Une visite au Musée national de l’aviation


par Laura Byrne Paquet

Un Nieuport 17 près de l’entrée du musée.

L’annonce dans les journaux cible les mamans et les papas qui ont pris congé pour pouvoir faire quelque chose avec les petits durant le congé de mars. On y promet des sensations fortes à un endroit qu’on appelle le paradis de l’hélicoptère, là où l’on peut explorer le monde tournoyant des aéronefs qui font du surplace grâce à des démonstrations et à des ateliers. L’annonce montre deux enfants qui regardent un hélicoptère avec une grande admiration, et si cela ne suffit pas pour vous convaincre, vous ou votre troupe, d’aller faire un tour au Musée national de l’aviation, il y a toujours le passage concernant le “populaire 10e concours annuel Lego”.

Situé à la rive sud de la rivière des Outaouais, à quelques kilomètres à l’est des édifices du Parlement, le MNA est reconnu pour ses expositions interactives remarquables et pour avoir la collection d’aviation la plus importante au Canada : une collection qui se range parmi les meilleures au monde, dit Francine Poirier, la directrice par intérim du musée. “Le Musée national de l’aviation traite de toute la gamme du patrimoine de l’aviation du Canada, de l’ère des pionniers à l’âge moderne, et du temps de la guerre tout comme du temps de la paix, dit-elle. Notre collection raconte l’histoire du vieux rêve qu’a l’espèce humaine de s’envoler, et de l’important rôle joué dans cette histoire par plusieurs centaines de milliers de Canadiens.”

Le nombre grandissant de visiteurs donne raison à Poirier qui dit que le Musée diffuse un message important. Du 1er avril 2000 au 31 mars cette année, le musée a attiré environ 170 000 personnes; il s’agit de 4 500 de plus que durant l’année fiscale précédente. Parmi les musées les plus importants de la capitale, le MNA s’est rangé 5e pour ce qui est du nombre de gens qui y sont allés durant l’an 2000. Le prix du plus grand nombre revenait au Musée des civilisations, à Hull (Qc), qui a attiré quelque 1,4 million de visiteurs. Le Musée canadien de la guerre, qui au mois de mars attendait encore des nouvelles concernant l’endroit où son nouveau chez-soi allait être, a attiré plus de 155 000 visiteurs en 2000.

À la fin du mois de mars, Poirier et d’autres gens du MNA attendaient encore des nouvelles à propos de si le gouvernement fédéral allait s’engager à y mettre des fonds pour la construction de la seconde phase du musée, un projet de 20 millions $ qui devrait permettre au MNA de mettre un toit au-dessus de sept avions qui subissent les hivers froids et humides et les étés oppressants, humides, d’Ottawa depuis des décennies. Parmi les sept avions il y avait un Bristol Beaufighter de la Seconde Guerre mondiale, un North Star de Canadair (un avion de voyageurs d’après-guerre), et un Viscount de Vickers (un avion de ligne à turbopropulseur). Il y a aussi le prototype du Dash-7 de De Havilland créé au milieu des années ’70. Le North Star de Canadair, dit Poirier, est le seul avion en son genre qui reste au monde.

Si l’extension a lieu, ce serait un important pas en avant pour le musée dont l’origine remonte à la fin des années 1920 et à un passionné du nom de John H. Parkin qui était alors directeur adjoint de la division de physique du Conseil national de recherche à Ottawa. C’est à Parkin qu’on attribue le mérite d’avoir agit rapidement après qu’il ait remarqué qu’il fallait préserver les objets du début de l’histoire de l’aviation canadienne.

Il savait que la vitesse s’imposait car quelque deux décennies avaient passé depuis que le Silver Dart eut volé pour la première fois au Canada, à Baddeck (N.-É.) le 23 février 1909. Cela faisait aussi 10 ans que la Première Guerre mondiale s’était terminée, et Parkin était conscient que certains des premiers avions du pays étaient sur le point de tomber en morceaux. En 1930 il a convaincu le CNR de mettre une partie de l’espace de ses couloirs à sa disposition pour la collection, laquelle comprenait alors surtout des moteurs d’avions de la période de la Grande Guerre. Quelques années plus tard, en réponse à une demande écrite de Parkin, le CNR acceptait le don d’un Camel 2F.1 de Sopwith appartenant à l’Aviation royale du Canada, le même genre d’avion qui avait joué un rôle immense dans l’aviation militaire canadienne durant la Première Guerre mondiale. “On sait que l’appareil dont il s’agit est pratiquement le dernier de son genre en existence, écrivait-il à son patron, le président du CNR H.M. Tory. Si le Conseil ne l’accepte pas, il va être détruit.”

Après que la Seconde Guerre mondiale eut commencé, le Camel était entreposé, ce qui était aussi le cas du reste de la jeune collection. Ce n’est que plusieurs années après la guerre que des passionnés de l’aviation se sont mis à penser qu’il fallait ramener la collection à la lumière du jour. Ils étudièrent plusieurs options et finirent pas choisir un espace d’exposition que leur offrait le ministère fédéral du Transport dans le nouvel immeuble terminus de l’aéroport Uplands à Ottawa. D’après les plans du jour, la nouvelle installation devait ouvrir en 1959, mais un accident bizarre mit un bâton dans les roues.

Un pilote de la United States Air Force, qui faisait la démonstration d’un Lockheed F-104A, dépassa le mur du son, faisant un bang sonique qui fracassa les fenêtres et déstabilisa les plafonds de l’immeuble terminus presque terminé. À cause de cela, le musée n’ouvrit ses portes au public que le 25 octobre 1960.

Bien que le musée manqua continuellement d’espace, le personnel posa les fondations de la bibliothèque et de la collection de photos du musée. On avait grandement besoin des deux car en ce temps-là il n’y avait pas de bibliothèque nationale pour les documents de l’aviation, et “une vérification en 1961 révéla qu’il n’y avait que deux photos de l’aviation aux Archives publiques”, écrivait K.M. Molson dans son livre de 1988 intitulé Canada’s National Aviation Museum : Its History and Collections.

Au début des années 1960, l’Institute of Aeronautical Sciences de New York faisait un don de plus de 600 livres au musée, et ce dernier achetait une collection considérable de matériel historique à une société de l’aviation de Vienne, en Autriche. Ces deux collections devinrent une bibliothèque qui aujourd’hui a plus de 10 000 livres, 7 000 périodiques reliés et 7 500 manuels techniques.

Quant aux photos, le musée a compté sur la générosité des fervents de l’aviation. Nombre de ces photos ne sont pas particulièrement intéressantes du point de vue de la photographie, mais pour les experts qui restaurent d’anciens avions, elles peuvent être inestimables car elles montrent les configurations exactes et les marques des avions. Aujourd’hui, le musée a 35 000 photos dans sa collection et beaucoup d’entre elles peuvent être vues au site Web du musée, www.aviation.nmstc.ca.

Durant les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, le musée a continué à collectionner des avions et des objets provenant d’aussi loin que de l’Afghanistan et de l’Inde. Il est intéressant de savoir que deux autres groupes de Canadiens en ont fait de même. Le Musée canadien de la guerre recueillait du matériel relié à l’aviation militaire, et l’ARC amassait des objets et des avions reliés à sa propre histoire, y compris un certain nombre d’avions allemands. En ce temps-là, la plupart des avions historiques de l’ARC étaient entreposés et exposés à Mountain View (Ont.), à une piste appartenant au dépôt de réparation no 6 de Trenton. L’ARC avait aussi des avions historiques au Canada de l’Ouest.

Au milieu des années 1960, les quartiers du musée à Uplands étaient trop petits, et le gouvernement décida de mettre les trois collections ensemble afin d’éviter les efforts répétés. En 1964, l’ARC quittait sa piste de Rockcliffe, le long de la rivière des Outaouais, et le ministère de la Défense nationale offrait trois hangars de la piste pour y abriter la collection fusionnée. Le 21 mai 1965, la Collection nationale de l’aéronautique ouvrait ses portes au public.

Rockcliffe avait une grande valeur pour une collection nationale de l’aviation. “C’était une des premières et des plus importantes bases au Canada. C’était aussi une des plus belles bases”, dit Stephen Payne, le conservateur de technologie aéronautique du musée.

Les pilotes faisant le premier vol de traversée du Canada y faisaient escale en 1920, la même année que l’aérodrome était établi. “Avec la formation de l’ARC en 1924, écrit Molson, Rockcliffe devint les seuls aérodrome et poste d’hydravion combinés jusqu’à ce que le poste aérien de Trenton ouvre, en 1931.” Les pilotes d’épreuves de vitesse américains F.M. Hawks et J.R. Wedell ont tous deux décollé de Rockcliffe lorsqu’ils ont fixé de nouveaux records de vitesse. La base servait aussi aux levés aériens et, malheureusement, c’est aussi le lieu d’une tragédie nationale qui a eu lieu l’après-midi du 12 mars 1931, quand l’as de la Première Guerre mondiale William Barker, un récipiendaire de la Croix de Victoria, s’est tué lorsque son avion s’écrasa sur la glace de la rivière des Outaouais.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le militaire a testé divers avions à Rockcliffe, et des avions remplis de courrier y décollaient vers l’Europe pour les soldats solitaires.

Le site de Rockcliffe était aussi un endroit pratique pour y loger le musée de l’aviation. Même de nos jours, la plupart des avions que l’on ajoute à la collection arrivent en volant de leurs propres ailes, et se posent sur la piste ou sur la rivière. Et la piste permet au musée d’offrir des vols aux gens qui viennent visiter le musée.

Avec le temps, les hangars de Rockcliffe n’étaient plus les meilleurs endroits où abriter une collection d’avions classiques fragiles. Vieux, en bois et secs comme la poussière, les édifices étaient une source d’inquiétudes constantes pour les passionnés de l’aviation qui avaient peur que les meilleures collections d’objets de l’aviation au Canada soient détruits par un incendie. Leurs craintes se sont avérées dénuées de fondement. Au cours des années 1970, ce sort a été celui de collections comparables à Calgary et à San Diego, en Californie.

En 1967, la collection devenait une partie du Musée national des sciences et de la technologie, appelé maintenant Société du Musée des sciences et de la technologie du Canada, mais elle est restée à son propre site à Rockcliffe. Les fervents de l’aviation continuèrent à demander un foyer permanent sécuritaire pour la collection et, en 1982, ils reprenaient grandement espoir quand le gouvernement annonçait le financement de nouveaux édifices pour le Musée des beaux-arts du Canada et pour ce qui allait devenir le Musée canadien des civilisations. C’est le ministre fédéral des communications, Francis Fox, qui a obtenu 20 millions $ pour la construction de la première des trois phases du musée de l’aviation à Rockcliffe.

Les travailleurs de la construction ont commencé à creuser le 25 mai 1983, et à cause de la grandeur des avions de la collection, l’édifice devait avoir au moins 12 mètres de hauteur et des portées ininterrompues de 45 mètres. Et vu que l’édifice triangulaire se faisait construire à côté d’une piste active, les directeurs du musée exigèrent que l’architecte situe les tuyaux et autres installations disgracieuses sous le toit afin qu’il ait bonne mine des airs.

En 1988, le musée de 13 138 pieds carrés était ouvert au public. Depuis lors, plus de deux millions de visiteurs y sont passés. La collection du musée comprend plus de 120 avions et d’innombrables objets comme les moteurs, les hélices, les instruments, les armes, les tenues d’aviateurs et les maquettes de soufflerie. Ses technologues ramènent les vieux avions à leurs normes d’origine en état de navigation et le musée à une réputation d’excellence quant au travail de préservation et de restauration.

“Le patrimoine de l’aviation canadien, militaire et civil, est riche et infiniment varié, dit Poirier. Il est peuplé de personnages merveilleux qui ont accompli de grandes choses dans leurs engins légendaires (et d’autres moins légendaires). Bien sûr, les avions du musée ne peuvent pas parler eux-mêmes. C’est pour cela que nous cherchons des moyens créatifs de raconter les histoires sensationnelles de ce patrimoine.”

Apprendre à propos du vol et de son histoire est facile et amusant grâce à plusieurs programmes. Plein vol, par exemple, est un programme interactif destiné aux ados et aux adultes qui se passionnent pour l’aviation. Il permet aux participants d’explorer les principes de l’aérodynamique, les contrôles et les instruments des avions, la navigation, la communication et la météorologie. Le coût en est de 115 $ et comprend l’instruction au sol, du matériel de référence à emporter chez soi et un vol d’une heure. Il y a aussi des tarifs pour groupes.

Vol de nuit est un programme pour les jeunes de cinq à 18 ans. Il coûte 22 $ par enfant et 11 $ par adulte qui les accompagne. Dans le cadre du Vol de nuit, les participants passent une nuit au musée à explorer la collection à la lumière de lampes de poche, à regarder des films et à assister à des démonstrations. “Nous sommes fiers du fait que nous avons réussi à exciter l’imagination de toutes sortes de gens, jeunes et vieux, experts et écoliers, hommes et femmes, et à nous assurer ainsi que ce legs magnifique ne disparaisse pas”, dit Poirier.

En entrant au musée triangulaire, le visiteur passe d’abord à côté d’une réplique en bronze de la sculpture, grandeur nature, que créait Tait McKenzie en 1932 : The Falcon. Il s’agit de la sculpture saisissante d’un homme ailé qui représente le désir éternel de la race humaine qui est de voler. Il y a aussi une réplique du Silver Dart près de l’entrée.

À partir de là, la collection est disposée en “îles”, chacune se concentrant sur une période différente des autres, ou sur un genre d’avions différent. Chaque île comprend des écriteaux où se trouvent des explications détaillées, carnets de vol inclus. La plupart, mais non pas tous, les avions exposés étaient fabriqués au Canada ou ont été pilotés par des Canadiens. Il y a des avions à réaction et des avions de brousse, des avions de chasse de la Première Guerre mondiale et des hélicoptères d’après la Deuxième Guerre mondiale. Le musée est aussi l’endroit où se trouvent les dernières pièces du malheureux Avro Arrow, le premier et dernier avion supersonique du Canada, dont l’annulation par le gouvernement de Diefenbaker en 1959 est, aujourd’hui encore, une source de controverse.

L’Arrow est très populaire chez les visiteurs. “Il est très en vue”, dit Payne. Il nous explique qu’une avalanche de livres et un docudrame récent à la SRC concernant l’avion ont “présenté le sujet à toute une nouvelle génération de gens”.

Payne fait aussi remarquer que le mandat du musée est de collecter surtout, mais pas exclusivement, du matériel canadien. Certains aéronefs ont eu un impact si intense sur l’aviation mondiale qu’ils méritent qu’on les acquière, dit-il. Payne dit aussi que l’aviation canadienne ne s’est pas développée dans le vide, alors il est bon pour les visiteurs de voir des avions canadiens entourés par d’autres avions de leur temps. Par exemple, deux Messerschmitt allemands sont exposés près d’un Spitfire, d’un Hurricane de Hawker et d’un Mustang que les alliés utilisaient durant la guerre, afin que les visiteurs puissent voir des avions des deux côtés du conflit.

Le conservateur dit qu’il est très important d’avoir un endroit où des technologies de l’aviation si importantes peuvent être entretenues et exposées. “La technologie de l’aviation est située à l’écart, ajoute-t-il. Elle a joué un si grand rôle dans notre histoire militaire et dans notre histoire civile qu’au fond elle mérite son propre musée. De manière conceptuelle, l’avion a changé le Canada plus qu’à peu près n’importe quel autre pays au monde […]. Je pense toujours au développement du Nord, à l’histoire du Nord, comme étant divisée en deux stades : avant et après l’avion.”

Comme on s’y attend, le musée plaît aux fervents de l’aviation dévoués. Il parraine un escadron de cadets de l’air, offre un endroit de rencontres pour les groupes comme les artistes de l’aviation et les opérateurs d’avions téléguidés, et loue ses installations aux organismes comme l’Association de la Force aérienne du Canada.

Bob Tracy, directeur exécutif de l’Association de la Force aérienne, dit que son organisation utilise le musée continuellement pour faire des recherches et en tant que lieu de manifestations comme la cérémonie commémorative de la bataille d’Angleterre. Il dit aussi que le personnel du musée et celui de l’association se partagent souvent des ressources pour répondre à des questions sur l’histoire de l’aviation. “Nous travaillons de près avec eux. Nous leur servons, ils nous servent.”

Timothy Dubé, président de la section d’Ottawa de la Canadian Aviation Historical Society, dit aussi que le musée est précieux à la collectivité de l’aviation. Son organisme y organise des conférences mensuelles pour ses membres. Et à son ouvrage, durant la journée, en tant qu’archiviste militaire aux Archives nationales du Canada, Dubé travaille de près avec les conservateurs du musée.

Cette année, des membres du Conseil exécutif national de la Légion royale canadienne ont fait une visite guidée du musée. Le vice-président national Clarence King de Grand Falls-Windsor (T.-N.), était heureux de la visite. Il a servi à l’ARC, et il a été en garnison à Rockcliffe de 1957 à 1960. C’est à Rockcliffe qu’il a rencontré son épouse et c’est là aussi que son fils aîné a vu le jour. “J’étais heureux d’y retourner, et j’ai beaucoup aimé la visite. Les expositions sont extra et j’aimerais que le musée obtienne davantage d’espace.”

Le président national des débats Wally Smith de Peterborough (Ont.) a servi à la Princess Patricia’s Canadian Light Infantry durant la Seconde Guerre mondiale. Il a été très impressionné par ce qu’il a vu au musée. “Je me suis particulièrement intéressé aux avions de la Deuxième Guerre mondiale, surtout le Lancaster. Ça impressionne vraiment de se tenir en dessous de l’avion et de regarder la petite place du canonnier arrière. En tant qu’ancien fantassin, ça m’a vraiment fait réaliser à quel point les gars y étaient exposés, à quel point c’était dangereux.”

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