8 février 1690, une force composée de miliciens canadiens et leurs alliés autochtones incendia Schenectady et massacra les habitants de ce village new-yorkais. Cet incident fut d’une violence peut-être inédite pendant la guerre transfrontalière entre la Nouvelle-France et les colonies anglaises des Amériques.
La guerre entre l’Angleterre et la France avait éclaté en 1689. L’attaque menée par les Canadiens à Schenectady était en partie des représailles à la suite du massacre brutal de colons français par les Iroquois à Lachine cette même année. Le gouverneur combattif de la Nouvelle-France, Louis de Buade de Frontenac, avait décidé d’élargir la guerre aux colonies anglaises isolées les plus proches. Il lança donc une série d’expéditions punitives, dont une de Montréal qui ciblait la capitale de la colonie anglaise de New York, Albany, située à environ 300 kilomètres au sud.
La force, commandée par
Jacques Le Moyne de Sainte-Hélène, Nicolas d’Ailleboust de Manthet et le célèbre officier de marine Pierre Le Moyne d’Iberville, se composait de 114 miliciens canadiens, de 96 Saults et Algonquins et de quelques guerriers mohawks chrétiens. Les troupes étaient expertes dans la guerre en forêt, et elles avaient fait leurs preuves dans les campagnes hivernales. Chaussées de raquettes à cause d’une épaisse couche de neige, elles cheminèrent vers le sud dans les sentiers boisés vallonnés et le froid mordant de janvier, le long de la rivière Richelieu et des lacs Champlain et George, traînant leurs provisions sur des toboggans. Ce fut un voyage ardu et une épreuve d’endurance.
En cours de route, il fut déterminé qu’Albany, sur les rives de la rivière Hudson, était trop bien défendue. Sur les conseils des guerriers autochtones, les Canadiens décidèrent de lancer un raid contre l’avant-poste de Schenectady, plus petit, à environ 30 kilomètres à l’ouest d’Albany. Ils y arrivèrent au bout de 22 jours exténuants.
Schenectady était une petite colonie protégée par une palissade en bois, un poste de garde et une garnison de 24 soldats du Connecticut. Malgré les rapports d’Albany qui faisaient état d’une force ennemie à proximité, l’un des portails de la palissade avait été laissé ouvert, en partie coincé dans le gros manteau de neige. Il n’y avait aucune sentinelle.
La force canadienne entra dans le village à 23 heures, sans avoir été détectée. Plusieurs hommes prirent position à l’extérieur de chaque logement pendant que les habitants dormaient. Un cri de guerre terrifiant brisa soudainement le silence : c’était le signal pour que les assaillants défoncent simultanément les portes et brisent les fenêtres, tuent les résidents et mettent le feu aux bâtiments dont beaucoup étaient encore occupés par des villageois. Une brèche fut également ouverte dans le poste de garde, et les soldats qui s’y trouvaient furent massacrés. D’autres défenseurs s’enfuirent dans les bois.

Le massacre fut terrible : deux heures de tuerie et de destruction. Soixante colons, 38 hommes, 10 femmes et 12 enfants, furent tués, pour la plupart sans arme. Parmi les morts se trouvaient 11 esclaves noirs. Environ 60 résidents, principalement des personnes âgées, des femmes et des enfants, furent épargnés tandis que d’autres s’échappèrent dans leurs vêtements de nuit et se dirigèrent à moitié gelés vers les fermes voisines ou vers Albany, certains succombant au froid en cours de route. Vingt-sept hommes et garçons furent capturés et, avec 50 chevaux chargés de butin, escortés jusqu’à Montréal. Un Canadien et un soldat autochtone avaient été tués.
Schenectady était une ruine fumante. Pratiquement aucun bâtiment ne tenait plus debout.
Une force de 50 miliciens d’Albany et 140 de leurs alliés mohawks poursuivirent les pillards et rattrapèrent quelques trainards non loin de Montréal, tuant six d’entre eux et en capturant 13 autres. Ces derniers furent ensuite tués par les Mohawks en représailles.
« Le massacre de Schenectady constitue l’un des plus odieux chapitres du début de l’histoire américaine, a écrit Nelson Greene, historien américain. Non seulement cette atrocité a causé des souffrances et des chagrins indicibles, mais […] il a fallu dix ans pour que [Schenectady] retrouve la position qu’elle occupait avant cette nuit tragique de sang et de feu. »
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