Le terrain a été préparé et maintenant il y a des fleurs qui embellissent des centaines de tombes militaires à travers l’Amérique du Nord. L’Agence canadienne de la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth s’efforce depuis les années 1990 d’établir un programme régulier d’horticulture pour ses sites les plus grands. Le projet a pris de la vitesse durant ces dernières années; il y a 49 lots à travers le continent qui se font embellir actuellement, et il y en a d’autres à venir.
L’objet en est de faire ressembler davantage les sites d’enterrement du Canada à ceux des cimetières de la commission en Europe, à Hong Kong et ailleurs, dit Brad Hall, le secrétaire général de l’Agence canadienne. “C’est une progression naturelle de l’entretien des tombes militaires en Amérique du Nord.”
La CSGC, dont le siège social est au Royaume-Uni, supervise la commémoration de 1,7 million de particuliers qui ont perdu la vie en servant dans les forces du Commonwealth aux deux guerres mondiales; 110 000 d’entre eux étaient Canadiens.
Les cimetières militaires de la commission, comme ceux de Tyne Cot en Belgique et Sai Wan à Hong Kong, sont renommés pour leur calme beauté. Beaucoup sont pleins de roses et leur arrangement d’arbres, d’arbustes à pousse basse et de plantes vivaces herbacées en font des emplacements qui ressemblent plus à des jardins qu’à des cimetières.
D’après la CSGC, le concept à la base des cimetières du Commonwealth est “la création d’une association sentimentale entre les jardins de chez nous et les champs étrangers où gisent les soldats”. C’est pour cela que le personnel horticole essaie d’utiliser des plantes qui sont indigènes dans les pays de ses membres. Sur les 710 acres que la CSGC contrôle à travers le monde, plus de 450 font l’objet d’un excellent entretien horticole.
Bien entendu, les cimetières militaires les plus grands sont en France et en Belgique, où une grande partie des combats ont eu lieu. La commission n’a pas de cimetière au Canada. Toutefois, fait remarquer Hall, il y a une chose qu’on oublie souvent. “Il y a plus de tombes canadiennes au Canada qu’en Italie, aux Pays-Bas, en Allemagne et à Hong Kong ensemble. Ici, nous nous occupons des coûts cachés de la guerre, les gars qui sont morts à l’entraînement, qui ont succombé aux maladies, ou qui ont servi outre-mer, y ont été blessés, sont revenus, et puis sont morts durant les années de guerre. Les gens, naturellement, ont tendance à se concentrer sur les cimetières impeccables qui représentent un sacrifice outre-mer visible. Mais il y a aussi de ces gens ici.”
Le nombre de morts caché était élevé. L’Agence canadienne s’occupe de 15 202 tombes militaires à presque 3 300 sites en Amérique du Nord, dans les 10 provinces, au Yukon, et à 47 des 50 états des États-Unis. La plupart des tombes sont soit toutes seules, soit en groupes de deux. “Nous nous occupons de lots qui se trouvent dans des cimetières civils, d’église, communautaires ou privés”, dit Bob Parsons, un inspecteur de l’Agence canadienne qui s’occupe du programme horticole de 195 233 $. Cet ancien officier de l’armée dit en riant, “autrefois, je les écrasais, les fleurs, je n’en faisais pas pousser”.
Jusqu’à ces dernières années, les gens qui visitaient les tombes militaires n’auraient remarqué que bien peu de fleurs, ou peut-être même aucune. “Les tombes militaires d’ici n’étaient pas oubliées”, dit Hall, “mais on n’y mettait pas le même accent.” Les pays d’origine, qui financent le travail de la commission (le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud et l’Inde) mettent l’accent sur les lieux d’enterrement étrangers. “Tout le monde regardait vers l’extérieur; personne ne regardait vers l’intérieur.”
En effet, le travail de l’Agence canadienne, pendant les quelques premières décennies, était simplement d’aller à la recherche de tombes militaires et d’y mettre une pierre tombale. Au cours des deux dernières décennies, l’agence a assemblé une base de données informatisée sur leur emplacement et d’autres renseignements fondamentaux, y compris leur état. La gestionnaire des documents Johanne Neville s’occupe de cette base de données et des demandes de renseignements du public. En même temps, les cinq ins-pecteurs de l’agence, c’est-à-dire Hall, le sous-secrétaire général Dominique Boulais, Jerry Mayer, Annick Bilodeau et Parsons, essaient de visiter chacune des tombes tous les six ans, que ce soit en Saskatchewan rural ou à St. John’s (T.-N.). Bon nombre des tombes ont été l’objet d’un travail de restauration considérable ou elles le sont actuellement.
Quand Hall était sous-secrétaire général, durant les années 1990 (quand il travaillait avec le secrétaire général d’alors, Dan Wheeldon), il a jeté les assises du programme horticole. Grâce au financement du siège social au Royaume-Uni et à l’addition de deux inspecteurs au petit bureau d’Ottawa, le programme a eu l’occasion de grandir.
“On ne peut pas aboutir à un gros engagement à partir de rien du tout”, dit Hall. “Nous avons un programme progressif qui sert à cibler un certain nombre de cimetières chaque année. Le siège social nous est d’un grand soutien. Je n’ai pas vraiment été obligé d’exercer une pression.” En 2006, l’agence s’occupe de plusieurs emplacements : le cimetière Ross Bay à Victoria, le cimetière Mountain View à Vancouver, le cimetière Brookside à Winnipeg, le cimetière Beechwood à Ottawa et deux lots à St. John’s qui ont 50 tombes militaires.
“Nous finançons trois niveaux de travail horticole”, dit Parsons. Le niveau le plus rudimentaire, pour les tombes individuelles, est celui où l’on donne 30-40 $ par année à quelqu’un pour couper l’herbe et garder la stèle présentable. Le niveau suivant, avec un soin accru, comprend les cimetières plus grands comme celui du Mount Pleasant Group à Toronto. Ces sites nécessitent un entretien plus complexe, mais pas de fleur.
Le troisième niveau, avec embellissement floral, comprend les grands groupements de tombes militaires, qui en contiennent au moins sept ou huit chacun. Il y a actuellement 1 402 tombes qui sont l’objet de ce niveau de soins à travers le Canada. “Nous dépensons à peu près 136 000 $ pour les fleurs, ce qui revient à environ 97 $ par tombe durant l’été. Une grande partie de cela comprend la coupe du gazon”, dit Parsons.
L’agence n’impose pas de fleurs spécifiques, en partie parce que le Canada a des climats si différents, mais c’est aussi une question de créativité. “On traite avec des groupes de gens et des organisations disparates qui ont leurs propres façons de penser”, dit-il. “Il n’y a pas de mal à ça. Nous essayons de faire en sorte qu’ils soient présentables; nous n’essayons pas d’imiter les cimetières de la commission, qui ont des jardiniers dévoués.” Ceci dit, l’utilisation de géraniums rouges dans les cimetières comme Mountain View à Vancouver rappellent en effet, par exemple, le cimetière militaire canadien de Beny-sur-Mer, en France.
On est en train de donner la priorité à d’autres lots dans 70 cimetières canadiens en ce qui concerne le développement dans le cadre du programme horticole, ce qui représente presque un cinquième du budget d’exploitation de l’agence.
Hall dit que l’agence essaie de prendre le chemin le plus facile lorsqu’il s’agit de choisir les sites où travailler, comme les cimetières qui sont déjà embellis du point de vue horticole, ou les collectivités qui sont fortement militarisées. “Finalement, nous nous occuperons de celles qui sont plus compliquées, où il y a davantage de parties intéressées.
Parmi les sites les plus complexes se trouvent ceux où sont enterrés des morts de guerre et des anciens combattants. La commission n’est responsable que des sépultures des morts de guerre. Quant à Anciens combattants Canada, il n’a pas de programme horticole semblable pour les tombes d’anciens combattants. Vu que la plupart des gens ne font pas la distinction entre les deux sortes de tombes, dit Parsons, “nous essayons de ne pas causer des difficultés (à ACC)”. Toutefois, les organisations se sont serré les coudes auparavant, et elles travaillent actuellement avec d’autres groupes pour élargir le Cimetière militaire national dans le cimetière Beechwood à Ottawa.
Le programme horticole a eu un autre avantage, en plus d’embellir et augmenter la dignité des lots d’inhumation des morts de guerre du Canada. Hall dit que l’affichage coloré inspire la curiosité. “Les gens ordinaires qui viennent au cimetière demandent ‘comment se fait-il que ces gars sont différents?’ Cela crée de l’intérêt, cela donne lieu à des questions, et cela suscite ainsi la commémoration.”
Pour obtenir gratuitement un DVD sur le travail de la commission, prendre contact avec l’Agence canadienne, Commission des sépultures de guerre du Commonwealth, au 66, rue Slater, pièce 1707, Ottawa (Ont.), K1A 0P4, ou par téléphone au 1-613-992-3224, ou encore par courriel à cwgc-canada@vac-acc.gc.ca