L’unité de neutralisation d’explosifs

 

Robert Côté, portant une tenue de déminage Spooner de 38 kg, place un paquet dans la remorque de déminage de la police de Montréal en 1968.
Musée canadien de l’histoire
Robert Côté de Montréal doit sa vie à cette pince coupe-fil (ci-dessus) de 3,95 $ achetée chez un quincailler en 1963. Il l’a utilisée pour désamorcer des dizaines de bombes pendant la campagne de terreur de sept ans du Front de libération du Québec.

Pince coupe-fil
Musée canadien de l’histoire
Côté, chef de l’escouade anti-bombes de la police de Montréal à la retraite, estime que les spécialistes ont désamorcé ou fait exploser environ un tiers des bombes du FLQ (ou qu’elles ont fait défaut).

Mais « il y a 200 bombes qui ont explosé », nous dit Xavier Gélinas, conservateur d’histoire politique du Musée canadien de l’histoire. À Montréal, dans les années 1960, nous avions toujours les bombes à l’esprit; tout le temps. »

Le FLQ employait la violence pour parvenir à la réforme politique et sociale : vols à main armée, attentats à la bombe, détournements d’avions, rapts, assassinats.

Cette violence a été la cause de huit morts, de dizaines de mutilés et de centaines de blessés.

Le FLQ ciblait les symboles du colonialisme et les entreprises et institutions anglophones, mais ses victimes étaient souvent des gens du commun. La bombe était son arme de prédilection. Il utilisait des cocktails Molotov et de la dynamite chapardée dans les chantiers de construction qu’il y avait ici et là dans la ville grâce au boom de la construction précédant l’Expo 67.

Il y a eu des bombes dans le domicile du maire et dans celui du chef de la police, à la tour de communication principale de la ville, au quartier général de la GRC, dans des sites militaires, à l’hôtel de ville, dans une salle de la Légion royale canadienne, à la Bourse de Montréal, dans des écoles et à l’Université McGill.

 

Le FLQ s’était constitué en février 1963, et il a immédiatement donné du fil à retordre au seul démineur qu’avait la police. En avril, les bombes ont secoué un immeuble fédéral de l’impôt, la gare centrale de Montréal et une ligne de chemin de fer du CN que le premier ministre du pays était sur le point de prendre. L’ancien combattant William Vincent O’Neill a été tué par une bombe dans un centre de recrutement de l’armée.

Le drapeau du Front de libération du Québec arborait un habitant armé, symbole historique des rebelles francophones d’antan.
MUSÉE CANADIEN DE L’HISTOIRE
On avait besoin d’un plus grand nombre de spécialistes des engins explosifs. Une nouvelle unité de neutralisation d’explosifs dont Côté faisait partie, formée par le Corps du génie royal du Canada, s’est mise au travail le 10 mai.

Quinze bombes ont été mises dans 11 boites aux lettres à Westmount, riche quartier anglophone, le 17 mai. Elles étaient faites de trois bâtons de dynamite, d’une petite pile et d’un détonateur branché à une montre de poche Dax, a rapporté D’Arcy Jenish dans The Making of the October Crisis (La genèse de la crise d’octobre, NDT). Cinq ont explosé au beau milieu de la nuit.

Les ingénieurs de l’armée ont été appelés au secours. Une bombe a explosé entre les mains du sergent Walter Leja qui en avait déjà désamorcé deux. Il y a perdu un bras, a été atteint de lésions cérébrales et de paralysie, a perdu l’ouïe et la parole, et a passé la majeure partie du reste de sa vie à l’hôpital des anciens combattants de Sainte-Anne-de-Bellevue, où il est mort en 1992.

Tenue blindée de 38 kilogrammes fabriquée par Spooner Armor Protective Equipment aux États-Unis.
Musée canadien de l’histoire
Côté manipulait souvent les bombes à mains nues, coupant le fil reliant la minuterie au détonateur. Dans le coffre de sa voiture, il rangeait une tenue blindée de 38 kilogrammes, incommode et chaude, fabriquée par Spooner Armor Protective Equipment aux États-Unis. Elle lui a bien servi.

Côté a désamorcé sa dernière bombe le 12 juillet 1970 : 45 kilogrammes de dynamite dans une voiture laissée dans l’allée reliant les quatre bâtiments du siège social de la Banque de Montréal. « Si j’avais échoué ce jour-là, il aurait probablement fallu gratter nos restes sur les murs pour les envoyer à trois ou quatre maisons funéraires », a déclaré Côté dans le livre de Jenish.

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