Lorsqu’un vice-amiral japonais se rendit, en 1945, il déposa aussi son tachi
Le lieutenant de marine canadien William Lore était à bord d’un bâtiment de la flotte britannique lorsqu’elle entra dans le port de Victoria, Hong Kong, en aout 1945. En reconnaissance des sacrifices de Canadiens à la bataille de Hong Kong, Lore fut mis à la tête du groupe qui libéra les prisonniers du camp de Sham Shui.
En septembre, il vit le vice-amiral Ruitaro Fujita signer l’acte de reddition. Il vit aussi Fujita céder son sabre au contre-amiral britannique Cecil Harcourt.
Pour l’officier japonais, céder son sabre militaire était une humiliation nationale et personnelle. Un sabre militaire, au Japon, ce n’était pas seulement une arme : il avait une signification spirituelle; c’était un lien avec des traditions remontant à plusieurs siècles.
Au Japon, la fabrication de sabres de qualité est un art millénaire. La première lame courbe, évolution d’un procédé transmis d’une génération à l’autre, fut produite par un artisan vénéré vers 700 apr. J.-C.
Le forgeage d’une lame affilée et suffisamment solide pour supporter les coups sans s’ébrécher ni se briser pendant le combat est remarquable. Plusieurs barres de fer, certaines dures, d’autres molles, sont chauffées jusqu’à presque 1 400 °C et martelées pour en arriver à une lame longue et fine. La courbe caractéristique s’obtient lorsque le métal chaud est plongé dans l’eau froide. Lorsqu’elle est froide, la lame est polie jusqu’à ce qu’elle brille comme un miroir, afin que les ennemis y voient leur reflet avant de mourir.
Les samouraïs croyaient que les lames incarnaient les vertus du bushidô, c’est-à-dire les préceptes constituant la morale du guerrier : justice, courage, bienfaisance, respect, honnêteté, honneur et loyauté. Les sabres accompagnaient souvent les samouraîs jusqu’à leur mort.
Les officiers japonais avaient tous un sabre entre 1939 et 1945. Ces armes étaient aussi en grande partie des symboles, insignes de grade décorés d’un gland au bout de la poignée.
Malgré sa décoration à fleurs de cerisier, son motif d’ancre et ses poignée et fourreau en peau de raie, le sabre de Fujita n’avait rien d’extraordinaire; l’arsenal de la marine japonaise en avait fabriqué pour la guerre. Celui-là avait été fait en 1942.
Il y avait toutefois des soldats japonais qui avaient un sabre familial vieux de plusieurs siècles, œuvre d’art crée par un maitre armurier. Nonobstant la signification personnelle ou historique, les militaires japonais durent tous déposer leurs armes, y compris leurs sabres, dont beaucoup furent détruits par la suite.
Après la guerre, c’étaient des butins aux yeux des soldats américains ou australiens. Rares étaient ceux qui savaient qu’ils avaient des articles d’importance artistique ou historique entre les mains. Un grand nombre de sabres précieux rouillèrent dans les greniers et dans les caves aux États-Unis et en Australie.
Une lame fabriquée en 1673 et utilisée par les ancêtres samouraïs d’un certain capitaine Sugita fut remise, à Bornéo, à un capitaine de l’armée de l’air australienne. Bien que l’identité du propriétaire fût connue, la lame ne fut jamais remise à la famille, et elle a été mise en vente récemment. Le prix était de 5 000 $US.
Le sort d’une autre lame, la Honjō Masamune, considérée comme étant le meilleur sabre du Japon, demeure inconnu. Ce sabre, conquis dans un combat en 1561 et transmis de shogun à shogun, fut déclaré trésor national du Japon en 1939. Il fut rendu en 1945 et prétendument remis à un sergent de l’U.S. Foreign Liquidations Commission en 1946, et l’histoire en a perdu la trace.
La plupart des lames capturées furent détruites, mais certaines furent retournées aux familles qui en étaient propriétaires ou données à des musées. La lame de Fujita fait partie de la collection du National Maritime Museum à Greenwich, Londres.
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