Le 52e Congrès de la Division du Québec a été l’un des plus controversés de ces derniers temps. Quand 146 délégués accrédités se sont assemblés à Saint-Jean-sur-Richelieu, du 18 au 20 mai, ils n’ont pas perdu de temps pour porter à l’attention des membres du congrès ce qui les inquiétait, dont l’image de la Légion royale canadienne et les relations françaises-anglaises.
Le président national Jack Frost a fait directement face à leurs questions quand il est arrivé, le deuxième jour, pour diriger un forum. “Je suis prêt à entendre vos questions. C’est votre réunion, et je ne suis ici que pour vous aider par rapport à tout problème que vous puissiez avoir, afin d’essayer d’atteindre nos objectifs”, dit-il.
Il félicita la Division du Québec de son succès dans les adhésions. La division a mérité deux prix nationaux en 2006 : le prix d’accomplissement du sociétariat et le prix du renouvellement. Toutefois, dit-il, “je vous demande de faire encore mieux. Le sociétariat est à la baisse. Il a baissé de 602 000 (membres à travers la nation) en 1984, le chiffre maximum jamais atteint, à 333 000, j’ai jeté un coup d’oeil aux statistiques la semaine dernière. C’est effrayant.”
Frost dit aussi qu’il allait y avoir des initiatives de recrutement comme une campagne publicitaire nationale et, peut-être, un an d’adhésion offert gratuitement aux membres des Forces canadiennes qui prennent leur retraite.
“Il faut que l’on sache que la LRC s’occupe des nouveaux anciens combattants tout autant que des vieux […]. Il y a de nouveaux groupes qui se forment tous les jours. Ces groupes sont tous bons […] mais nous avons besoin de ces gens à la Légion. Je vais recommander que nous les laissions garder leur identité, garder leur béret régimentaire […] et peut-être les insignes régimentaires sur leur veston, quelque chose qui les identifie et les garde dans notre grande famille.”
Les délégués l’applaudirent. Et ensuite ils ont parlé franchement.
D’observer un légionnaire : “quand j’étais jeune soldat au nord du Manitoba, on nous a convaincus de nous inscrire à la Légion en disant ‘les bars sont ouverts’. Malheureusement, aujourd’hui, les gens pensent que la Légion c’est un endroit où de vieux soldats sont devant un bar, saouls”. Il dit aussi que le public est souvent surpris d’apprendre l’étendue des oeuvres communautaires de l’organisation. “Il faut faire quelque chose pour l’image de la Légion.”
Frost répondit qu’il était tout à fait d’accord. “Je pense que nous allons de l’avant, mais nous sommes toujours vus comme une (opération) de bière et de bingo.” En même temps, il encourageait les divisions et les filiales à se servir d’une présentation multimédia de 20 minutes que la Direction nationale a créée pour renseigner les gens sur la Légion. “Il s’agit tout bonnement des relations publiques.”
La tension a monté quand des délégués francophones ont posé des questions à propos du respect de la Légion pour les Canadiens français. Certains ont demandé pourquoi le commentateur de hockey de la CBC Don Cherry, qui a fait des commentaires prêtant à la controverse à propos de joueurs de hockey francophones de par le passé, avait été honoré par une carte de membre à vie de la Légion.
Frost répondit que Cherry est un grand soutien des troupes canadiennes et des anciens combattants. “Je ne veux pas débattre à propos de si c’est un partisan du français […] mais la raison (de l’honneur) c’est tout le travail qu’il a fait pour les troupes outre-mer et les organisations d’anciens combattants.”
Pierre Laterrière de la filiale Citadelle de Québec a ensuite demandé au président de mettre ses écouteurs “parce que je vais parler en français. Vous avez parlé des façons qu’on peut améliorer le recrutement. La Légion doit se moderniser. Nous avons de jeunes membres des Forces canadiennes dans la région qui pensent que l’organisation est rétrograde, avec ses uniformes et ses autres traditions. C’est très difficile pour nous de les recruter. Pour y réussir, il faudrait une réforme radicale, pas ces demi-mesures”. De plus, dit-il, recruter des membres au Québec était entravé par “le fait français”.
Il se plaint aussi des publications qui sortent de la Direction nationale. “Elles sont pleines de fautes. C’est inadmissible. Si vous ne respectez pas les Canadiens français, ce ne sera pas facile de les recruter.”
La moitié du public applaudit.
De répliquer Frost, “je suis très désappointé s’il y a des documents qui sortent de la Direction nationale qui ont des fautes de français”. Il ajouta qu’il y a un personnel francophone au siège social pour traduire les documents, “alors je ne comprends pas qu’il y ait des fautes”. Il demanda aux délégués de faire part des fautes au secrétaire provincial qui en parlerait à la Direction nationale.
Le Congrès de Saint-Jean-sur-Richelieu commença sur une note plus collégiale vendredi soir à l’hôtel Relais Gouverneur. La présidente de la Division du Québec Paulette Cook accueillit les délégués, et puis le grand président honoraire et représentant national Charles Belzile déclara la manifestation officiellement ouverte. La présentation spéciale d’Un soldat à Vimy, organisée par Anciens combattants Canada et l’acteur Sylvain Hamel, a grandement amusé les auditeurs.
Le lendemain, les affaires commençaient par un rapport de Cook. “Je suis heureuse de rapporter que nous sommes restés dans les limites de notre budget et qu’il a même été excédentaire en 2006; pas de beaucoup, mais excédentaire tout de même. Elle remercia le trésorier Francis Baddeley et le personnel de la direction pour cet accomplissement car la division avait été déficitaire pendant quelques années auparavant.
Cook a aussi encouragé les filiales à redoubler leurs efforts de recrutement. Le sociétariat des 126 filiales québécoises a diminué, de 17 933 en 2005 à 17 421 en 2006. “Ceux qui parmi vous habitez près d’une base des Forces canadiennes, c’est le moment d’organiser un comité de bienvenue pour ces hommes et femmes. Invitez-les à vos filiales. Faites-leur voir ce que ça signifie de faire partie de la Légion royale canadienne.”
Le défilé au milieu de la matinée attira jeunes et vieux. Les délégués se sont assemblés à la garnison de Saint-Jean et se sont mis en formation avec plus de 100 recrues des FC qui y obtenaient leur entraînement. Ils ont défilé jusqu’au cénotaphe où, à l’occasion d’une cérémonie commémorative émouvante, le commandant de l’École de leadership et de recrues des Forces canadiennes, le lieutenant-colonel Christian Mercier, a demandé aux délégués de se tenir face aux jeunes soldats. “Aujourd’hui, chers anciens combattants, je désire vous dire que nous sommes fiers de vous. Votre courage, votre dévotion et vos sacrifices ont fait du Canada une des nations les plus respectées au monde.”
Des couronnes ont été déposées, pendant que la musique des FC jouait, par la présidente Cook, Belzile, la mère de la Croix d’argent Louisa Lanteigne Robichaud, Mercier, la directrice régionale d’ACC Charlotte Bastien et un représentant du maire Gilles Dolbec.
Les affaires ont repris après le dîner.
La représentante d’ACC, Bastien, a informé les délégués des différentes initiatives sur lesquelles son ministère est en train de se pencher, y compris la mise en place des droits de l’ancien combattant et du bureau de l’ombudsman des anciens combattants, l’amélioration du Programme d’autonomie des anciens combattants et le raffinement de la nouvelle Charte des anciens combattants. “Un de nos objectifs principaux […] est de trouver des manières de fournir aux anciens combattants davantage d’options dans le cadre du système de santé, ainsi que des services et des avantages plus flexibles.” Bastien a reconnu le rôle important de la Légion quand il s’agit d’aider le ministère à s’acquitter de son mandat.
Belzile a beaucoup donné à réfléchir quand il s’est adressé aux délégués. À propos du fait que 40 pour cent seulement des membres ont servi, il avertit que “notre crédibilité en tant qu’organisation d’anciens combattants est en danger. Pour remédier à cette situation, il faut trouver et prendre contact avec les membres des FC locaux à la retraite et les encourager à s’inscrire.”
Il demanda aux légionnaires qu’en plus de leur offrir des encouragements comme l’adhésion d’un an gratuite, ils s’assurent que l’environnement soit agréable pour tous les anciens combattants. “Nous ne désirons pas d’histoires à propos d’une filiale et de ses membres qui ne croient pas qu’une personne ayant 30 ans de service n’est pas un ancien combattant”, dit-il.
Belzile insistait aussi sur le besoin de vivre avec son temps. “Camarades, il nous faut changer. Il y a tout simplement trop de gens dans la gouvernance et c’est bien trop dispendieux.” À propos de la Commission de la LRC sur la gestion que Frost a organisée, il dit : “nous faisons notre part à la Direction nationale, mais c’est aux membres que revient la tâche d’entériner ces procédés”.
Bien qu’il y ait eu quelques surprises durant le processus d’élection, les délégués ont choisi un exécutif expérimenté. Comme lors du Congrès de 2005, où le premier vice-président fut défié pour la présidence, la première vice-présidente Annette Arsenault de la filiale Duvernay de Laval s’est portée candidate en même temps que Jean Thériault de la filiale Joseph Kaeble VC de Rimouski. Ironiquement, c’est Thériault qui avait été premier vice-président en 2005; cette année-là, il perdit contre Cook. Cette fois-ci, c’est Arsenault qui a gagné.
Fille d’un vétéran de la Seconde Guerre mondiale, Arsenault a deux filles, Karine et Stéfanie, et un petit-fils, Brandon. Bien que son expérience soit en comptabilité, elle travaille au département des télécommunications de l’Hôpital général de Montréal. Membre associée depuis 16 ans, elle s’était engagée à la Légion même avant ça. Quand elle était dans la vingtaine, Arsenault apportait sa guitare à l’Hôpital Ste-Anne et chantait pour les anciens combattants.
Le dévouement envers les anciens combattants est commun chez les membres de sa famille. La soeur d’Arsenault, Margot, de la filiale Frontenac de Montréal, a aussi été réélue à un poste de vice-présidente de la Division du Québec.
Toutes les tentatives faites par Thériault pour retourner à l’exécutif divisionnaire ont échoué. Dans la course à la première vice-présidence, Robert Groulx de la filiale St. Francis d’East Angus a battu plusieurs candidats, y compris l’ancien président Norm Shelton de la filiale Terrebonne Heights de Mascouche Heights. Shelton, ne se laissant pas dissuader, offrit sa candidature à un poste de vice-président et l’obtint. Jean-Robert Pépin, de la filiale Citadelle de Québec, entra dans les rangs à la vice-présidence.
Le président des débats Bill Allan de la filiale Montcalm Memorial de Rawdon a eu un vote de confiance de l’audience quand il a été réélu. Il remercia sa coprésidente, la vice-présidente sortante Susan Donnelly, de son bon travail. Donnelly, les larmes aux yeux, refusa de poser sa candidature à nouveau pour des raisons de santé.
Le seul poste qui ait été voté par acclamation est celui de trésorier. Francis Baddeley de la filiale Pointe Saint-Charles de Montréal a accepté le renouvellement de son mandat avec assurance. “Je pense que j’ai la sécurité à vie à cet emploi”, dit Baddeley pour rire.
Toutefois, il ne riait pas quand il s’est dit déçu à propos du manque de réponse à son initiative ayant pour but de ramasser 650 000 $ en cinq ans pour le petit hôtel de la Légion royale canadienne à l’Hôpital de Sainte-Anne. Le petit hôtel offrirait un gîte temporaire aux visiteurs.
Baddeley fit remarquer que, malgré le soutien prédominant exprimé au Congrès de 2005 quand il a annoncé le plan, 71 000 $ seulement avaient été ramassés. “La seule chose qui est arrivée (depuis) c’est que nous n’avons pas ramassé beaucoup de fonds.” Il conseilla de ne pas demander le soutien du public et des entreprises. “Quand cette motion a été déposée, nous avons dit que (la Légion) allait le faire.”
Le trésorier exhorta les filiales d’utiliser le reste de leurs fonds du coquelicot pour ce projet. “Je sais qu’il y a des filiales qui n’utilisent pas leurs fonds.”
Sur les 20 motions dont on a discuté, quelques-unes concernaient des problèmes d’anciens combattants. L’assemblée a voté de préconiser une augmentation du personnel d’ACC dans le but d’obtenir de meilleurs services pour les conjoints et les veuves des anciens combattants. De plus, les membres ont décidé de demander à ACC de ne pas continuer d’exiger que les anciens combattants qui ont une carte de la Croix bleue signent un formulaire “qui justifie l’achat de médicaments ou des couches pour (leur) propre utilisation”. Ils ont aussi donné leur accord pour que la Division du Québec augmente le prix des plaques d’immatriculation des anciens combattants de 5 $ à 10 $.
À propos du français, les délégués ont demandé à leur direction de faire pression au siège social pour s’assurer que “les services de traduction soient professionnels et convenables pour toutes les communications écrites”.
Après un long débat, les délégués ont voté de décerner la médaille d’excellence des cadets à un membre de chaque peloton de cadets au Québec plutôt qu’à 50 pour cent d’entre eux seulement. Un groupe de travail va décider comment financer la distribution de la médaille.
Finalement, l’assemblée a demandé que les directions nationale et provinciale remettent les budgets, par écrit, à toutes les filiales trois mois avant un congrès.
La présidente Arsenault nouvellement élue a accepté toutes ces questions sérieusement. Après son installation, dirigée par Belzile, elle remarquait que “on a eu beaucoup d’idées à ce congrès. Nous devons nous renouveler, sans oublier que cette organisation a les anciens combattants comme raison d’être.”
Le prochain congrès aura lieu à Granby, en 2009.