains qu’il a vus disparaitre lentement dans l’impitoyable Atlantique Nord glacé.

Il avait 19 ans, mais il y avait des hommes qui étaient encore plus jeunes que lui. Leur navire, le HMS Jervis, venait d’escorter un convoi de 37 navires marchands, d’Halifax jusqu’au Royaume-Uni, quand il a été coulé par le cuirassé de poche allemand Admiral Scheer. « Nous étions 20 ou 30 sur un radeau en bois posé sur des barils à pétrole », dit Taylor, qui se souvient que l’équipage comprenait des Australiens, des Britanniques, des Canadiens et des Néo-Zélandais. « On avait une planche et même si on savait que ça ne nous mè­ne­rait nulle part, on se servait sans arrêt de nos mains et de nos bras, on conti­nuait de bouger pour que le sang conti­nue de circuler dans nos veines. Parce que quand l’hypothermie arrive, on n’a plus que quelques mi­nutes à vivre. Et au fur et à mesure qu’ils mouraient […] eh bien, on n’y pouvait rien […]. Beaucoup d’entre eux avaient été blessés par des éclats d’obus. J’en avais à la jambe et au bras. De toute façon, il ne fallait jamais lâcher, c’est tout.

* * *

Du premier jour, en septembre 1939, au dernier, en mai 1945, la Bataille de l’Atlantique a duré aussi longtemps que la guerre en Europe. Pour les alliés, il fallait que la bataille en mer soit gagnée parce que la guerre dépendait beaucoup du succès des convois, de la livraison de personnel des forces armées, de munitions, de carburant, d’équipement et de nourriture; tout cela était absolument nécessaire pour se défendre des nazis et, en fin de compte, pour les battre.

Le premier convoi transatlantique en direction de l’est a quitté Halifax le 16 septembre 1939, accompagné par les destroyers de la MRC St. Laurent et Saguenay. D’autres convois l’ont suivi peu de temps après qui partaient de Sydney (N.-É.), Québec, Saint John (N.-B.) et St. John’s (T.-N.).

Les premières années, beaucoup de leçons difficiles ont été apprises. La main-d’œuvre, la formation, l’équipement et l’organisation étaient inexistants ou bien ils étaient insuffisants. À un moment donné, une couple de corvettes, manœuvrées par des Canadiens, qui ont été livrées au Royaume-Uni avaient des canons en bois. Mais, au moins, ces navires sont bien arrivés. (Voir, à la page 28, Canadian Military History In Perspective [non traduit].)

Le revirement de la guerre en mer est arrivé avec l’apport d’autres navires, de meilleurs armes et équipement, de plus de formation, de renseignement naval et, ce qui n’est certainement pas de moindre importance, d’avions de patrouille à long rayon d’action qui servaient à donner une couverture aérienne aux convois.

Cependant, les risques que couraient les navires transportant les fournitures en Grande-Bretagne, qui naviguaient souvent malgré les tempêtes et à travers les eaux infestées d’ennemis, étaient énormes. Plus de 3 700 marins de la Marine royale du Canada et de la marine marchande canadienne ont péri en mer durant la bataille, et presque mille autres Canadiens ont trouvé la mort dans la froide immensité de l’océan.

En juin 1941, 454 000 tonnes de produits ont été coulés par les sous-marins allemands. De janvier à juillet 1942, presque 400 bâtiments alliés ont été coulés, alors qu’il n’y a que sept sous-marins allemands qui ont été coulés. Ces pertes du début démontrent l’exploitation que faisaient les Allemands des fai­blesses du système des échanges allié — pas assez de convois, pas assez d’escorteurs, pas assez d’avions, pas assez de bases, et un nombre de sous-marins allemands qui a grandi d’environ 30 en 1939 à 300 en 1942.

Une des pires périodes du carnage en mer a eu lieu en mars 1943, quand l’ennemi a coulé 108 navires alliés, ce qui a causé la mort d’un très grand nombre de personnes, mais aussi la perte de 570 000 tonnes de frets.

Cependant, en mai 1943, il y avait des indications certaines que la formation, l’amélioration de l’organisation et les nouvelles technologies donnaient de bons résultats, et les forces aériennes et navales alliées trouvaient et détruisaient de plus en plus de sous-marins. C’est ce courage et cet acharnement, et puis ce revirement, qui sont commémorés le premier dimanche du mois de mai tous les ans. « Ces Canadiens ordinaires ont quitté leur vie ordinaire pour accomplir des choses extraordinaires », dit le ministre d’Anciens combattants Canada Greg Thompson lors d’une allocution, la veille de l’anniversaire, à l’édifice commémoratif des anciens combattants Camp Hill, à Halifax. « Ils se sont enrôlés en grand nombre […]. Ils ont sacrifié le confort et la sécurité de leur foyer […] et ils ont payé un prix terriblement élevé […]. »

Le ministre, regardant la foule et en particulier une rangée d’anciens combattants frêles assis tranquillement dans leur fauteuil roulant, dit « il y en a parmi vous, ici, aujourd’hui, qui connaissent très bien le sens du devoir, la signification du sacrifice, de la perte d’un être cher. Parce que vous avez vécu tout cela; pourtant, vous n’avez jamais vacillé. Vous avez combattu et souffert, et vous avez remporté la victoire; vous êtes pour nous une source d’inspiration. Et nous continuons à perpétuer le souvenir.

« Nous prenons le temps de réfléchir aux horreurs de la guerre, aux vies détruites et aux rêves de jeunesse perdus à jamais. Nous exprimons notre gratitude éternelle envers ceux et celles qui ont consenti le sacrifice ultime; ceux et celles dont le dernier lieu de repos ne peut être marqué d’une tombe. Et nous avons une dette éternelle envers vous. »

Susan Clark, à bord du HMCS Sackville, regarde des photos de son père. Les cendres de ce dernier seront confiées à la mer un peu plus tard. [PHOTO : DAN BLACK]

Susan Clark, à bord du HMCS Sackville, regarde des photos de son père. Les cendres de ce dernier seront confiées à la mer un peu plus tard.
PHOTO : DAN BLACK

Les gens qui ont servi dans le Nord de l’Atlantique font vite remarquer que la Marine et la marine marchande n’ont pas seulement escorté les convois dans l’Atlantique. Elles ont aussi participé toutes deux à pratiquement tous les théâtres de la guerre, y compris ceux de la Manche, de l’Arctique et de la Méditerranée, mais on oublie souvent de le reconnaitre. Le capitaine de la Marine à la retraite Mark Mayo, lors d’un discours qu’il prononçait au diner annuel du HMCS Sackville du Fonds de commémoration de la marine cana­dienne, qui cette année a eu lieu au Shearwater Aviation Museum, remarque qu’en 1942-1943, le Canada a acheté à l’Angleterre, entre autres, quatre destroyers de classe Tribal. « Nous les avons équipés et nous les avons maintenus dans les eaux britanniques jusqu’à la fin de la guerre en Europe. Cela a permis à la Marine royale de fournir des navires anti-sous-marins aux groupes qui participaient à la Bataille de l’Atlantique. Ces navires ont fait un travail formidable dans la Manche. L’un d’entre eux, le HMCS Athabaskan, a été frappé par une des premières bombes planantes allemandes » au large de la côte espagnole.

Le diner à Shearwater et l’après-midi à Camp Hill font partie des nombreuses manifestations réglées en l’honneur du 65e anniversaire, pour s’assurer que le service et les sacrifices des hommes et des femmes ne soit jamais oublié. Les gens d’Anciens combattants Canada et du ministère de la Défense nationale, ainsi que des bénévoles du Fonds de commémoration de la marine cana-dienne, ont été très occupés durant le début du mois de mai. La délégation officielle, organisée par ACC et menée par le ministre, comprend des représentants d’organisations d’anciens combattants et de la jeunesse. Le représentant de la Légion royale canadienne est le premier vice-président national Wilf Edmond, de la filiale Donkin (N.-É.), dont le frère aîné, John, a trouvé la mort quand le HMCS St. Croix a été torpillé et coulé, au sud de l’Islande, le 20 septembre 1943.

« J’avais 10 ou 11 ans », dit Edmond. « Je me souviens qu’on m’a rappelé chez moi à l’école, on m’a dit qu’il fallait que je rentre. Quand je suis arrivé, la première chose que j’ai remarquée, c’est que toute la maison était silencieuse. Maman m’a dit que Johnny avait été perdu en mer […]. »

Cinq officiers et 76 hommes du St. Croix ont été sauvés par le HMS Itchen. Malheureusement, un seul de ces hommes a survécu car le Itchen a été coulé deux jours après. « Johnny était chauffeur […]. Il s’était marié mais nous n’avons jamais vu son épouse. Je pense qu’elle s’appelait Margaret. Ils avaient une fille. J’ai fait des recherches quand j’étais à Terre-Neuve, mais elle a déménagé en Angleterre quand il a été tué. »

Edmond se souvient de son frère et a prié silencieusement pour lui à l’occasion d’un service, le 3 mai, à la Chapelle du Souvenir du Stadacona Faith Centre, à la BFC Halifax. Nombreux sont les gens qui l’ont accompagné durant la commémoration solennelle, dans cet espace silencieux enluminé par 24 vitraux — chacun de ces derniers représente un navire canadien, coulé par l’ennemi ou autrement, durant la bataille. Dans un livre du souvenir, dans la chapelle, est inscrit le nom de tous ceux qui ont servi dans la MRC et qui sont morts en service depuis que cette dernière a été instituée, en 1910. L’officier de ser­vice vient tourner la page chaque jour. Les cérémonies du vendredi sont plus elaborées et elles comprennent la lecture du nom de tous ceux qui sont morts durant cette semaine-là dans l’histoire de la Marine. Cette année, il s’agit du nom de tous ceux qui ont péri avec le HMCS Athabaskan (lequel a survécu à la bombe planante mais a été coulé, par une torpille, le 29 avril 1944), dont le capitaine et 128 hommes de plus. Il y en a beaucoup qui ont été faits prisonniers.

Le diner annuel du HMCS Sackville a normalement lieu à bord du navire. C’est la dernière corvette de classe Flower de la Seconde Guerre mondiale qui, de toutes celles qui ont participé à la bataille, est encore en existence. Le diner ne peut pas avoir lieu à bord cette année parce qu’elle est en cale sèche, en préparation, entre autres, des cérémonies de dimanche. Alors le diner pour 150 personnes a eu lieu au musée de l’aviation de Shearwater. Pour les organisateurs et les invités, se trouver assis parmi les aéronefs d’époque est une façon d’insister sur le rôle important que l’aviation a eu quand il s’agissait de protéger les convois transatlantiques, ainsi que le gros prix payé par leurs équipages.

Le capitaine d’aviation David Ernest Hornell, à qui la Croix de Victoria a été décernée de façon posthume parce qu’il avait accompli une attaque contre un sous-marin le 25 juin 1944, était un de ces aviateurs. Il a été obligé d’amerrir, sont aéronef grandement endommagé, et les membres de l’équipage passaient leur temps, à tour de rôle, à ramer dans un petit canot ou à s’y accrocher, dans l’eau glacée. Leur épreuve a duré 21 heures. Le capitaine est mort peu de temps après avoir été recueilli.

Les commémorations du dimanche comprennent une grande cérémonie au Halifax Memorial, au parc Point Pleasant, ainsi que des services en mer à bord du Sackville. Le monument en granite, érigé par la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth et dévoilé en 1967, est visible quand on est à bord d’un navire qui s’approche d’Halifax.

Environ 100 personnes sont montées à bord du Sackville nouvellement peinturé avant qu’il soit emmené au large du parc Point Pleasant par deux remorqueurs. La plupart des gens à bord sont des parents d’anciens combattants de la marine décédés dont les cendres sont confiées à la mer lors de ce qui est devenu un service annuel.

Le commandant du Sackville, Wendall Brown, reçoit tout le monde à bord, comme le fait l’aumônier Charlie Black de la part du Fonds de commémoration de la marine canadienne, l’organisation qui maintient le HMCS Sackville à flot en tant que monument naval canadien. « C’est un jour très dur pour beaucoup d’entre vous », dit Brown. « Il l’est également pour nous parce que nous confions les cendres d’amis et d’anciens équipiers […]. »

Les gens qui n’ont jamais été à bord d’un navire sont abasourdis par l’exiguïté de l’espace. Beaucoup ont de la difficulté à s’imaginer un navire si petit au milieu de l’Atlantique. « Le navire avait un équipage de 35 personnes à l’origine », dit Brown. « Au début, on pensait qu’ils vogueraient cinq ou six jours, à partir des ports défendus comme ceux d’Halifax, de Sydney et de St. John’s, et puis qu’ils reviendraient s’approvisionner. Mais ils ont fini par être utilisés comme escorteurs océaniques et ils voguaient jusqu’à l’autre côté de l’Atlantique. Plutôt que de partir pendant quatre ou cinq jours, ils sortaient deux ou trois semaines et, des fois, plus longtemps encore. Dans la cale, les ponts de mess étaient mouillés à cause de l’eau qui s’infiltrait par les écoutilles, les portes et tous les interstices […] et aussi à cause de l’eau que les hommes serrés dans un petit mess apportaient dans leurs vêtements. C’étaient des navires très robustes mais, quand la surface devenait houleuse, ils fonçaient à travers les vagues d’eau, leur proue en dessous et des nappes d’eau ruisselant sur le pont [..]. »

Avant les services funèbres, le Sackville a réglé son propre service de la Bataille de l’Atlantique, en même temps que celui qui avait lieu au parc Point Pleasant. Le long oriflamme rouge, blanc et bleu de l’église, indiquant qu’un service religieux a lieu à bord, flotte au-dessus du navire contre un ciel bleu brillant.

Les cendres de plus de 24 personnes sont confiées à la mer. Le père de Susan Clark avait 87 ans quand il est mort en septembre dernier. « Durant la guerre, il a navigué sur des navires comme celui-ci », dit-elle. « Il avait un surnom. C’était Diesel. […] J’ai trouvé quelques vieux livres dans ses affaires, du temps où il était chauffeur. Son écriture dans ces livres était tellement jolie […] et les dessins de partie de moteur qu’il faisait étaient vraiment remarquables. »

Scott McKee est à bord avec sa mère Bertha et son frère Michael. Son père, l’ancien capitaine de corvette Fredrick Gilbert McKee, a été conservateur et archiviste en chef du HMCS Sackville pendant des années. « Il a toujours voulu ceci », dit Scott. « Ce service nous aide beaucoup à nous souvenir de tous ceux qui ont servi notre pays en mer. »

Donald Wilcox, âgé de 84 ans, qui en avait 14 quand il est monté à bord du paquebot Athenia le 2 septembre 1939 avec sa mère, est aussi à bord du Sackville. « Selon la loi internationale, un vaisseau qui a commencé son voyage avant la déclaration de guerre devrait être préservé des actions de l’ennemi durant ce voyage-là », dit-il. À 19 h 15 à peu près, le 3 septembre, le navire de passagers a été torpillé par un sous-marin à quelque 250 milles nautiques à l’ouest de l’Irlande.

« Je me tenais tout en avant de la proue du navire et je regardais l’eau qu’elle coupait en dessous. Maman était sur le pont. Notre cabine était trois ponts en dessous, en classe touriste. Quand il a été frappé, le navire a sauté et il est retombé a bâbord. Il avait une inclinaison d’à peu près 35 degrés. »

Conformément aux instructions qu’on lui avait données durant les exercices de sécurité, il courut jusqu’à sa cabine chercher son gilet de sauvetage. « Tout le monde montait, et je descendais. Il faisait complètement noir dans le navire. »

Il a retrouvé sa mère quand il est retourné au pont principal. Ils ont eu la chance tous deux de pouvoir monter à bord d’un canot de sauvetage, mais ce n’était pas facile. À cause de l’inclinaison du navire, les échelles de corde de tribord étaient bien séparées du bord du navire. « Les vagues avaient à peu près 10 pieds de hauteur. Maman avait dans les 40 ans et elle est descendue devant moi. Quand on a atteint le bas de l’échelle, il a fallu sauter dans le canot de sauvetage, mais il fallait choisir le bon moment à cause des vagues. »

Un cargo norvégien a recueilli les rescapés de l’Athenia, mais des 1 400 passagers et membres de l’équipage, 118, dont quatre Canadiens ont péri. L’engloutissement du paquebot à destination de Montréal marquait le début de la bataille, longue et dispendieuse, de la marine marchande canadienne, de la MRC, de l’ARC et de la Marine royale en vue de protéger les voies maritimes de l’Atlantique Nord.

Joseph Fram, membre de la délégation d’Anciens combattants Canada, avait 20 ans quand il est entré dans la Réserve des volontaires de la Marine royale canadienne. Il a été témoin du naufrage de navires marchands et il lui est arrivé de se trouver en haute mer lors de tempêtes terribles.

Eugene McDonald des Anciens combattants de la marine marchande canadienne, décrivait qu’il y avait toujours beaucoup d’humidité et le temps était souvent mauvais et froid. Ce résident de Pointe-Claire (Qc) a aussi vu des navires marchands couler, et il fait remarquer que le danger était omniprésent.

« Une fois, lors d’une traversée, quelques escorteurs sont venus au milieu d’une colonne de navires et se sont mis à larguer des grenades sous-marines », se souvient l’ancien marin de la marchande Ian Sutherland de Sooke (C.-B.). « On les ressentait et il y a eu une commotion qui a fait sauter quelques rivets d’une de nos soutes et l’a inondée. Ce n’est que lorsqu’on est arrivés de l’autre côté et qu’on s’est mis à vider nos cales qu’on s’en est aperçus. J’avais 17 ans en ce temps-là. »

* * *

Arthur Taylor dit que le Jervis Bay, un vieux paquebot britannique qui avait été transformé en cargo armé, n’était qu’un des nombreux navires qui faisaient ce qu’il fallait faire durant la guerre. C’était un navire britannique, mais il se souvient qu’il y avait des Canadiens à bord. Il était Terre-Neuvien en ce temps-là et il se rappelle que c’est un matelot de Toronto qui le premier a vu le Scheer, lequel n’était qu’un « point à l’horizon ».

Armé de vieux canons de six pouces, le Jervis Bay escortait des navires marchands d’Halifax jusqu’à la Grande-Bretagne. Son capitaine, Fogarty Fegen, savait qu’il allait être bien moins bien armé que le gros navire ennemi, mais il décida de faire ce qu’il pourrait pour protéger le convoi. La Croix de Victoria lui a été décernée à titre posthume. « Nous avons lancé quelques bouées fumigènes et avons foncé droit sur lui », dit Taylor, qui était alors membre d’une équipe de canonniers. « Peu de temps après (le Jervis Bay) était en très mauvais état, frappé surtout à bâbord, et je crois que le pont avait été touché du premier coup […]. On s’occupait des canons et on faisait ce qu’on avait à faire. On le faisait, c’est tout. »

Le capitaine du Jervis Bay a été blessé gravement et il a été tué peu après, avec beaucoup d’autres personnes, qui, beaucoup d’entre elles, ont été touchées par des éclats.

Taylor se souvient d’avoir sauté à l’eau, du navire en flammes, et puis d’avoir nagé aussi vite que possible pour ne pas être aspiré lorsqu’il coulerait. C’était un bon nageur et le canot de sauvetage vers lequel il se dirigeait se trouvait à quelque 60 pieds.

Il a perdu connaissance environ une heure après être monté sur le canot de sauvetage. Il s’est réveillé à un hôpital d’Halifax. C’est l’un des 65 rescapés recueillis par le navire suédois Stureholm.

* * *

Ces quelques fleurs, qui s’éloignent en flottant derrière le HMCS Sackville, servent à commémorer le Jervis Bay et d’autres navires et marins perdus en mer. « Ce n’était qu’un flash rapide », dit Taylor, de retour à St. John’s. « Je pensais simplement à ceux qui ne sont jamais revenus. En ce temps-là, on priait et on remerciait Dieu d’être encore en vie. C’est comme ça; on doit continuer à vivre. »

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