
L’une des unités de blindés du Canada qui connut le plus de succès lors de la Seconde Guerre mondiale avait ses modestes origines dans la petite ville industrielle québécoise de Trois-Rivières. Établi en tant qu’unité de réserve d’infanterie francophone en 1871, le Three Rivers Regiment (TRR) avait été converti en unité blindée en 1936, bien qu’il eût fallu attendre 1940 pour qu’il ait des chars. En 1943, il fut désigné 12e Régiment blindé canadien (The Three Rivers Regiment).
Le TRR fut mis en service actif le 1er septembre 1939. Le recrutement traina, en partie à cause du besoin de mécaniciens et d’opérateurs radio à une époque où ni les manuels de formation ni ceux d’entretien n’existaient en français. En octobre, 250 hommes de Trois-Rivières s’étaient enrôlés (dont beaucoup étaient anglophones), et 167 hommes du Victoria Rifle de Montréal, ainsi que certains officiers anglophones d’autres unités, furent mutés au régiment pour renforcer les rangs.
Le TRR conserva en partie son caractère bilingue, mais la principale langue du régiment était l’anglais. À la fin de la guerre, 83 % de ses membres qui avaient servi outre-mer étaient anglophones, et 14 % seulement venaient de Trois-Rivières.
Le TRR arriva en Grande-Bretagne le 30 juin 1941, et il fut envoyé à Salisbury Plain pour une formation poussée. Il faisait partie de la 1re Brigade de chars de l’Armée canadienne (appelée Brigade blindée par la suite), et servait aux côtés des régiments de Calgary et de l’Ontario. L’effectif de l’unité s’élevait à 614 hommes, dont 41 officiers. Après avoir été équipé successivement de chars Matilda II, Churchill, Ram et, enfin, Sherman, le régiment était prêt à combattre.
Le 10 juillet 1943, le TRR, sous le commandement du lieutenant-colonel Eric Leslie Booth et composé de 54 chars d’assaut, débarqua en Sicile dans le cadre de l’opération Husky. Cinq jours après, à Grammichele, il fut la première formation de chars canadienne à détruire des chars allemands.
L’un des grands faits d’armes du régiment prit place les 5 et 6 octobre 1943, après l’invasion Alliée de l’Italie continentale. Deux jours avant, les Britanniques avaient audacieusement débarqué à Termoli, sur la côte de l’Adriatique. Or, l’opération risquait de tourner au désastre, car ils étaient attaqués par la 16e Panzerdivision allemande.
Les Sherman du TRR roulèrent pendant 16 heures pour se porter au secours des Britanniques et, en détruisant une dizaine de chars et de nombreux autres véhicules, ils obligèrent les Allemands à battre en retraite. Le prix payé? Neuf hommes tués ou blessés, et la perte de cinq chars. « Les cavaliers ont bien raison d’être fiers du travail de la journée », écrivit Jean-Yves Gravel, l’historien du régiment.

Deux mois plus tard, le TRR était pleinement engagé dans la capture d’Ortona, port de l’Adriatique. Ce fut l’une des batailles les plus ardues de la guerre pour l’armée canadienne.
« Les cavaliers ont bien raison d’être fiers du travail de la journée. »
Les Sherman fournirent un soutien rapproché à l’infanterie dans la ville, détruisant les bâtiments où s’abritaient des mitrailleuses, des soldats, des tireurs d’élite et des armes antichars de l’ennemi. Le lieutenant John Wallace du TRR s’est souvenu par la suite que les Allemands dissimulaient leurs mines et leurs armes antichars de « manières diaboliques et étonnantes ».
Entre le 15 et le 29 décembre, le TRR déplora 33 morts et blessés, perdit cinq chars, et en vit 12 autres endommagés.
Le terrain en Italie n’était pas des meilleurs pour les chars et, en 1944, le régiment se battait dans des collines et des vallées, le long de routes boueuses et contre un ennemi bien fortifié et acharné. En mai, il traversa avec difficulté les puissantes lignes Gustav et Hitler au sud de Rome, combattant à Monte Cassino en cours de chemin.
Fin juin eurent lieu les pires pertes de la guerre que subit le régiment, dans la ligne Trasimene, au nord de Rome : 64 morts et blessés et 22 chars détruits. Néanmoins, Gerald W.L. Nicholson, historien officiel de l’Armée canadienne, qualifia les actions du TRR de « brillantes ».
Pendant les 20 mois qu’il passa en Italie, le TRR dénombra 114 morts et 331 blessés, et cinq de ses hommes furent faits prisonniers. Il avait passé plus de temps au front que toute autre unité de l’Armée canadienne et avait reçu plus d’honneurs de guerre que tout autre régiment blindé canadien.
Le régiment fut démobilisé à Trois-Rivières le 30 novembre 1945, et il est aujourd’hui perpétué par le 12e Régiment blindé du Canada.
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