Nouveaux records d’athlétisme

Les applaudissements vont de plus en plus vite quand le lanceur Wiley Collins empoigne son javelot et prend position. Les applaudissements accélèrent durant sa petite course et puis il exécute un lancer de 74 mètres dans l’air néo-brunswickois.

Il se fait applaudir non seulement par ses coéquipiers de la Division de l’Ontario, mais aussi par ses adversaires lanceurs de javelot qui participent comme lui aux Championnats nationaux d’athlétisme 2007 de la Légion royale canadienne, lesquels ont eu lieu du 8 au 14 août à Oromocto (N.-B.). L’habileté de Collins l’a placé tellement loin devant ses compétiteurs qu’ils l’encouragent à grands cris, non seulement pour la médaille d’or qu’il est presque certain d’obtenir, mais pour qu’il batte un record d’athlétisme de la Légion. Il le fait avec aisance. L’ancien record de la Légion, fixé en 2004 par Curtis Moss de la Colombie-Britannique, était de 68,29 mètres. Celui de Collins est de 74,35 mètres.

Il ne bat pas de record national, bien qu’il y en ait un qui est battu durant les épreuves de cette année, mais il a bel et bien obtenu l’or. Collins obtiendra aussi une médaille d’argent au lancer du disque et une autre au lancer du marteau, avant la fin des rencontres.

“J’exerce mon bras. Je joue au base-ball depuis des années comme lanceur et comme receveur”, dit ce garçon de London âgé de 17 ans. Collins espère obtenir une bourse en athlétisme d’une université des États-Unis.

Onze records de la Légion sont brisés aux épreuves qui ont eu lieu à la piste qui vient d’être construite à la Base des Forces canadiennes Gagetown. Il y a eu quelques jours durant lesquels le conseiller technique en athlétisme Leroy Washburn et la présidente des préparatifs locaux Helen Ladouceur se sont inquiétés en voyant les travailleurs poser le gazon et s’assurer que la superficie soit entièrement aménagée avant l’arrivée des athlètes.

Les peintres spécialistes de la préparation de pistes, des professionnels des États-Unis, avaient été retenus à la frontière durant deux jours pendant lesquels les autorités canadiennes vérifiaient leur permission de travailler au Canada.

Bien que la Légion s’occupe d’athlétisme depuis les années 1950, le programme national actuel n’existe que depuis 1977 et la première rencontre a été organisée à la piste de l’école secondaire d’Oromocto qui se trouve à 25 kilomètres à l’est de Fredericton. Les championnats ont grandi depuis lors et ils se sont passés à divers endroits à travers le Canada. La dernière fois que la rencontre a eu lieu au Nouveau-Brunswick, c’était en 1982.

Le vice-président national et président du Comité national des sports John Alger reçoit les athlètes le jeudi matin. “Depuis son origine, ici à Oromocto, en 1977, les Championnats nationaux d’athlétisme de la Légion aident les jeunes Canadiens à être plus rapides, plus forts et à aller plus haut”, dit-il.

Alger dit aux athlètes que la rencontre de cette année sert aussi à célébrer le 90e anniversaire de la victoire à la crête de Vimy et il constate une analogie avec ce que les Forces canadiennes font ces temps-ci. “En Afghanistan, aujourd’hui, on entend les mêmes sons que l’ennemi entendait à la crête de Vimy. C’est le son des Canadiens qui arrivent et nous pourrons être tout aussi fiers d’eux”, dit-il.

Blair Dugray d’Athlétisme Canada souhaite aussi la bienvenue aux athlètes : “N’en doutez pas. Certains parmi vous vont entrer en lice pour le Canada un jour”, dit-il. Il leur souhaite d’aller bien et dit qu’il espère que le camp soit un événement important dans le développement de leur carrière d’athlète.

Les athlètes écoutent aussi Joël Bourgeois de Grand Digue (N.-B.), deux fois olympien, qui a participé à des championnats d’athlétisme de la Légion quand il était ado. “Demandez-vous où est-ce que vous voulez être dans 10 ans. Où est-ce que vous voulez être en athlétisme et dans la vie? Où est-ce que vous voulez être dans cinq ans? Ou l’an prochain? Ou à cette rencontre? Voulez-vous obtenir une médaille d’or? Je n’ai pas oublié mes premières épreuves en athlétisme à Sudbury. J’ai terminé septième ou huitième : au milieu du peloton, c’est sûr. Mais je n’ai pas lâché”, dit-il. “Vous devez vous fixer des buts et vous efforcer de les atteindre.”

Bourgeois se souvient aussi d’un autre athlète, un peu plus vieux que lui, avec qui il est allé aux camps de la Légion. Cet athlète, Shawn Graham, qui n’a pas poursuivi de carrière sportive, est premier ministre du Nouveau-Brunswick aujourd’hui. “On apprend des choses dans les sports qui ne sont pas importantes rien que pour les sports mais bien pour tout dans la vie”, dit-il.

Les jeux sont ouverts, vendredi soir, grâce à un flambeau symbolique porté par des coureurs qui arrivent sur la piste et en font le tour. Environ 1 000 personnes se sont assemblées pour regarder les athlètes qui, portant l’uniforme de leur équipe, défilent autour de la piste derrière l’insigne de leur division à la suite de la garde du drapeau de la Légion. Le lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick Herménégilde Chiasson et Alger les passent en revue.

Un service commémoratif débute l’ouverture durant laquelle Alger et le président Tom Eagles de la Division du Nouveau-Brunswick déposent une couronne.

Le député fédéral Andy Scott, la députée provinciale Jody Car et le commandant de la base, le colonel Ken Chadder, prennent la parole pour saluer tout le monde. La mairesse d’Oromocto Fay Tid dit qu’elle est ravie que le militaire ait accepté de construire la piste car la municipalité ne pouvait pas se le permettre. “Nous nous sommes inquiétés du temps qu’il fallait pour la bâtir. S’il s’était agi d’une équipe de travailleurs de la ville, j’aurais eu mon mot à dire, mais c’est plutôt difficile de dire à un colonel comment s’occuper de la construction d’une piste”, dit-elle.

Ensuite, Chiasson lève un pistolet de départ, tire, et déclare que les Championnats nationaux d’athlétisme de la Légion 2007 sont ouverts officiellement.

Le temps est ensoleillé et chaud tout au long de la rencontre, la température atteignant les 30 degrés Celsius. Vu que les spectateurs doivent choisir ce qu’ils veulent voir, car il peut y avoir jusqu’à trois épreuves en même temps, la foule de plus de 1 000 personnes se déplace dans les gradins et autour d’eux.

Sabrina Nettey, âgée de 17 ans et sa soeur de 16 ans Christabel, de Richmond (C.-B.), fixent trois records à elles deux. Sabrina obtient l’or à la course de 200 mètres chez les moins de 18 ans en inscrivant un temps de 24:13, battant aussi le record de 24:19 qui avait été fixé en 1991 par Ladonna Antoine de la Saskatchewan. Elle remporte également l’or à la course de 100 mètres.

Christabel Nettey bat le record des 100 mètres haies et celui du saut en longueur chez les filles de moins de 18 ans. Sa course s’est déroulée en 14:00, brisant le record de la Légion de 14:06 qui avait été fixé en 2003 par Nikkita Holder de l’Ontario. Son saut, avec lequel elle bat le record de 5,83 mètres fixé en 2002 par l’Ontarienne Sarah Nelson, a été de 6,28 mètres.

Les deux soeurs font partie de l’équipe de relais 4×100 mètres de la Colombie-Britannique/Yukon qui obtient aussi une médaille d’or.

Les 100 mètres haies chez les garçons de moins de 18 ans sont remportés par le Québécois Simon Léveillé, en 13,74 secondes, qui bat ainsi le record de 13,98 fixé en 2002 par Cameron Sahadath.

Jacob Smith de l’Ontario brise de justesse le record de 6:00,35 qu’avait fixé l’Ontarien Joseph Brunsting en 2004 et fixe un nouveau record chez les garçons de moins de 18 ans en courant le steeple-chase de 2 000 mètres en 5:59,42.

Keynan Parker de la Colombie-Britannique/Yukon bat le record des 200 mètres chez les garçons de moins de 18 ans en inscrivant un temps de 21:44.

Jared Heldman, de la Colombie-Britannique/Yukon lui aussi, brise le record de la Légion au saut en longueur chez les garçons de moins de 16 ans. Il s’agit d’un saut de 6,82 mètres grâce auquel il remplace le record de 6,63 fixé en 2004 par Jeremy Yang de l’Ontario.

Aleksandr Kuternin de Toronto brise un record chez les garçons de moins de 18 ans, grâce à un temps de 8:28,09, à la course de 3 000 mètres, battant ainsi de justesse le record de 8:29,08 qu’avait fixé l’Ontarien Matt Leeder l’an dernier. Il obtient aussi l’or à la course de 1 500 mètres.

Bien qu’il joue aussi au basket-ball et au tennis, Kuternin dit que ce qu’il préfère c’est l’athlétisme. “J’aime le cross-country. C’est bien plus intéressant quand on court dans la boue, parmi les collines et les arbres”, dit-il. Il espère devenir athlète professionnel après l’école secondaire.

Alyxandria Treasure, âgée de 15 ans, est toute seule au saut en hauteur car ses compétitrices chez les moins de 16 ans ont abandonné, mais elle s’efforce quand même de sauter encore plus haut après avoir presque atteint le record de la Légion à 1,74 mètre. Elle saute un petit peu plus haut : 1,76 mètre. La foule est silencieuse quand elle s’élance et passe facilement par-dessus la barre. La section des acclamations se déchaîne. Elle essaie un autre saut, encore plus haut, pour briser le record national, mais elle n’y parvient pas. Elle doit se contenter de l’or et du nouveau record.

Vers la fin de la rencontre, dimanche après-midi, on annonce que Julie Labonté de Ste-Justine (Qc) a brisé le record chez les filles de moins de 18 ans au lancer du poids avec un jet de 13,95 mètres. On annonce d’abord qu’elle a battu le record de la Légion de 13,33 détenu depuis 2001 par l’Ontarienne Sultana Frizell, et puis ensuite qu’elle a aussi battu le record de 13,94 fixé en 2005, chez les jeunes Canadiennes, par Kaitlyn Andrews de l’Ontario.

Le dernier jour du camp, les athlètes visitent la base où ils ont l’occasion de voir de près l’équipement qu’utilisent actuellement les troupiers en Afghanistan. Des membres du Royal Canadian Regiment qui viennent d’en revenir sont présents pour montrer l’équipement, comme entre autres le véhicule d’assaut léger VAL III. Les athlètes obtiennent la permission de grimper sur les appareils et d’essayer l’équipement de protection individuel qu’on utilise lors du travail de déminage. Il y a aussi des chars d’assaut Leopard II sur place, comme ceux qui ont été achetés dernièrement et qui viennent d’arriver au front.

Les athlètes ont l’occasion d’épauler un fusil anti-char Carl Gustav qui nécessite une équipe de deux personnes, une pour charger l’arme et une autre pour viser et tirer. “Quand on en tire un, on est abasourdi un bout de temps. Le gars qui assiste le tireur risque même de se sentir encore pire”, dit un soldat expérimenté qui montre des parties de l’arsenal mortel utilisé couramment par les soldats lors de leur déploiement.

Ce qui est peut-être le plus fascinant pour les ados, c’est la salle où des bureaux sont installés en rangées, qui servent à des jeux d’ordinateurs. Sauf qu’il ne s’agit pas de jeux amusants comme ceux auxquels les athlètes sont habitués. Ce sont des programmes d’entraînement interactif conçus pour montrer aux soldats tous les dangers et obstacles auxquels ils doivent faire face, ainsi que la discrétion dont ils doivent faire preuve la nuit en patrouille.

Dans une autre pièce, des images informatiques grandeur nature sont projetées sur des écrans. Les soldats utilisent des fusils à laser qui interagissent avec les images pour tester leur adresse au tir, leurs réactions et leur prudence lors d’une patrouille au bord d’une route ou dans quelque autre situation.

Les dangers du combat sont communiqués aux athlètes de façon personnelle au banquet de fermeture qui a lieu à la base. Le caporal-chef Paul Franklin, dont les deux jambes ont été amputées au-dessus du genou suite à une attaque de kamikaze en Afghanistan, est l’orateur notable de la soirée. Franklin en était à sa deuxième affectation en Afghanistan, où il servait comme technicien médical attaché à l’équipe de reconstruction provinciale, à la province de Kandahar, quand l’attaque est arrivée.

“Au combat, on compte sur une équipe. Je leur fais confiance avec ma vie. C’est un membre de mon équipe qui m’a mis un tourniquet à la jambe gauche. Je lui avais montré comment deux jours auparavant”, dit-il.

Franklin parle de l’importance qu’il y a à maintenir une bonne forme physique. “J’ai survécu à 26 opérations et combattu des infections et, bien que j’ai été blessé en février, je faisais mes premiers pas au mois de mars. Mon poids a baissé de 200 livres à 130 livres… Mais j’étais en forme. Ça m’a sauvé la vie”, dit-il.

Franklin explique que malgré la perte de ses jambes, il est toujours dans les Forces canadiennes, où il aide les amputés et les autres soldats blessés au combat qui récupèrent à Edmonton.

Il y a un autre lien avec l’Afghanistan car les prix les plus importants décernés cette année sont dédiés au simple soldat d’Hamilton, âgé de 33 ans, Mark Graham. Graham avait fait partie de l’équipe ontarienne lors de la rencontre d’athlétisme de la Légion en 1989. En 1992, il faisait partie de l’équipe olympique canadienne qui a couru les 4×400 mètres à Barcelone, en Espagne. Il a servi dans le Royal Canadian Regiment de Petawawa (Ont.) par la suite et a été tué en Afghanistan, lors de l’incident de tir ami quand un avion des États-Unis a accidentellement tiré sur des troupes canadiennes, le 4 septembre 2006.

Kuternin et Christabel Nettey ont été désignés les meilleurs athlètes de cette année. Les meilleurs athlètes sont choisis, par un comité présidé par le président du Comité des sports, d’après leur performance et leur personnalité.

Ladouceur, en tant que présidente du Comité des préparatifs locaux, avait pour tâche de remettre une plaque à Gilles Lussier qui va faire le même travail qu’elle pour la troisième fois, à la rencontre d’athlétisme de 2008, à Sherbrooke (Qc).

Alger dit pour résumer, à la fin de la soirée, “En ce qui me concerne, vous êtes tous des gagnants. Vous emportez des souvenirs qui vont durer toute votre vie.”

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