Train de Héros

photographies de Mac Johnston

En ces temps de conflits, de troubles et de terrorisme autour du monde, l’année de l’ancien combattant a fait vibrer une foule de Canadiens. Elle a retenti à travers le pays en 2005, suscitant une appréciation des anciens combattants du Canada en tant que héros, comme ce n’est pas arrivé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Pour les vétérans de la Seconde Guerre mondiale qui nous restent, il s’agissait de se trouver sous les projecteurs au crépuscule de leur vie. Cela n’a pas été plus évident que dans le train spécial du jour du Souvenir de Via Rail qui a quitté Halifax pour se rendre à Ottawa à la cérémonie du jour du Souvenir le 11 novembre.

“On s’est amusés en masse”, dit le vétéran de la Seconde Guerre mondiale Bill Jenkins, âgé de 89 ans, de la filiale Colchester de la Légion, de Truro (N.-É.). “On s’est marrés comme des fous tout le long du voyage. J’ai été ébahi du nombre de gens qui se sont assemblés à chaque gare, c’était incroyable. Au milieu de la nuit, à minuit, on est passés par un endroit appelé Campbellton (N.-B.). Je parie qu’il y avait trois, cinq cents personnes qui étaient là en train d’agiter des drapeaux. Et c’était une nuit venteuse et froide. C’est le genre de réception qu’on a eu à chaque arrêt de gare qu’on a fait entre Halifax et Ottawa.”

En fait, à Campbellton, nous avons été accueillis par le conseil municipal, des cadets et un orchestre de cornemuses. Le maire est monté à bord du train et a distribué des épingles municipales aux passagers qui ne s’étaient pas encore couchés. Quelques minutes après, de nouveau en route, nous ralentissions à nouveau au petit village de Tide Head (N.-B.) où quatre véhicules d’extinction, plusieurs voitures de patrouilles et les phares de nombreux autres véhicules illuminaient la noirceur alors que les résidents locaux faisaient fi du froid nocturne, et du fait que le train avait 90 minutes de retard, pour faire montre de leur appréciation envers les anciens combattants qui se trouvaient à bord.

C’était comme ça le long du chemin. En Nouvelle-Écosse, les grandes foules à Truro et à Amherst comprenaient de nombreux écoliers qui portaient des écriteaux en signe de reconnaissance. Le plus commun était l’écriteau Thank You (merci), publié dans le Halifax Chronicle Herald, où le “o” était remplacé par un coquelicot. Il y avait aussi des écriteaux faits à la main. Il y avait des écriteaux aux plates-formes des gares et d’autres étaient portés par des spectateurs dans les villages comme Westchester Station et nombre de passages à niveau à travers la campagne.

Et ça s’est passé ainsi également de Sackville (N.-B.) à Moncton, où la gare de trains avait été décorée et où un orchestre et des anciens combattants sont montés à bord. Ensuite nous sommes passés par Miramichi, par Bathurst, par Campbellton et ailleurs. Chaque arrêt était un petit peu plus long que prévu et le train prenait du retard, mais une bonne partie du temps a été rattrapé durant la nuit alors que le train roulait vers l’ouest à travers le Québec.

Nous avions quitté Halifax en début d’après-midi, mercredi le 9 novembre, lors d’adieux avec tapis rouge de la lieutenante-gouverneure Myra Freeman, la musique de Stadacona des Forces maritimes de l’Atlantique et le passage du flambeau cérémonial par un ancien combattant à un jeune. Le lendemain matin, à Saint-Lambert (Qc), nous avons été reçus à nouveau par des spectateurs qui poussaient des acclamations. C’est là que Paul Côté, le président-directeur général de Via Rail, est monté à bord du train. Il a pris la parole à l’intercom et remercié les anciens combattants d’avoir pris le train et d’en avoir fait une occasion spéciale. Il est ensuite passé à travers plusieurs des voitures pour saluer les passagers.

Ensuite, il y a encore eu des spectateurs à Dorval (Qc). Et puis, grâce à des arrangements spéciaux, nous sommes passés directement de notre train au train de passagers Montréal-Ottawa. D’autres spectateurs nous ont acclamés à Alexandria (Ont.), la dernière partie du voyage en direction ouest. Après 24 arrêts, nous sommes arrivés à la capitale nationale, vers midi, jeudi le 10 novembre. La ministre Albina Guarnieri d’Anciens combattants Canada, un orchestre et une garde d’honneur de la Légion étaient présents à la gare et des centaines de spectateurs y acclamaient les anciens combattants. C’était un moment passionnant.

Le train du jour du Souvenir est exceptionnel de plusieurs manières. Avec un parc roulant de 33 unités, c’était le train de passagers le plus long du Canada Atlantique depuis nombre d’années; personne ne sait exactement depuis combien. En fait, Via Rail a dû faire venir des voitures supplémentaires de l’Ouest du Canada et de Gaspé pour en arriver à la configuration finale de trois locomotives, trois wagons-restaurants, 21 voitures-lits, trois voitures ordinaires, un fourgon à bagage, une “sky-car” et un vistadôme.

Via Rail a transmis un message aux passagers : “La voie ferrée est le grand symbole du Canada, la chaîne de rails en acier et traverses de bois qui relie les diverses parties de notre pays. Les soldats canadiens roulaient sur les rails vers l’est durant les guerres mondiales lors de leur transport vers les champs de bataille européens. Et maintenant, aujourd’hui, des anciens combattants survivants et leur famille s’en servent pour aller vers l’ouest afin que la nation puisse rendre hommage comme il faut à leur bravoure et pour commémorer ceux qui sont morts au combat et ceux qui, y ayant survécu, ont trouvé la mort par la suite.

“Ne les oublions pas. N’oublions pas le prix que nos soldats ont payé pour nous protéger du mal et assurer notre liberté et notre prospérité. Via Rail Canada est honorée de recevoir le train du jour du Souvenir, et nous sommes honorés de votre présence. Merci de tout ce que vous avez fait et de tout ce que vous êtes.”

À bord du train, quelque 275 anciens combattants étaient le coeur et l’âme des 460 passagers, plus environ 20 membres des médias. Il y avait une équipe de Via de 38 personnes; habituellement ils ne sont que 10 pour faire ce trajet. “C’est quelque chose qui n’arrive qu’une seule fois dans la vie de quelqu’un”, dit la gérante des services Norma Babineau, la patronne du train.

C’était la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale qu’un train avait trois wagons-restaurants, et chacun avait trois services au dîner et au souper. Certains passagers et membres des médias en sont venus à l’appeler “le train de soldats”. Quel qu’en soit le nom, l’atmosphère était enjouée.

Wilf Clouthier d’Arnprior (Ont.), âgé de 83 ans, un vétéran des Governor General’s Foot Guards de la Seconde Guerre mondiale et son épouse Nancy, âgée de 78 ans, sont montés à bord à Halifax pour faire le voyage de retour jusqu’à Ottawa. Leur voyage était un cadeau que leur faisaient leurs 11 enfants. “Mon épouse était une épouse de guerre et nous voulions aller voir le quai 21 (où elle a atterri en arrivant au Canada)”, dit Wilf. “Et en même temps, c’est notre 60e anniversaire… Le voyage a été super, incroyable. La grandeur et la manière dont il a été organisé. Il n’y a eu aucune bévue, nulle part. Il n’y a rien qu’on puisse vouloir et qu’on ne puisse pas aller chercher, ou bien on nous l’apporte. Nous en jouissons certainement.”

À Ottawa, beaucoup des voyageurs sont descendus à l’hôtel Delta à un prix spécial, alors que 75 à peu près allaient dormir aux logements militaires spartiates et moins dispendieux du Polygone de Connaught, à l’extérieur de la ville. Anciens combattants Canada faisait la navette aux manifestations majeures pour ces deux groupes. Le reste des voyageurs se sont arrangés tout seuls en ce qui concernait le logement.

Les gens du train ont assisté à la cérémonie nationale du souvenir au Monument commémoratif de guerre du Canada vendredi le 11, bien sûr, et la plupart ont visité le nouveau Musée canadien de la guerre l’après-midi. Le samedi, ils sont montés à bord d’un autre train pour le voyage de retour chez eux, un voyage qui allait se terminer à Halifax dimanche après-midi.

L’objet de tout ça était d’assister à la cérémonie du jour du Souvenir de l’année de l’ancien combattant. L’assistance au Monument commémoratif de guerre du Canada était bien plus nombreuse que d’habitude (quelque 25 000 spectateurs) alors il y en a qui ne voyaient pas très bien malgré les deux écrans géants, mais cela ne les a pas découragés.

“J’ai trouvé ce service commémoratif fantastique”, dit Jenkins, un lieutenant du 1er Bataillon de parachutistes du Canada durant la Seconde Guerre mondiale qui par la suite a été président du Nova Scotia Agricultural College. “Émouvant, bien sûr, comment pourrait-il en être autrement, mais l’organisation de tout ça. Qui que ce soit qui ait organisé ça (la Direction nationale de la Légion royale canadienne) mérite d’en être grandement félicité. Il a fallu beaucoup de travail pour tout ça. Des milliers de personnes se sont assemblées. Je n’ai jamais vu une célébration comme celle-là. […] À mes yeux c’était un spectacle fantastique. […] Le temps était beau et d’après moi c’était un des jours les plus mémorables de ma vie. C’est quelque chose qu’on n’oubliera jamais et je suis sûr que je parle pour les anciens combattants de partout au pays.”

Via a entrepris d’organiser le train du jour du Souvenir non pas pour le profit, mais en tant que projet de solidarité. C’est Ron Jackson, l’agent en chef des ventes au comptoir d’Halifax, qui en a eu idée en février. Fils d’un vétéran de la Marine royale du Canada de la Seconde Guerre mondiale, il en a parlé à certains de ses collègues et, quand il a testé le concept lors de présentations dans plusieurs filiales de la Légion et clubs de service, on lui a demandé d’accepter des réservations. La direction a manifesté autant d’enthousiasme, et le travail d’étoffer le concept fut lancé.

De dire Warren Hutt, président du local 4005 des Travailleurs canadiens de l’automobile qui représente les employés de Via au Canada Atlantique : “Nous avons pensé que c’était une idée fameuse du tout début […]. Ça fait plaisir de voir les membres ordinaires qui ont de bonnes idées et que la compagnie les accepte […]. De plus, c’est l’année de l’ancien combattant et je pense que cela touche presque toutes les familles d’une façon ou d’une autre, et nous savions tous que c’était une chose fantastique à faire.” Hutt fit une observation intéressante : “C’est comme ça que beaucoup des vétérans de la guerre sont rentrés chez eux.”

Beaucoup de gens et d’organisations y ont participé, y compris ACC et l’Armée du salut. Atlantic Superstore mérite une mention spéciale. De remarquer Ron Jackson : “Je les ai approchés et quelques heures après ils avaient accepté. Ils pensaient qu’il s’agissait de quelque chose qui fait plaisir. Ils n’ont pas hésité. J’ai tout demandé et ils ont tout fourni. Je voulais des côtes de boeuf, du saumon et du poulet, et plus de desserts que les gens auraient pu manger. Atlantic Superstore n’a pas hésité et ils ne cherchaient pas à obtenir grand-chose. Ils ont dit, ‘Nous ne voulons pas de publicité tapageuse. Nous voulons qu’on se concentre sur l’ancien combattant’, et c’est ce qu’on pensait depuis le début.”

La continuation de la commémoration était le thème sous-jacent aux yeux des organisateurs de Via. Sous la direction de l’agente des billets Nancy Risser, de Via, la gare de trains d’Halifax a été décorée à la manière des années 1940. “[…] Ma première idée était le coquelicot devant la gare, où il y avait une horloge autrefois […] et le reste m’est venu sans cesse, avec les trois sections d’exposition, l’armée, l’aviation, la marine, et une attention spéciale pour les femmes à la guerre”, dit-elle. “Et ensuite est venue l’idée des muffins et de vendre le café vingt-cinq sous, le stand de cirage de chaussures, la grande murale, une murale de 44 pieds de long en arrière. Ç’a commencé petit à petit, et ç’a grandi encore et encore.”

Trois musées locaux ont participé à la recréation de l’atmosphère de la Seconde Guerre mondiale et de ses trains de soldats, qui étaient le moyen de transport principal du personnel des services à travers le pays. Alors pour les gens d’un grand âge, c’était un sentiment de nostalgie.

Pour les quelques milliers d’écoliers qui ont visité la gare en groupes de classe, c’était une occasion d’apprendre.

Beaucoup ont signé un livre d’or. Le commentaire le plus fréquent était “Merci”, mais il y a eu beaucoup d’autres choses, comme : “Très bien. Beau travail.” “Je vais me souvenir.” “J’ai beaucoup appris. Merci.”

Le projet a aussi été apprécié par le personnel de Via. De dire Risser : “J’adore ça et j’apprends tellement de choses, c’est une partie extra et je m’amuse comme n’importe qui. Oui, c’est du travail, mais on aime beaucoup. Je suis une personne émotionnelle et j’ai rencontré de nombreux anciens combattants, et j’avais les larmes aux yeux et tout, alors j’aime ça.”

Durant les derniers 12 mois, l’accrochage à Anciens combattants Canada était : “2005 est l’année de l’ancien combattant : Célébrer. Honorer. Remercier. Se souvenir. Enseigner.” Aussi étonnant que ça puisse paraître, le train du jour du Souvenir a atteint les cinq objectifs.

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