EN septembre 1944, un coup de filet allemand se refermait autour de la famille Cretier dans la ville de Rossum, aux Pays-Bas, à environ 80 kilomètres au sud d’Amsterdam.
Willem Cretier, qui s’était engagé dans la résistance hollandaise, avait évité la capture, alors les Allemands essayèrent de s’en prendre aux membres de sa famille. Il se livrerait certainement pour leur sauver la vie.
Or, son épouse, Geert, avait été prévenue, et elle s’échappa avec leurs trois enfants, deux garçons, Kees et Gérard, et une fille de 10 ans, Everdina, surnommée Sussie. La famille se rassembla dans une ville voisine où elle dut se cacher sous le plancher d’une maison pendant que les Allemands la fouillaient de fond en comble.
Willem était sûr qu’ils finiraient par être découverts. Lors d’une fuite éperdue, la famille traversa un champ à découvert jusqu’aux lignes canadiennes d’où le Fort Garry Horse Regiment la couvrit par un tir de suppression quand des Allemands dans le clocher d’une église voisine la prirent pour cible.
Les Cretier trouvèrent refuge à Alphen, mais ils y éprouvèrent beaucoup de difficultés, contraints de vivre dans une seule pièce et accablés par la disette tout au long de l’hiver de la faim. Un régiment de campagne et un bataillon d’infanterie canadiens, qui arrivèrent dans la ville le 12 novembre, y restèrent pendant cinq mois : assez longtemps pour que se créent des liens d’amitié.
Sussie, sous-alimentée et portant des vêtements usés jusqu’à la corde, quêta des cigarettes pour son père auprès d’un équipage de char d’assaut avec qui elle se lia d’amitié, et dont faisait partie Bob Elliott, qui avait alors 19 ans. L’équipage lui en donna, ainsi que de la gomme et du chocolat pour les enfants. Lorsque Willem, qui était mécanicien avant la guerre, alla remercier les hommes, il se fit embaucher pour travailler sur les chars canadiens.
L’équipage d’Elliott se fit très ami des Cretier, surtout de Sussie, et nomma son char en l’honneur de cette dernière. À Noël, ils lui donnèrent en cadeau de nouveaux vêtements : des chaussures, un chandail, une écharpe, ainsi qu’un manteau et un pantalon fabriqués à partir d’une couverture de l’armée. Chaque soldat avait fait don d’un bouton d’uniforme pour le manteau. Sussie en fut ravie, et sa famille, très touchée.
En février, les habitants d’Alphen firent une haie d’honneur lorsque les chars quittèrent la ville pour se rendre à Nimègue. La guerre prit fin en mai, et les Néerlandais se mirent à rebâtir leur vie. Elliott rendit une dernière fois visite aux Cretier avant de revenir au Canada.
Sussie et Bob poursuivirent chacun sa carrière par la suite, se marièrent et eurent des enfants. En 1981, quand Elliott rendit de nouveau visite aux Cretier, ils étaient tous deux en ins-tance de divorce. Sussie lui montra le précieux manteau qu’elle avait gardé depuis presque 40 ans, ce qui raviva les souvenirs heureux d’un Noël lointain et des généreux Canadiens.
Bob et Sussie tombèrent amoureux et se marièrent en 1985, habitant bientôt tour à tour les Pays-Bas et le Canada.
Sussie, qui s’appelait dorénavant Sue Elliott, donna le manteau à la filiale albertaine Olds de la Légion royale canadienne, de laquelle Bob et elle étaient membres. Il fut exposé pendant les 10 années suivantes avec des objets souvenirs de la filiale et utilisé lors de discussions avec des anciens combattants dans les écoles de la localité. En 2006, il fut donné au Musée canadien de la guerre, à Ottawa.
« Le manteau est un important artéfact de la guerre », dit Alan Buick, auteur de The Little Coat: The Bob and Sue Elliott Story (Le petit manteau : l’histoire de Bob et Sue Elliott, NDT). « C’est un symbole de la compassion que les soldats canadiens avaient envers les Néerlandais. »
Et de la reconnaissance profonde de ces derniers envers leurs libérateurs.
Bob Elliott mourut en 2015. Sue, atteinte de la maladie d’Alzheimer, fut admise peu après dans un établissement de soins de longue durée.
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