Ne jamais reculer

Le lieutenant-colonel Dollard Ménard des Fusiliers Mont-Royal. il fut représenté par la suite dans cet affiche de propagande
Reginald Rogers/MCG/19920142-003

Les Fusiliers Mont-Royal à Dieppe, 19 aout 1942

Créé en 1869, le Fusiliers Mont-Royal (FMR) est l’un des plus anciens régiments de Montréal. L’unité de réservistes fut mobilisée pour le service actif dès le début de la Seconde Guerre mondiale. D’abord en garnison en Islande en juillet, il arriva en Angleterre en octobre 1940. Le FMR servit dans la 6e Brigade d’infanterie de la 2e Division d’infan-terie canadienne. Au bout de deux ans d’entrainement, il affronta la pire épreuve qu’il devait connaitre pendant la guerre : le célèbre raid de Dieppe du 19 aout 1942. 

Nous savions que nous tenions dans nos mains l’honneur du Canada. 

Le FMR avait été désigné comme force de réserve pour le raid : il devait débarquer pour asseoir le succès ou protéger les forces alliées lors d’un repli. Les troupes canadiennes prirent les plages d’assaut à 5 h, mais ils n’avancèrent pas beaucoup devant la résistance allemande. Le nombre de victimes s’accumula rapidement, et le chaos régnait. Le major-général John Roberts, commandant de division à bord du NSM Calpe, ignorait ce qu’il se passait à terre : les communications étaient mauvaises et une épaisse fumée occultait la situation.

Le lieutenant-colonel Dollard Ménard des Fusiliers Mont-Royal (insigne de casquette pour chapeau en encart)

Roberts reçut un message à 6 h 10 et crut malencontreusement à l’annonce d’un progrès favora-ble des Canadiens. Il donna donc l’ordre au FMR de se joindre aux combats. Les 584 soldats du FMR, en grande partie des francophones commandés par Dollard Ménard, un lieutenant-colonel de 29 ans, sautèrent dans 26 péniches de débarquement rapides en bois. 

Des corps de soldat gisent sur la plage de Dieppe.
BAC/C-014160

Les hommes débarquèrent à 7 h 10 le long de la côte devant Dieppe, plus dispersés et plus à l’ouest que prévu. Le FMR vit nombre de morts et de blessés, ainsi que des chars détruits. Les Allemands attaquèrent immédiatement les embarcations à l’aide de mitrailleuses et de mortiers, infligeant de lourdes pertes avant même que les hommes ne mettent pied à terre. 

Le FMR fut confronté à la même chose que les unités qui l’avaient précédé : une plage de cailloux donnant sur un haut brise-lames, et derrière un terrain à découvert, zone mortelle pour quiconque s’y aventurerait. 

L’ennemi retranché concentrait son feu sur ces nouvelles cibles canadiennes. La plus grande partie de la compagnie « D » gagna le rivage en arrivant sous de hautes falaises du côté ouest de la zone de débarquement. On ne pouvait ni avancer ni reculer. « Cloués sur place, les survivants ne songent plus qu’à s’abriter », rapporte l’histoire régimentaire du FMR. 

Des hommes se collèrent aux falaises alors que les Allemands leur lançaient des grenades. Peu après, un tir en enfilade venant de l’est prit pour cible des hommes qui s’étaient abrités derrière des rochers. Plus à l’est, un groupe de 12 hommes commandé par le sergent Pierre Dubuc réussit à pénétrer dans la ville et à détruire quelques positions allemandes. Ce fut la plus grande percée du FMR ce jour-là. 

Il était évident que le raid avait échoué et, à 11 h, Roberts donna l’ordre du repli. Les
Allemands furent sans merci
pendant la manœuvre. À 13 h, le combat avait pris fin : les Canadiens s’étaient rendus.

Blessé cinq fois, Ménard fut sauvé par ses hommes qui le portèrent jusqu’à un embarcation d’évacuation. L’Ordre du service distingué lui fut décerné pour son commandement. En octobre 1942, il déclara à Montréal devant une grande foule : « Nous savions que nous tenions dans nos mains l’honneur du Canada ». Fier du courage de ses hommes, il dit : « Comme on dit chez nous, du cœur au ventre, ils en avaient ».

Le FMR fut décimé à Dieppe : seuls 125 hommes retournèrent en Angleterre, pas moins de 105 avaient été tués. Quatre autres devaient décéder en Angleterre des suites de leurs blessures et 10 dans des camps de prisonniers de guerre, 344 avaient été capturés, dont 111 blessés. En tout, 916 Canadiens périrent et 1 946 furent faits prisonniers.

Le 21 aout 1942, Le Devoir écrit ceci : « À Dieppe, les Fusiliers n’ont pas déçu les espoirs qu’on avait mis en eux ». Ils étaient restés fidèles à leur devise, « Nunquam Retrorsum » (Ne jamais reculer). 

Un monument en l’honneur du Fusiliers a été dressé sur les lieux.
Serge Durflinger
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