Le MDN et les FAC présentent leurs excuses aux victimes d’inconduite sexuelle

Anita Anand, ministre de la Défense nationale.
wikimmedia.org

Des excuses officielles ont été présentées en décembre aux militaires, anciens combattants et employés civils qui ont subi un traumatisme sexuel ou une discrimination de genre dans l’armée, et du manque de réponse des institutions chargées de les protéger.  

« Nous sommes désolés. Je suis désolée », a dit Anita Anand, minis-tre de la Défense nationale, en reconnaissant que les gouvernements qui se sont succédé avaient échoué à éliminer le harcèlement sexuel, les agressions sexuelles et la discrimination fondée sur le genre dans l’armée.

« Votre gouvernement ne vous a pas protégés, et nous n’avons pas non plus fait le nécessaire pour disposer de systèmes adéquats qui garantissent la justice. »

« Nous regardons en face des vérités difficiles, a déclaré le général Wayne Eyre, chef de l’état-major général. Le préjudice que vous avez subi a eu lieu sous notre responsa-bilité. Sous ma responsabilité. »

Il a reconnu les abus de pouvoir derrière ces comportements, ainsi que ses répercussions sur les survivants : sentiment de trahison, confiance ébranlée, carrières compromises. « On parle d’atteintes à votre moi profond, à votre caractère. À votre dignité et à votre humanité. »

« J’ai consacré ma vie à cette institution, je l’aime, et j’en ai le cœur brisé. » 

La sous-ministre Jody Thomas, vétérane de la marine, a présenté des excuses de la part du ministère de la Défense nationale à toutes les autres personnes affectées : survivants, partenaires, parents, enfants et témoins qui se sont sentis démunis.

« Je crois que les excuses étaient sincères », a noté Mme Lori Buchart, présidente de It’s Not Just 700, un groupe de soutien de pairs pour les militaires qui ont subi un traumatisme sexuel dans le cadre de leur service. Mais, a-t-elle ajouté, certains survivants n’accepteront des excuses que de la personne qui leur a fait du mal, et pour d’autres « rien ne pourra jamais réparer le tort subi ».

Mme Thomas a suscité de nombreux commentaires en ligne lorsqu’elle a admis qu’elle s’était sentie démunie en tant que témoin d’actes de misogynie, d’homopho-bie, de rituels d’initiation et d’exclu-
sion au cours de sa carrière dans la marine. Elle « comprend très bien la situation », a écrit une personne. « Sous-ministre, ce sont là des excu-
ses que j’accepte », une autre a lancé. 

Plus de 7 600 personnes ont regardé les excuses en direct sur Facebook, et les commentaires allaient de « De belles paroles sans action » à « Ce sont là les excuses que nous attendions toutes et tous ». 

Toutefois, de nombreux survivants, comme Harvey Gingras de Winnipeg, ont préféré visionner les excuses en différé, avec du soutien émotionnel. « Les politiciens ont laissé tomber les anciens combattants, surtout ceux comme nous, dit-il. »

Les excuses ont été présentées à l’issue d’une douloureuse année pour les Forces armées canadiennes, au cours de laquelle de multiples allégations d’inconduite sexuelle contre des officiers supérieurs ont fait l’objet d’enquêtes. 

Le public a pris connaissance du problème en 2015, lorsqu’une ancien-ne juge de la Cour suprême a révélé une culture sous-jacente de sexualisation hostile aux femmes et aux militaires LGBTQ au sein des FAC.

Le général Jonathan Vance, alors chef d’état-major de la défense, a lancé l’opération Honneur pour éliminer les comportements dommageables et inappropriés dans les FAC. 

Les victimes d’inconduite sexuelle ont intenté des recours collectifs en justice et obtenu un règlement de 900 millions de dollars en 2019. Presque 19 000 demandes ont été présentées avant l’échéance de novembre 2021.

Outre une indemnité maximale de 155 000 $ selon la gravité de l’acte et le degré de préjudice, le règlement prévoit aussi un programme de démarches réparatrices dans le cadre duquel les survivants peuvent exposer leur vécu à de hauts fonctionnaires du MDN et des FAC. 

L’opération Honneur a été remise en cause lorsque deux femmes ont accusé le général Vance d’inconduite sexuelle. Quand l’une d’elles a raconté son histoire aux médias, d’autres se sont manifestées, ce qui a entrainé des enquêtes sur une demi-douzaine d’officiers supérieurs et des critiques de dirigeants qui apportaient leur soutien aux personnes faisant l’objet d’une enquête. 

Le général Vance a été accusé d’entrave à la justice en juillet. 

L’opération Honneur, vue comme une trahison, s’est soldée par des accusations sur son inefficacité. Deux comités de la Chambre des communes ont lancé des études sur l’inconduite sexuelle dans l’armée.

Mme Anand a transféré en novembre les enquêtes et les poursuites judiciaires sur les cas d’inconduite sexuelle aux autorités civiles. Le cas de Vance a été remis au système de justice civil et le procès est prévu pour mai 2023. 

Les excuses marquent un tournant décisif, a souligné M. Eyre, qui rend hommage aux survivants, aux plaignants des recours collectifs et aux associations de défense d’intérêts dans ce combat pour le changement.

« C’est injuste, nous avons chargé les victimes de préjudices d’amorcer le changement, a noté M. Eyre. Cela n’aurait pas dû être à vous de porter ce fardeau. 

« Il va falloir prendre des mesures concrètes pour provoquer des changements réels et durables. Cette fois-ci, nous n’échouerons pas […]. Il s’agira d’un travail difficile et compliqué pour lequel une unité d’intention est nécessaire afin d’atteindre l’objectif.

« C’est un travail que nous avons déjà entamé. »

« Les paroles étaient sincères, a conclu Mme Buchart. Les mots importent; les mesures encore plus. Il y a encore des gens qui croient que ce n’est pas un problème, et c’est là un défi. »

Toutefois, elle a dit faire preuve d’un « prudent optimisme ». 

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