Un retour spirituel au pays

photographies de Natalie Salat

Leur esprit égaré a finalement été rappelé chez eux. Leurs restes gisent peut-être encore en terre européenne mais, suite à une cérémonie spéciale sur la terre même où ils se sont battus, l’esprit de centaines de soldats aborigènes canadiens qui ont donné leur vie aux deux guerres mondiales est accueilli à leur foyer ancestral, au Canada.

Parmi ces âmes se trouve celle de grands-oncles de Dakota Brant, une jeune femme de 18 ans. L’adolescente au parler bien articulé, une descendante du chef mohawk du 18e siècle Joseph Brant qui s’est battu aux côtés des troupes britanniques à la guerre de sept ans, faisait partie des 13 jeunes Canadiens qui s’étaient joints à la délégation de 300 personnes lors d’un voyage spirituel en France et en Belgique, lequel a eu lieu du 26 octobre au 4 novembre. Pour Brant, qui étudie actuellement la langue mohawke et qui donne un coup de main à la Légion près de chez elle à Ohsweken (Ont.), c’était non seulement une occasion de rencontrer d’autres anciens combattants, mais de se rattacher à son passé. “Je veux demander à ma famille d’organiser un festin pour mes oncles. Dans la culture mohawke, on honore les morts par des festins. (Mes oncles) sont morts il y a plus de 60 ans, mais on n’en a peut-être jamais fait.”

Pendant bien des années, les peuples indigènes du Canada n’avaient pas les mêmes droits que la plupart des citoyens. Leurs cultures étaient aussi en danger à cause, entre autres, du pensionnat obligatoire décrété par le gouvernement. Ils n’avaient pas le droit de vote avant 1960 et, maintenant encore, ils continuent à chercher des règlements de revendications territoriales et à obtenir des indemnités suite aux injustices passées. Toutefois, quand les appels à la guerre ont été lancés, en 1914, 1939 et 1950, les Canadiens aborigènes ont répondu en grand nombre. À Anciens combattants Canada, on dit que plus de 7 000 personnes appartenant aux Premières Nations ont servi à la Première Guerre mondiale, à la Deuxième Guerre mondiale et à la guerre de Corée, et on ne sait combien d’Inuits et de Métis ont également servi. Un groupe d’anciens combattants autochtones estime à 12 000 le nombre des Canadiens aborigènes qui ont servi aux trois guerres. Parmi ceux qui sont allés outre-mer à la Première Guerre mondiale, 300 ne sont jamais revenus. Plus de 200 ont perdu la vie à la Deuxième Guerre mondiale.

C’est le sage spirituel Ed Borchert, un Métis qui a été major dans la Princess Patricia’s Canadian Light Infantry et qui est actuellement à la retraite, qui a eu la vision en 1998 concernant le rapatriement de ces âmes. “Cette vision m’est venue sur les ailes d’un aigle, un cri des ancêtres…qu’il fallait ramener les esprits de nos guerriers morts chez nous”, dit Borchert. L’aigle a une place spéciale dans nombre de cultures autochtones, où il est considéré comme étant le messager du Créateur.

“Aux deux guerres mondiales, il y avait des cérémonies quand on envoyait nos soldats à la guerre”, dit-il, “mais, ceux qui ne sont pas revenus chez nous, nous n’avons jamais eu l’occasion d’assembler leurs esprits et de les ramener chez nous. (La cérémonie) est une chose vraiment nécessaire. Elle va permettre à nos familles d’en finir avec leur deuil.”

Le voyage spirituel, financé par Anciens combattants Canada et organisé conjointement avec un groupe de travail aborigène et Affaires indiennes et du Nord Canada, comprenait des sages spirituels, des anciens combattants aborigènes, des soignants, des membres du personnel ministériel et des dignitaires comme la ministre Albina Guarnieri d’Anciens combattants Canada, la Gouverneure générale Michaëlle Jean et la présidente nationale Mary Ann Burdett. Nombre des 52 groupes culturels composant les Premières Nations du Canada étaient représentés, comme l’étaient les Inuits et les Métis.

À la mi-octobre, la première vague de participants, dont Borchert, arrivait en Belgique pour construire une longue maison et des tipis qui allaient servir de site cérémonial dans les bois du mont Kemmel. Situé au sud d’Ypres, l’endroit avait été une installation militaire auparavant, et il se trouve dans une région où ont eu lieu des combats parmi les plus importants de la Première Guerre mondiale : la Flandre.

Trevor Gladue, un Métis d’Edmonton qui a servi en tant que soutien cérémonial, croit mieux comprendre maintenant ce que les soldats canadiens doivent avoir enduré. “Quand je suis arrivé ici, il pleuvait, le temps était morne et humide; nous avons travaillé dans la boue pendant les 10 premiers jours. (Pour venir ici) il nous a fallu conduire à travers ces tombes (militaires) tous les jours. C’était vraiment difficile, et on sentait vraiment cet esprit de mort et de tristesse.”

Heureusement que les Belges ont ouvert leur coeur à la délégation, et qu’ils ont donné la permission de désigner le terrain du mont Kemmel territoire canadien pour la cérémonie, ainsi que fourni du matériel et un soutien logistique.

Bernard Heens, le maire de la ville avoisinante de Heuvelland, dit que c’était “un grand honneur” pour lui et ses concitoyens de participer à la préparation de la cérémonie et apprendre la culture des Premières Nations, des Métis et des Inuits.

Ce pèlerinage inédit a commencé officiellement à Ottawa lors d’une cérémonie de départ, à l’aube, à l’île de Victoria. L’île, située au pied de la chute des Chaudières, servait autrefois d’escale aux peuples indigènes. Après la cérémonie eut lieu un dîner au Rideau Hall auquel assistaient le Premier ministre Paul Martin et la nouvelle Gouverneure générale, laquelle venait d’être installée dans ses fonctions. Le lendemain, un aérobus des Forces canadiennes déposait la délégation à Lille (France) sur une piste ensoleillée. Le chant et le son du tambour de Sam Wolf Leg et d’Adrian Goulet, des aides de cérémonie des Premières Nations de l’Alberta, ont ravivé les voyageurs au moins pendant un certain temps.

L’occasion permit à Goulet d’avoir une réunion de famille à laquelle il ne s’attendait pas et il put refaire connaissance avec son oncle Leo, un vétéran du jour J qu’il avait perdu de vue des années auparavant. L’aîné Goulet, un Métis de l’Alberta, était l’un des deux douzaines de participants autochtones anciens combattants. Ce légionnaire de 81 ans n’a toutefois pas eu beaucoup de temps pour bavarder car il a vite été emmené à un point de presse pour les médias du Canada et de la Belgique.

La mairie magnifique où avait lieu le point de presse a rappelé de mauvais souvenirs à Goulet. Elle lui rappelait le château d’Audrieu en Normandie, où les Allemands ont exécuté un certain nombre de prisonniers de guerre peu de temps après le jour J, y compris 22 qui comme lui étaient membres des Royal Winnipeg Rifles. “Nous étions près (du château) quand nous avons été capturés. Je ne sais pourquoi, les Allemands ont décidé de ne pas nous exécuter.”

Goulet se rappelle de la situation désespérée dans laquelle son régiment s’est trouvé, le 8 juin 1944, à 15 kilomètres à peu près des plages où il avait atterri. “Nous nous sommes fait massacrer. Ils avaient des chars et nous n’en avions aucun. Nous avions un PIAT (lance-bombes anti-chars d’infanterie). (Notre homme qui avait le PIAT) démolit un char, mais il a été repéré par l’autre et il s’est fait descendre. Et c’en était fini de notre anti-char.” Goulet a passé 10 mois cauchemardesques en tant que prisonnier des Allemands avant que la guerre finisse.

Malgré les atrocités commises par les gens de l’autre côté, Borchert a remarqué que les anciens n’ont pas honoré que les soldats alliés. “Selon notre tradition […] nous honorons nos ennemis parce que ce sont des guerriers aussi. Il y a un (cimetière) un peu plus loin le long de la route, celui de Langemarck. Quand on y entre, les esprits hurlent pour se faire reconnaître. Nous les avons déjà honorés avec nos chansons, pour qu’ils puissent se reposer.” Quant à la manière dont on procède pour les ramener chez nous, dit Borchert, “nous allons chanter, nous allons les honorer. Nos pipes vont ramener ces esprits chez nous afin que nos collectivités puissent guérir.”

Les pipes, qui sont sacrées pour les cérémonies aborigènes, servent de récipient pour rassembler les esprits. Les médecines traditionnelles, la glycérie septentrionale, la sauge, le tabac et le cèdre, allaient être brûlées, et il y aurait des chansons, des danses, le son des tambours, des sueries et des prières en plusieurs langues.

Bien que la cérémonie spirituelle fut interdite aux médias, nous avons été invités au lieu de la cérémonie par la suite; il ne restait pas grand-chose à part quelques foyers et un ensemble coloré de drapeaux avec des offres de tabac.

D’après Borchert et les autres participants, la cérémonie a été réussie. Il reconnaît qu’il se peut que ce soit difficile pour des non-aborigènes de comprendre le concept du rappel chez soi. “Nous invitons les esprits à se joindre à nous et à voyager avec chaque transporteur de pipe jusqu’à chez lui, là où les esprits d’autres guerriers attendent pour les recevoir.”

Adrian Goulet dit que l’expérience était “extrême”, et qu’elle a servi à unir les participants. “Nous sommes tous pareils, qui que l’on soit. N’importe si l’on transporte la pipe ou pas.” Le plus jeune membre de la délégation, Richard Eagle, âgé de 12 ans, était plus succinct quand on lui a demandé de quoi avait l’air la cérémonie. “Longue” dit-il avec un sourire espiègle. Il avait aidé son grand-père, Tom, de Yellowknife, tout au long des quatre jours.

Nombre de membres de famille accompagnaient les anciens combattants et les anciens en tant que soignants ou aides. À la fin des 10 jours, le sentiment familial s’était répandu à travers toute la délégation. Les figures étaient devenues familières, on s’embrassait à la place de se serrer la main, et bien qu’il y ait eu beaucoup de larmes, les anciens combattants et les anciens ont aussi apporté de l’humour à l’événement avec leurs farces et leurs histoires. Non seulement les participants en ont-ils appris davantage sur leurs propres cultures, ils en ont aussi appris davantage sur l’éventail des langues et traditions que continuent de créer les peuples aborigènes du Canada.

Comme dans toutes les familles, toutefois, il y a eu des hauts et des bas. Des questions de longue date ont été soulevées, en particulier le traitement des peuples autochtones par le Canada et l’alcool, ainsi que le protocole de la cérémonie. Ces questions ont donné lieu à des discussions approfondies parmi les gens de la délégation. Certaines ont été réglées plus facilement que d’autres, comme l’ordre où l’on déposerait les couronnes. D’autres, comme l’indemnisation pour les 700 Métis à peu près qui vivent encore, ne sont pas encore réglées.

Les expériences des soldats aborigènes du Canada, parmi eux le tireur d’élite prolifique de la Première Guerre mondiale Henry Norwest, surnommé Ducky, et le héros de la Deuxième Guerre mondiale et de la guerre de Corée Tommy Prince, étaient nombreuses et variées pendant et après les guerres. Certains, comme le transmetteur de la Seconde Guerre mondiale Elmer Sinclair, un Cri originaire de Selkirk (Man.) qui habite actuellement en Colombie-Britannique, pensent qu’ils ont été traités de manière équitable, et ils se disaient chanceux d’avoir appris à quels avantages ils ont droit par l’entremise de la Légion. “Le problème, c’était que beaucoup (d’anciens combattants autochtones) vivaient dans des habitations lointaines où la Légion n’est pas et où il n’y a pas de communication”, dit Sinclair, un homme plein d’esprit qui appelle ses fils les Magnificent Seven (le titre anglais du film Les sept mercenaires n. d. t.).

Dans bien des cas, les agents des sauvages n’ont pas dévoilé aux anciens combattants les avantages qu’ils pouvaient obtenir dans le cadre de la Charte des anciens combattants. En 2002, le ministre d’Anciens combattants d’alors, Rey Pagtakhan, a annoncé un règlement de 39 millions de dollars aux anciens combattants des Premières Nations pour régler leurs vieux griefs.

Les sages spirituels eux-mêmes ont mis la politique de côté pour s’occuper de la cérémonie de rappel, et ils insistaient que l’on fasse la même chose à propos de l’alcool. D’observer Sam Adolph, un sage spirituel de Lillooet (C.-B.) : “J’en connais beaucoup sur l’alcool et les drogues, et ce qu’ils ont fait à notre peuple. Lors d’une cérémonie comme celle-ci, je me sens assez triste quand les gens ne peuvent les mettre de côté durant les 10 jours, que nous puissions faire notre travail. L’alcool et les drogues ne s’incorporent pas bien aux sacrements indiens.”

Alors qu’Adolph et les autres anciens s’isolaient au mont Kemmel, les trois autres groupes de la délégation, les anciens combattants, les jeunes et les interprètes, suivaient leur propre chemin. Des fois, ils se séparaient, comme lorsque les musiciens, les chanteurs et les danseurs ont donné des représentations follement populaires dans des écoles, des parcs et des mairies. À l’affiche se trouvaient des interprètes de chant gutural inuits, la Saskatchewan First Nations Drum and Dance Troupe, des danseurs métis de Duck Bay (Man.), et le guitariste Danny Flett accompagné par la violoniste de 15 ans Sierra Noble, qui ont envoûté les foules grâce à leur musique vive.

Les interprètes se sont joints aux anciens combattants et aux jeunes lors des cérémonies aux mémoriaux de la Première Guerre mondiale en Belgique (la Colline 62, Passchendaele et Saint-Julien) et aux sites importants de la Seconde Guerre mondiale en Normandie (le cimetière militaire canadien de Beny-sur-Mer et le Centre de la plage Juno à Courseulles-sur-Mer). Ces événements ont été mis en valeur grâce aux traditions aborigènes, y compris l’allumage de la lampe inuite et le son du sifflet de l’aigle.

La Gouverneure générale Michaëlle Jean a intensifié la compassion et le charisme durant les deux jours qu’elle a passés avec la délégation en Normandie. Il s’agissait de son premier voyage outre-mer en tant que représentante canadienne de Sa Majesté la reine. En plus d’assister à un dîner informel donné pour les anciens combattants, Jean a révisé son emploi du temps et passé davantage de temps avec les 13 délégués de la jeunesse lors d’une visite au Centre de la plage Juno et à la fameuse plage. Là, Brant lui a offert une plume d’aigle, un cadeau qu’elle a accepté avec une étreinte.

Le lendemain, Jean s’est jointe à la délégation et aux dignitaires français à deux cérémonies bien différentes. Dans la lumière du matin, entourée par les tombes bien entretenues de Beny-sur-Mer, Jean parla solennellement. “Je crois vraiment que la guérison a lieu quand on reconnaît et qu’on transcende notre chagrin et nos pertes, et quand on s’engage à faire triompher les forces créatrices contre les forces destructrices.”

Pour le vétéran de la Seconde Guerre mondiale Howard Anderson, chef de longue date de la Première Nation Gordon en Saskatchewan, le point culminant a eu lieu quand il a trouvé la tombe de son neveu Kenneth Wilfred Pratt, qui est mort le 7 juin 1944.

En après-midi, au Centre de la plage Juno, Jean a dansé avec les danseurs métis à la suite d’une cérémonie pittoresque en l’honneur du dévoilement de l’inukshuk bâti par Peter Irniq, l’ancien commissaire du Nunavut. Irniq dit que le voyage a beaucoup servi à unifier les peuples aborigènes du Canada, et il expliqua que cet “inukshuk messager” aurait une fenêtre “à travers laquelle on peut regarder pour relier les tombes des guerriers qui gisent en Europe avec leurs parents, amis et compatriotes au Canada”.

Les jeunes délégués, pensant qu’il y avait eu moins d’occasions de spiritualité qu’ils n’en auraient aimé, réglèrent leur propre cérémonie matinière à l’extérieur de l’hôtel de Lille; ils avaient aussi demandé la permission de se joindre aux anciens combattants dans les autocars et aux repas.

Le lieutenant-gouverneur de l’Ontario James Bartleman, un membre de la Première Nation Mnjikaning, s’est adressé surtout aux jeunes au Mémorial de Saint-Julien. “Beaucoup de choses ont été accomplies mais il en reste encore plus à faire. Honorez ceux qui ont donné leur vie en acceptant le flambeau et en terminant le travail qui a été commencé par vos arrière-grands-pères, vos grands-pères, et vos pères. Vous avez le droit de vote, ce que les soldats (aborigènes) n’avaient pas. Servez-vous-en et défendez les droits des peuples aborigènes et de tous les Canadiens au Parlement.”

Les interprètes et la garde d’honneur aborigène–des membres des Forces canadiennes et de la GRC–commencèrent à former des cercles pour discuter de leurs expériences spirituelles, dont certaines étaient profondes et inhabituelles. “Il y en a qui sont venus ici en pensant que ce seraient des vacances”, dit Sherry Noble. “Mais cela les a changés.” Pour sa fille Sierra, comme pour bien d’autres, il n’y a pas eu d’événement plus accablant que la fameuse cérémonie de la sonnerie aux morts à la porte de Menin, à Ypres. Le monument comporte les noms de 54 896 soldats du Commonwealth qui sont morts au saillant d’Ypres durant la Première Guerre mondiale et dont la tombe n’est pas connue. Les habitants d’Ypres y règlent une cérémonie tous les couchers du soleil depuis le 11 novembre 1929 (sauf lors de l’occupation allemande durant la Seconde Guerre mondiale).

Jamais auparavant les Belges n’avaient-ils été témoins d’un contingent entièrement aborigène qui dansait, sous les arches colossales, au chant autochtone. Deux mille personnes se tenaient côte à côte et regardaient les interprétations dans un silence révérencieux. À la suite de la sonnerie aux morts, Sierra Noble a joué la complainte, Grandma Blanche, qu’elle avait composée pour feu son arrière-grand-mère. Ensuite, elle a été réconfortée quand sa mère l’a embrassée et que trois enfants belges lui ont montré spontanément leur affection.

Des centaines de coquelicots ont voleté jusqu’au sol depuis les ouvertures en haut du monument pendant que jouait la Musique centrale des Forces canadiennes. Lorsque après la cérémonie les gens s’entassaient de manière exubérante, la Belge Julie Hübrecht de 14 ans disait que “c’était spectaculaire. Ça vous prend au coeur.”

C’était aussi un moment spécial pour Dakota Brant. Au monument, elle a trouvé le nom de son grand-oncle, le lieutenant Cameron Brant. À 28 ans, il était commandant d’un peloton du 4e Bataillon d’infanterie du Canada et il perdit la vie en 1915, près d’Ypres, en contre-attaquant des tranchées ennemies à la tête de ses hommes. “Il faudrait avoir un coeur de pierre pour ne rien ressentir”, dit-elle.

La cérémonie commémorative du lendemain, au cimetière canadien sur le terrain du Monument commémoratif de Vimy (qu’on est en train de restaurer), est celle qui a frappé le plus la présidente nationale Burdett. “On peut dire que ce sont les esprits, on peut dire que c’est l’énergie, on peut l’appeler comme on voudra, mais on ressentait quelque chose de spécial là-bas”, disait-elle par la suite. Burdett dit que le voyage a été une expérience très touchante, et que “le sentiment de spiritualité dans celui-ci, pour nous tous, autochtones et non-autochtones, était beaucoup plus fort que tous les autres voyages auxquels j’ai participé”.

Quand la délégation revenait à Ottawa, le 3 novembre, l’atmosphère était vraiment différente durant le vol : plus animée et plus cohésive. Le lendemain, les anciens combattants, les jeunes et les anciens se sont joints à Albina Guarnieri pour lancer la semaine de l’ancien combattant à la cérémonie annuelle du Sénat. Après que le parfum du foin d’odeur fumant et le retentissement des prières et des chansons aborigènes se soient estompés, Guarnieri, surnommée récemment Dame Wapiti, parla du voyage spirituel. “Ce qui m’a impressionnée le plus a été la générosité d’esprit de ces gens. Pour des gens à qui nous essayions de donner un soupçon de reconnaissance, qui leur était dû depuis fort longtemps et qu’ils avaient bien mérité, on dirait que ce sont eux qui ont nous fait des offrandes.”

Pour Brant, qui portait la robe de mariage en peau de daim de sa tante à la cérémonie du Sénat, il y avait un certain soulagement d’être de retour au Canada. Après tout, elle retournait chez elle pour s’assurer que les esprits ancestraux puissent enfin reposer avec la famille. “En (Europe), même quand je me trouvais dans une pièce vide, je sentais que (les esprits) se pressaient autour de moi. Maintenant que nous sommes de retour au Canada, je pense qu’une grande partie de ce sentiment accablant s’en va, et je vais être plus confortable. Mais il va encore me rester, parce que mon travail n’est pas fini tant que je ne serai pas chez moi.”

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