
Tout au long de la Seconde Guerre mondiale, les Canadiens ont craint que les navires transportant les contingents de soldats canadiens en Grande-Bretagne ne soient coulés dans les eaux infestées de sous-marins. C’est bien arrivé, mais une seule fois.
Le vapeur Nerissa était un petit navire britannique de passagers et de fret de 5 583 tonnes, construit à Glasgow en 1926. Il fut mis à la disposition de l’armée britannique pour le transport de personnel et de matériel en 1940.
Le Nerissa quitta Halifax le 21 avril 1941. Le 24, après une escale à St. John’s (T.-N.), il mit le cap sur Liverpool sans escorte. Comme ce navire pouvait soutenir une vitesse de 14 nœuds, il n’était pas obligé de se joindre à un convoi qui aurait été beaucoup plus lent (mais protégé).
Il y avait 291 personnes à bord, dont 105 membres d’équipage, 108 membres de l’Armée canadienne provenant de divers corps et branches, 16 membres de la Marine royale canadienne (principalement des télégraphistes), 24 militaires britanniques, 14 pilotes de transport américains, quatre aviateurs norvégiens et 20 civils, principalement des Canadiens. Le navire transportait également une cargaison de 3 049 tonnes : aluminium, munitions et une trentaine d’ambulances militaires.
Le 30 avril, vers 8 h 15, alors que le navire s’approchait de l’Irlande, le premier de quatre bombardiers de patrouille anti-sous-marine Hudson du Royal Air Force Coastal Command l’escorta pour passer dans une zone avérée de présence de U-boots. Au moins un Hudson accompagna le Nerissa tant qu’il faisait jour; le dernier le quitta vers 19 h 15. Mais, un sous-marin allemand qui filait droit sur le Nerissa n’avait pas été détecté, et il se trouvait à peine à 40 kilomètres du bâtiment.
L’Oberleutnant zur See Erich Topp, commandant de l’U-552, aperçut malgré l’obscurité le Nerissa qui louvoyait, et le garda en vue jusqu’à ce qu’il soit à moins d’un kilomètre. Le sous-marin fit alors surface à 22 h 30 et tira trois torpilles. L’une d’elles explosa sur le côté tribord du Nerissa, près de la poupe. Les dégâts furent irrémédiables.
Le Nerissa perdit toute sa puissance et donna immédiatement de la gite à tribord. Le cri « Abandonnez le navire! » retentit, mais la plupart des tentatives pour lancer les canots de sauvetage et les radeaux du navire furent vaines.
« Imaginez basculer du badinage et de l’amitié à la terreur et l’horreur en un instant », explique le sergent canadien Frank Stojak.
Une autre torpille percuta le navire et lui brisa les reins. Topp, qui allait devenir l’un des principaux as sous-mariniers allemands, avait administré le coup de grâce. Le Nerissa fut englouti par les flots quatre minutes après la première déflagration, à environ 200 kilomètres au nord-ouest de la ville irlandaise de Donegal.
Le bombardier suppléant Jack Cockrell garde en mémoire « des cris d’agonie des hommes dans l’eau », et le sous-lieutenant H.C. Ledsham, que « la proue du navire avait disparu à cinq mètres de [lui], et la mer grouillait d’hommes ».
L’U-552 aperçut bientôt le Nerissa qui louvoyait dans la nuit obscure.
Les survivants s’accrochaient aux canots de sauvetage, dont la plupart avaient chaviré, tandis que l’eau déferlait sur eux. Beaucoup de ceux qui avaient survécu aux explosions initiales ne passèrent pas la nuit. Les hommes suppor-tèrent « les vagues déferlantes, le désespoir et le froid pendant des heures, puis vint l’espoir lorsqu’un avion passa au-dessus d’eux », a écrit l’historien Douglas How.


Le 1er mai, à 6 h 42, un avion de patrouille Whitley aperçut six canots de sauvetage et six radeaux. Le contretorpilleur HMS Veteran arriva à 8 h 5, et les survivants étaient à son bord 10 minutes après.
Sur les 291 personnes à bord, 207 avaient péri, dont 93 Canadiens : 73 soldats, 10 marins, un membre de l’équipage et neuf civils. Il y avait 15 décès chez les Terre-Neuviens membres de l’équipage.
Les pertes en vies humaines furent les plus lourdes que l’Armée canadienne eut subies en un seul incident à ce moment-là de la guerre. Sur les 73 morts, 33 qui appartenaient à l’obscur Corps of Military Staff Clerks, et huit qui au Corps de santé royal de canadien. La plupart des marins canadiens décédés étaient des télégraphistes nouvellement formés, âgés de 20 ans en moyenne.
Fait tragique, toute la famille britannique Lomas, soit cinq personnes, dont trois enfants âgés de trois à six ans, périt dans le naufrage.
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